Chapitre 33 - Madeline

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Au bout d'une vingtaine de minutes à arpenter les planches en bois du front de mer, juste à côté des cabines de plages colorées, nous nous arrêtâmes dans le dernier bar de la jetée. Nous avions marché silencieusement face au vent tiède, mais heureux, chacun à notre façon, d'être là où nous étions. Edgar m'avait tenu la main plus fermement qu'à l'accoutumée et ça ne me dérangeait pas le moins du monde. S'il fallait que je sois son ancre ou son phare dans la nuit, je le serais.

Il était perdu, confus, je le sentais. Hier il m'avait fait peur, mais je n'oserais jamais lui dire. Je ne le craignais pas, ce n'étais pas ça, j'avais peur pour lui, peur qu'il sombre dans ses enfers, en se refermant sur lui-même.

Sur tout le trajet, j'avais pensé à la manière dont j'allais aborder sa mère. Il le fallait. Je ne pouvais décemment pas me taire et la laisser traiter son fils de la sorte. Je n'étais rien pour elle, alors la tâche n'allait pas s'annoncer facile. Néanmoins, la brèche qu'elle m'avait fait entrapercevoir hier soir, me faciliterait un peu la vie.

On prenait place à une table face à la mer et les pieds dans le sable tandis que le téléphone d'Edgar sonna, me sortant réellement de mes pensées.

— Faut que je réponde, c'est Théo, m'expliqua-t-il.

— Pas de soucis, fais ce que tu as à faire, lui répondis-je doucement.

Il s'éloigna d'un pas rapide et s'enfonça vers la plage, le téléphone à son oreille.

Je ne pensais pas que ce moment arriverait si vite, mais je me retrouvais nez à nez avec sa mère et c'était le moment ou jamais. Je ne savais pas si une autre occasion allait se présenter. Pesant le pour et le contre, j'en profitais pour enlever mes chaussures et plonger mes orteils dans le sable resté à l'ombre de la table. Cette sensation m'apaisa et je continuais à enfouir mes pieds dans le sable froid.

Accaparée par son téléphone, sa mère ne m'accordait aucune attention. Je me raclais la gorge et attrapais les extrémités de la table pour me donner une certaine contenance.

— Madame Laville... commençais-je.

Elle releva les yeux de son écran et me regarda par-dessus ses lunettes de soleil.

— Oh je t'en prie, Madeline, appelle moi Sandrine.

Deuxième raclement de gorge.

— Sandrine, du coup... Je...

Elle ne me laissa pas argumenter.

— Je sais ce que tu vas me dire. Quelle mère indigne je fais ! Je...

Cette fois, c'est moi qui ne la laissait pas finir.

— Vous pensez certainement que je n'ai pas mon mot à dire, mais vous savez, il était vraiment déçu hier. Il nous avait préparé un festin, Il y a mis beaucoup de cœur et vous n'étiez pas là, encore une fois, insistais-je sur ces derniers mots.

— Ce week-end n'est facile pour aucun de nous deux, Madeline. Nous trois, si on te compte avec nous. Même si tu n'as pas subi la même perte que nous.

— Vous ne savez rien de ce que j'ai subi, lui répondis-je amère.

Je repensais au moment où je l'avais vue pour la seconde fois, quand Edgar était ... parti. Elle m'avait paru être une femme décontenancée, triste, perdue, mais aimante et forte dans les épreuves. Là, elle était cassante, froide, mutine et fière. Seul son air triste ne la quittait jamais. Souffrait-elle de bipolarité ?

C'était vraiment une belle femme, mais son caractère la rendait imbuvable. Je ne voulais pas rentrer dans les quotas des filles qui n'aimaient pas leurs belles-mères, mais franchement, la tâche n'était pas évidente avec Sandrine.

To Hell 🔥 - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant