Heather -Tome 1: La Seconde Dimension

Chapitre 29

- C'est pas vrai..., Heather avait les mains posées contre sa bouche. Ce qui se déroulait devant elle n'était qu'un cauchemar. Un cauchemar dont elle allait se réveiller bientôt. C'était ce qu'elle espérait au plus profond de son être.

  Le ciel, qui était pourtant si brillant, se couvrit soudain d'une brume épaisse remplie de désespoir. Atravias venait de perdre sa bonne humeur. Les immeubles et les maisons perdaient de leur éclat, s'éteignant au gré de la peur qui s'étendait chez les Mêlés autrefois festifs. L'Arbre Intemporel au centre de la grande place semblait se carapater dans sa carapace invisible. Plus aucun craquement d'écorce ne se faisait entendre, plus aucun frottement de feuille. Rien. C'était comme s'il était entré dans un sommeil protecteur. Les végétaux étaient bien vivants et cela en était la preuve.

  La foule avait les yeux remplis d'effroi. Elle, qui était quelques minutes avant si bruyante et joviale, était maintenant plongée dans un mutisme déconcertant. Les musiciens qui occupaient la scène étaient remplacés par un groupe de personnes encapuchonnées de noire de la tête aux pieds, les deux prisonniers à genoux devant la foule. Le silence de mort qui régnait faisait monter la pression. Une pression si intense que personne n'osait bouger ne serait-ce que d'un centimètre.

  Dans la tête de Kris, cela fit remonter des souvenirs qu'il avait enfouis depuis bien longtemps. Il revoyait le massacre de son village défilé devant ses yeux. Les cris, les gens qui couraient dans tout les sens en se marchant presque dessus, les larmes, le sang. Il se souvint du moment où son père lui avait dit de partir se cacher avec sa mère et qu'il n'avait rien écouté. Il se disait fort, il n'arrêtait pas de répéter qu'il pouvait lui aussi se battre aux côtés des adultes, qu'il en était capable. Pourtant cette simple perte de temps avait coûté la vie de son paternel. Cette pression implacable fit remonter le moment où la faucheuse emporta son père. Il revit l'homme armé de son sabre teinté de violet, transpercer sa chair. La seconde d'après, sa mère, entourée d'une force incroyable prit son fils dans les bras en courant le vite possible, leur vie en dépendait et tout n'était qu'une question de temps.

  Ce jour-là, le soleil était à son apogée, chacun vaquait à ses occupations comme tout les jours. Kris, lui, était parti en ville avec sa mère pour faire le plein de nourriture. Il avait assisté pour rester chez lui mais son père aidait à la reconstruction d'une maison et de ce fait personne ne pouvait le surveiller. Du haut de ses huit ans, il ne savait pas comment s'occuper de lui-même sans faire de bêtises. En général, le retour à la civilisation bruyante s'était bien passé, le petit garçon suivait sa mère calmement encore contrarié d'être venu. Mais ce fut en rentrant qu'il découvrit le massacre. Encore quelques personnes étaient encore debout au moment où ils arrivèrent, dont son père. Les Capes Noires grouillaient de partout, ils criaient sans relâche « où est l'enfant? », et Kris comprit vite que c'était de lui qu'ils parlaient.

  Au loin, il remarqua son père, celui-ci étant un loup-garou, il devait user de la force physique pour se défendre. Se transformer prendrait trop de temps et il s'épuiserait pour rien. Il vit son fils le regarder au loin et hurla :

- Rejoins ta mère et partez ! Tout de suite !

- Non papa ! Je veux me battre avec toi, je ne peux pas te laisser !

- C'EST UN ORDRE !

  Les larmes coulaient sur les joues du petit garçon, avant qu'il n'ait pu voir la scène effroyable, il sentit des bras l'entourer et le soulever du sol. Il reconnaissait la chaleur familière des bras de sa mère. Cette dernière ne se fit pas prier et mit sa main devant les yeux de son fils, elle avait été témoin de la mort de son mari et elle ne voulait absolument pas traumatiser encore plus son enfant. Les deux partirent, laissant derrière eux la désolation et les larmes.