Chapitre 4

93 4 6
                                    

 Je rentre du travail. Il n'est pas très tard. 7H du matin. J'ai décidé de changer mes horaires et de travailler de nuit. Cela m'arrivait quelques fois mais maintenant, je ne fais que ça. C'est un nouveau rythme et il me convient pour le moment. J'ai pris cette décision très rapidement, en à peine 24h. Je passe plus de temps avec Antoine et les journées sont moins fatigantes. Je pense garder ce nouveau mode de travail même après la grossesse. Je peux me reposer plus tard et j'ai ma journée de libre. Étant donné que c'est le soir, il y a moins de patients. Les cas sont moins lourds et je laisse la place à ceux qui veulent travailler de jour. Je marche donc dans les rues, seule. Je n'ai pas peur de me retrouver face à un homme suspect. C'est une ville plutôt calme, il fait jour et à cette heure-ci, il n'y a personne dans les rues hormis les rares cafés qui ouvrent relativement tôt. Les habitants sont en train de dormir ou viennent tout juste de se réveiller pour le travail. J'envoie un message à Antoine pour le prévenir. Je sais qu'il dort encore mais il souhaite avoir un message quand je quitte l'hôpital, ça le rassure. Je peux le comprendre, c'est une sorte de sécurité. Si il ne me voit pas à son réveil, il saura qu'il m'est arrivé quelque chose.

Mes pas ralentissent en voyant une personne qui m'a l'air familière. Des années que je ne l'ai pas vu. Des années que nous ne nous sommes pas parlés. Je ne peux pas oublier son visage, je le vois tous les jours. Mon cœur s'emporte, sûrement d'excitation de la revoir. Un sourire se pose sur mes lèvres. Le hasard fait extrêmement bien les choses. J'en ai presque les larmes aux yeux rien qu'en l'observant. Vêtue d'une robe noire moulante avec un décolleté plutôt imposant, des chaussures à talons et d'un petit sac noir avec un anse en chaîne qui a probablement dû lui coûter cher en voyant le logo d'une grande enseigne de luxe, elle marche d'un pas rapide. Elle a l'air fatigué, comme si la nuit a été courte. Je ne peux m'empêcher de m'approcher, voulant lui parler, la serrer dans mes bras. Malgré toutes ses années d'absence, elle m'a extrêmement manqué.

- Margot ? Demandé-je en posant ma main sur son épaule.

La jeune femme se retourne et s'arrête brusquement, surprise de me voir. Je souris encore plus en la voyant aussi près de moi, en chair et en os. Je la prends aussitôt dans mes bras, si heureuse de la revoir après tant d'années. Elle me serre à son tour, sûrement de bonheur également.

- Manon ! s'exclame-t-elle.

- Ça fait si longtemps ! Je ne m'attendais pas à te voir après toutes ses années d'absence. Comment tu vas ?

- Bah bien. Très bien. Je suis arrivée ici il y a deux ou trois jours.

- Tu as le temps pour un café ? Tu m'as tellement manqué, je n'ai pas arrêté de penser à toi. Tous les jours à vrai dire.

Elle accepte et nous nous installons à un café, non loin de là où nous étions. Margot est ma sœur jumelle. Nous étions extrêmement proches lorsque nous étions enfants et même adolescentes. Nous faisions tout ensemble et nous faisions en sortes d'être toujours dans la même classe chaque année afin de ne pas être séparées. Le lien qui unit des jumeaux est particulièrement fusionnel. C'est un lien que seul des jumeaux comprennent. Ce n'est pas seulement un attachement comme un frère et une sœur, c'est beaucoup plus profond que ça. L'impression qu'il n'y a que l'autre qui puisse nous comprendre, qui puisse ressentir ce que nous vivons, ce que nous pensons. Un lien inexplicable. Même lorsque nos camarades voulaient comprendre comme il était possible d'être aussi proche, nous ne savions plus quoi dire, ne sachant pas expliquer ce lien qui nous unissait. C'est bien simple, lorsque l'une de nous n'était pas là, il y avait comme un vide. Comme si il manquait quelque chose. Pourtant, nous étions différentes. Nous n'avions pas la même caractère, pas forcément les mêmes goûts en matière de mode et même de musiques. Nous avions aussi des amis différents, des relations propres à chacune, des envies et avis qui parfois étaient opposés mais c'est comme-ci nos deux cœurs étaient réunis, ensemble. Malheureusement, après le collège, c'était difficile. Je suis partie dans un lycée général afin d'obtenir un baccalauréat S. Margot m'a suivi, ne voulant pas être éloigné de moi, voulant rester à mes côtés mais elle ne suivait pas. Elle n'avait pas de bonnes notes. Nos parents le savaient. Il était difficile pour elle d'avoir son brevet des collèges. Elle n'était pas concentrée et n'avait pas d'ambition. Elle ne savait pas quoi faire plus tard, ce qui n'était pas mon cas. J'ai tout de suite su que j'allais devenir médecin, ce qui était plus facile pour moi. Margot faisait, je pense, tout pour repousser le lycée. Elle avait peur de son avenir et je la comprenais totalement. Je faisais tout pour qu'elle ne se mette pas la pression, pour qu'elle prenne le temps de réfléchir, de comprendre ce qui pourrait l'épanouir mais elle ne trouvait pas, comme énormément d'élèves.. Elle a eu de la chance d'être admise dans le même lycée que moi. Je pense que nos parents y sont pour quelque chose. Mon père est un célèbre avocat très réputé. Il a dû donner de l'argent au lycée pour que ma sœur soit accepté. Malheureusement, sa première année ne s'est pas correctement bien passée. Les notes étaient désastreuses. Elle ne suivait pas. Nous n'étions même pas dans la même classe. Ce lycée n'était pas fait pour elle. Elle a dû quitter l'établissement pour aller en lycée professionnel afin d'avoir un baccalauréat secrétariat. Ses notes se sont vus : elle était deuxième de sa classe. J'étais si fière d'elle à ce moment là. Le problème étant son lycée. Il n'était pas à côté et était obligé d'être en internat. Cette histoire nous a éloigné. Nous ne nous voyions plus hormis le week-end et encore, par moment, elle ne rentrait pas, ne souhaitant pas faire tout le trajet en train. Lorsque je suis entrée en fac de médecine, la situation est devenue pire. Margot est partie dans un autre pays pour travailler et nous ne nous sommes plus jamais reparlés. Elle était injoignable, ne donnant jamais de nouvelles. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé honnêtement mais quand je la vois là, j'efface toutes ses années de silence. Peu importe la raison pour laquelle je n'ai pas eu de nouvelles pendant presque 8 ans. Le plus important est de retrouver ma sœur jumelle. Quand je lui parle, j'ai l'impression que nous ne nous sommes jamais quittés. C'est incroyable le lien que nous avons. Un lien extrêmement puissant et unique. Nous étions séparés depuis plusieurs années et pourtant, physiquement, nous nous ressemblons toujours autant. C'est simple, lorsque je la vois, j'ai l'impression que j'observe mon reflet. Il y a bien sûr quelques détails qui diffèrent comme des grains de beauté mais c'est vraiment léger et tout le monde pourrait s'y porter à confusion.

Pardonne-moi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant