Je ne sais plus très bien quelle heure il peut être. Deux, trois heures du matin. Je ne dors pas, il me semble que je ne pourrais plus. Leurs visages me hantent. Ils me hanteront à jamais je le sais.
Je me souviens être arrivée sur les lieux du drame, être passée au travers des contrôles de police. Je me souviens m’être dirigée directement vers la personne responsable de l’enquête. Je me souviens avoir décliné mon identité, il a semblé peiné puis m’a annoncé ce que je refusais d’entendre, ce que je refuse toujours de comprendre. Mon mari et mon fils venaient de m’être enlevé, violemment, brutalement. Après cela, plus rien. Le trou noir.
Je suis à présent dans cette immense maison vide, le visage inondé de larmes et le corps secoué de sanglots. Jamais je n’ai autant souffert. Une partie de mon âme semble m’avoir été arrachée, j’ai le cœur à vif. Le visage enfoui dans un oreiller, je hurle. Depuis longtemps visiblement parce que ma gorge me brûle. Bientôt je n’aurai plus de voix.
Si seulement je pouvais disparaître et les rejoindre.
Pourquoi n’étais-je donc pas avec eux ?
Pourquoi cette providence en laquelle je n’ai jamais cru m’a-t-elle donc épargnée ?
Une porte s’ouvre, la lumière s’allume. Je continue de hurler, ma douleur ne diminue pas mais la souffrance physique engendrée me convient mieux. Je me croyais forte. L’exceptionnel agent fédéral n’est finalement plus qu’une simple femme à qui on vient de retirer toute envie de vivre. Je sens une main sur mon épaule, je ne bouge pas. Mes poumons refusent de fonctionner plus longtemps. Tant mieux. On me secoue, on me gifle. Je respire de nouveau et lève la tête. Henry, mon chef d’équipe et mentor est agenouillé devant moi. L’air plus grave que jamais. Les larmes coulent toujours. Il me prend dans ses bras et je n’ai plus la force de me dégager cette fois-ci. A présent je n’ai plus personne. Ils sont pourtant tous là, je le sais. Ma seul famille, le FBI. Et Daniel, mon ami d'enfance et mon grand frère de coeur. Il me tend d'ailleurs deux pilules blanches, des somnifères. J'ignore d'où ils peuvent bien provenir. Cela m'est égal, je fais mine de les avaler avec une gorgée d’eau. Comment pourais-je m'accorder du repos alors que la colère et la culpabilité me ronge.
Il hoche la tête, me murmure quelque chose que je ne comprends pas puis quitte la pièce. Tim entre, il est de loin le plus costaud d’entre nous. Il semble tellement à l’étroit dans mes toilettes. Il me prend dans ses bras et me soulève, cette fois je n’ai pas le courage de protester. Mes pensées ne sont plus cohérentes je le sais et pour la première fois cela m’est complètement égal. Je pose ma tête sur son épaule et le trou noir me rattrape. Il est soudain devenu mon meilleur ami. A l’intérieur, aucune sensations, rien. Je ne suis simplement plus.
Deux jours, voilà deux jours que je refuse de dormir. Nous revenons de notre plage où nous y avons répandu les cendres de mes deux hommes. Je me force à paraître plus calme, me cachant derrière ce masque que je maîtrise à la perfection. Je sais qu'une fois enfin seule, je craquerai de nouveau. C'est pour cela que mes amis se relaient toute la journée à mon chevet. Je ne dis plus un mot, refuse de m'alimenter correctement. J'aimerais qu'ils s'en aillent. Je sais qu'ils souffrent eux aussi et plus encore en me voyant ainsi mais je ne peux faire autrement. Je ne sais plus comment lutter.
James n'avait pas de famille proche non plus. Nous n'étions que les agents Lockhart et Stewart: mari et femme. Mais surtout les parents d'un petit garçon de quatre ans à peine.
Je vais retourner travailler dès demain, sans avoir dormi depuis une semaine maintenant. Tous me voient lutter, tous ne voient que le visage que j'accepte de leur montrer. Je m'éloigne de jours en jours tout en restant la meilleure dans mon domaine. Je ne vis à présent plus que pour le bureau.
Il est tard lorsque nous quittons notre immeuble. Henry a tenu à me ramener. Je le vois faire un détour vers l'hôpital général et il me force en entrer dans les urgences. Un médecin surmené finit par me prescrire somnifères et antidépresseurs.
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Seconde chance
General FictionSarah Stewart a tout perdu. Mari et Enfant. Après une descente aux enfers, elle essai de remonter la pente. Aidé par ses amis, sa seule famille. Son équipe au FBI.... Début du prologue: Je ne sais plus très bien quelle heure il peut être. Deux, troi...