Chapitre 28

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Victor joua de ses doigts le long du buste de son amante. Pianissimo. Il était en elle. Leurs respirations d'abord, puis leurs hanches s'étaient accordées.
Le corps de Clémentine était comme un instrument pour Victor. Il ne se lassait pas de faire jouer ses mains sur la peau lisse qui se tendait sous ses doigts. Crescendo. Un soupir. Changement de tempo. Il fermait les yeux pour mieux écouter les plaintes qu'elle exhalait alors qu'il répétait ses gestes encore et encore, jusqu'à ce qu'il trouve l'accord parfait qui faisait sortir d'elle le râle ultime qui envoyait des frissons le long de sa colonne vertébrale. Une ultime mesure. Fortissimo.
Clémentine reprit son souffle, la jouissance physique l'avait laissée pantelante. Victor lui avait fait l'amour comme elle l'avait espéré : comme avant. Comme si leur dernière rencontre amoureuse avait eu lieu la veille et qu'aucun autre homme ne l'avait touchée entre temps. Il l'avait déshabillée sans hésiter, avide de redécouvrir son corps, néanmoins elle savait qu'il était prêt à réagir à la moindre hésitation de sa part. Mais elle lui faisait une confiance aveugle et s'était laissée docilement diriger par sa baguette.
Le maestro aussi récupérait. Il avait joué sa partition sans erreur et sans bémol.
— Incroyable, dit-il.
Clémentine se pressa contre lui.
— J'en ai connu des femmes, reprit Victor, mais alors toi !
— Tu parles d'une chose à dire ! s'offusqua Clémentine.
— C'était un compliment ! Aucune autre ne t'arrive à la cheville, tu peux me croire, je suis un expert en la matière !
— Tu aggraves ton cas, très cher.
— Sérieusement, tu ne t'es jamais demandé pourquoi on était si compatibles tous les deux ? insista Victor. C'est vrai, quoi ! C'est exceptionnel !
— J'avoue, confirma Clémentine en confortant sa position contre le torse de Victor.
Elle aimait sentir les battements de son cœur sous sa poitrine. Les pulsations étaient fortes, viriles, rassurantes.
— Tu crois à l'âme sœur ? questionna-t-il.
— Tu ne parles plus de sexe, là.
— Non. Ce que je ressens avec toi, c'est une parfaite harmonie. Je n'ai jamais connu ça avant. Et quand nos corps se complètent comme ça, j'ai la sensation qu'on ne fait plus qu'un.
Clémentine sourit.
— J'aime quand tu parles comme ça. Tu es bien plus romantique que moi, en fait !
— Tu n'es pas d'accord ?
— Je te fais confiance, réfléchit Clémentine. Et je ressens la même chose que toi. J'adore ce qu'il y a entre nous. Mais, Victor... sommes-nous capables d'entretenir cela ? D'être... fidèles ? Soyons réalistes, tu as trompé Lou avec moi, et je sais que je n'étais pas la première. Moi j'ai trompé Olivier...
— Chut ! Pourquoi tu penses à ça ! s'écria Victor. Ecoute. Lou, les autres... j'ai été clair avec elles dès le départ. Il n'a jamais été question d'être exclusif. D'ailleurs jusqu'à ce que je te rencontre ça ne gênait pas Lou que j'aille voir ailleurs. Mais toi c'est différent. Dès le départ ça a été différent.
— J'ai tellement envie de te croire.
— Je t'aime, Clémentine. Je ne dis pas que ça sera facile, mais avec les épreuves qu'on a traversées ces deux dernières années, qu'est-ce qu'on n'est pas capables d'encaisser ? Je suis persuadé que l'avenir nous réserve énormément de surprises, mais le plus important, c'est ici et maintenant. Je n'ai pas envie qu'on se prenne la tête avec des conjectures vaines, tu n'es pas de cet avis ?
Victor faisait tout son possible pour lui prouver ses bonnes intentions, et ça la rassurait, car elle ne doutait pas réellement.
— Si, fit-elle. Tu ne m'as jamais caché ton passé volage, je sais à qui j'ai affaire, et je ne serais pas ici avec toi si je ne te croyais pas sincère. Mais c'était important pour moi qu'on en parle. Moi aussi, je t'aime, Victor. Mais à partir de maintenant, c'est toi et moi, personne d'autre, conclut-elle.

Ni l'un, ni l'autre n'avait la moindre idée de l'heure qu'il était. Ils avaient cédé au sommeil pendant un temps avant de se réveiller ensemble, toujours enlacés.
C'est finalement la faim qui les sortit du lit. Victor avala un expresso tout en préparant un Earl Grey à Clémentine pendant qu'elle se douchait. Depuis qu'ils habitaient ensemble il avait eu le temps de l'observer et connaissait désormais ses préférences : noir le matin, corsé, et plutôt vert l'après-midi vers 17 heures, quand elle n'était pas trop absorbée par le travail et n'oubliait pas de faire une pause. Jamais de sucre.
Lorsqu'elle avait recommencé à travailler ils avaient passés quelques journées ensemble pour qu'il lui explique ce qu'elle devait savoir à propos de la salle et ainsi la mettre sur pieds. Depuis, même s'il se consacrait le plus souvent à d'autres projets, il avait gardé l'habitude dès qu'il le pouvait de travailler à la maison plutôt qu'au bureau.
Victor s'attabla et commença à se restaurer, sans attendre. Après la nuit dynamique qu'ils venaient de partager, il avait une faim de loup ! Concentré sur sa tartine, il n'entendit pas Clémentine arriver derrière lui. Les pieds nus, elle avait dévalé silencieusement l'escalier en marbre et surprit Victor en s'accrochant à son cou. Elle tendit son bras libre face à eux et avant qu'il ne se rende compte de quoi que ce soit elle l'embrassait sur la joue tout en les photographiant.
— Qu'est-ce que...
— J'ai fait un selfie !
— Quoi ?
— Oh ! Ta tête sur la photo ! Je vais l'envoyer à...
Victor bondit de sa chaise et tenta d'arracher le téléphone des mains de Clémentine, mais elle réussit à finaliser l'envoi.
— Trop tard !
Il n'avait pas été assez rapide, mais emprisonna Clémentine en bloquant ses bras le long de sa taille. Elle ne pouvait plus bouger mais riait aux éclats, fière de son coup.
— Ça va se payer, ça ! menaça Victor d'une voix grave dans sa nuque.
Il desserra son étreinte légèrement pour que Clémentine puisse se tourner face à lui. Elle noua ses bras dans le bas du dos de Victor et l'embrassa, volontaire pour payer son dû, jusqu'à ce qu'un « ding » émanant de son téléphone interrompe leur baiser.
— Regarde, dit Clémentine en lui montrant l'écran.
Garance, à qui elle avait envoyé le message, se moquait effectivement de l'air ahuri de Victor sur le cliché, mais félicitait surtout le nouveau couple. Elle leur donnait sa bénédiction – bien que ce ne soit pas une surprise, c'était un soulagement pour Clémentine – et leur souhaitait d'être heureux ensemble.
— Donc, nous deux c'est officiel ? commenta Victor. Il me tarde de faire avec toi tout ce qu'on s'interdisait quand on ne voulait pas être vus en public.
Il guida Clémentine vers la table où son thé refroidissait, et ils firent en mangeant la liste de tout ce qu'ils allaient faire, maintenant qu'aucune contrainte ne les retenait. Victor se voyait déjà avec Clémentine à son bras pour toutes sortes d'occasions auxquelles il était sans cesse invité, comme le vernissage d'expositions dont il n'avait cure ou des compétitions sportives qu'il suivait d'un œil depuis les tribunes VIP des stades réservées aux partenaires et sponsors. Clémentine, sensible à l'enthousiasme de Victor, acquiesçait à toutes ces propositions, bien qu'elle se contenterait quant à elle de choses beaucoup plus simples comme une promenade sur la plage main dans la main.
Ils décidèrent de prendre leur journée. La matinée était déjà passée et ils n'avaient aucune envie de se mettre au boulot. Pelotonnés l'un contre l'autre sur le canapé du salon, ils envisageaient de regarder un film ; ils n'avaient pas non plus l'intention de mettre à exécution immédiatement l'un des plans de sortie qu'ils venaient d'évoquer. La tentation de rester collés l'un à l'autre était bien trop forte.
— Tu ne réponds pas ? demanda Clémentine à Victor une heure plus tard.
Ils sentaient tous les deux le téléphone qui vibrait avec insistance dans sa poche mais il n'avait pas la tête à décrocher. Il n'accordait pas plus d'importance au film que diffusait sa télévision – haute définition dernier cri – qu'ils avait pourtant mis du temps à choisir, découvrant à cette occasion qu'ils n'avaient vraiment pas les mêmes goûts en matière de cinéma. Non, son attention tout entière se portait sur la douceur de la peau du ventre de Clémentine qu'il caressait sous son T-shirt, et à sa bouche qui présentement lui mordillait l'oreille.
— Tu as aimé ? voulut savoir Victor alors que le générique de fin défilait sur l'écran.
Clémentine, qui enfilait son T-shirt tandis que Victor, avachi derrière elle, lui caressait le dos, sourit d'un air railleur.
— Tu parles du film ou de ta performance ?
— Du film, bien sûr. Pour le reste je n'ai aucun doute.
— Prétentieux !
Victor serait bien resté l'après-midi entière à se prélasser sur le canapé avec Clémentine dans ses bras. Mais elle voulait profiter du soleil de l'après-midi pour aller se dégourdir les jambes alors il l'imita et se rhabilla. Pas question de course à pied pour lui, mais il lui proposa une marche en amoureux sur les hauteurs de Sète. Il connaissait des chemins à couper le souffle – où il se rendait parfois avec Lola – qu'il n'avait pas arpentés depuis longtemps.
Un coup sec sur la porte se fit entendre, contrariant leurs plans. Clémentine demanda à Victor s'il attendait quelqu'un, il n'était pas rare qu'il reçoive des clients ou des partenaires à domicile, elle en savait quelque chose.
— Non, ce doit être un livreur, supposa-t-il.
Clémentine alla ouvrir et tomba nez-à-nez avec Arnaud, qui paraissait furieux.
— Bonjour Clémentine, Victor est là ?
Arnaud entra et marqua un temps d'arrêt en avisant son meilleur ami en jean et polo décontracté dans son salon, pieds nus, les cheveux en bataille. A cette heure de la journée en semaine, c'était pour le moins inhabituel.
— Arnaud ! salua Victor. Qu'est-ce qui t'amène ?
— Qu'est ce qui m'amène ? On avait rendez-vous à 14 h 30, je t'ai attendu 1 h au Spoon ! fulmina Arnaud. Et depuis quand tu ne réponds pas quand je t'appelle ?
Victor eut la décence d'afficher une mine contrite, même s'il ne regrettait aucunement d'avoir manqué ce rendez-vous.
— Mince ! Ça m'était complétement sorti de la tête. Excuse-moi, j'étais occupé !
Alors seulement Arnaud remarqua que Clémentine, anormalement détendue elle aussi, avait le même visage radieux que son ami. En haussant les sourcils, il la désigna du doigt, puis montra Victor. Celui-ci rit, comprenant qu'Arnaud avait saisi. Heureux de ne pas avoir à nier, Victor attrapa Clémentine par la main pour quelle se rapproche de lui et annonça fièrement :
— Arnaud, tu as la primeur d'apprendre que Clémentine et moi, nous sommes de nouveau ensemble.

Dans l'ombre du démon (Demain nous appartient - Clemor - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant