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Enfin, après une longue heure de route silencieuse avec Chris, nous apercevons mon château. Vu la tête que tire celui-ci, c'est la première fois qu'il vient. En même temps, il est normal d'être impressionné et subjugué à la vue du monument historique. Un nombre de pièces impressionnantes et innombrables, des fenêtres dans tous les recoins du château, des meubles vieux de plus 300 ans.
- Eh bien, Sieur Hawst, n'as-tu donc jamais vu un château comme celui là ? Je me vante.
-Je...balbutie-t-il. Wow.Oui, tu as raison! Moi qui voyais déjà que celui de mon oncle était imposant, celui-ci alors !
Je me gare et nous sortons de la voiture. Il déjà nuit dehors.D'ailleurs... Une question qui me trotte dans la tête depuis un moment mérite d'être posée.
- Chris?je demande.
-Oui ?
-Je me demandais...comment fais-tu pour sortir en pleine journée ? En plein soleil? Sans te faire cramer? Sans que les démons de l'enfer t'emportent dans leurs griffes acérées pour te faire souffrir pour l'éternité?
Il esquisse un sourire.
-C'est maintenant que tu le remarque ? T'es pas très fine tu sais.
- Oui bon, il est vrai que je n'ai point été très observatrice. Eh bien? Tu me le dis gamin ou faudra-t-il que j'emploie la manière forte afin de t'extirper ce secret ? J'en aurais sûrement l'utilité quand l'immortalité me sera à nouveau offerte.
Je ne suis pas très patiente. Il rigole franchement, nullement effrayé par ma menace pourtant claire. Il faudrait sérieusement que je revois ma technique d'intimidation.
-J'ai reçu un cadeau de ton père en échange de mes services de garde du corps pour toi. Et arrête de m'appeler gamin!
- Ah bon? Quel genre de présent?
-Un sortilège très ancien connu de lui seul, pour l'immunité contre le soleil.
-QUOI?! Je m'exclame, par les dieux du ciel et les démons de l'enfer, je ne savais pas que ça existait! Pourquoi mon père ne le met-il pas sur le marché? Il deviendrait encore plus riche! Et pourquoi diable n'y ai-je pas eu droit?
-Moi non plus, je ne savais pas. Ton père a ses raisons, il veut sans doute garder un équilibre juste sur notre immortalité. Déjà qu'on a du mal à nous tuer, t'imagines si en plus de ça tous les vampires résistent au soleil? Le monde deviendrait Chaos.
On est interrompus par une voix qui m'est douloureusement familière.
-Tiens tiens, la petite n'est finalement pas morte dévorée par les loups en pleine forêt.
Je fais volte face et salue d'un coup de tête la femme qui s'adresse à moi.
-Marianne! C'était vous, évidemment, qui m'avez assommée. Par contre, je n'en vois aucunement l'utilité. Alors c'est soit vous êtes dotée d'une intelligence qui laisse peu à désirer, soit.... Ah, non, rien. Vous possédez bien une intelligence qui laisse peu à désirer.
Et je lui souris pour bien appuyer mon commentaire gentiment insultant.
-Juste l'idée que tu meurs... me fait atrocement plasisir, jubile-t-elle. Tu DEVAIS mourir! J'avais envoyé des loups pour te dévorer et pour faire passer cela en accident, mais ce stupide gamin t'as trouvée avant eux! Si je pouvais l'étriper tout de suite... Et aussi, si je pouvais te tuer tout de suite et te vider de ton sang, tout doucement...
-Mais tu ne le feras pas ou je t'enfermerais dans mes cachots et je te torturais et te lancerai au feu, lance avec un ton magnifiquement nonchalant une voix que je connaît bien.
-Papa!
Je lui fais un grand sourire avant de le serrer dans mes bras, ce qui à l'air de l'étonner...Il est vrai que je ne lui ai pas fait de câlins depuis mes deux cent premières et heureuses années avant que je sombre dans la cruauté. Mais maintenant, je suis presque humaine, et il m'arrive d'avoir des gestes d'affection. Oui je sais, c'est bizarre, mais je ne compte pas continuer dans cette mauvaise voie qu'est la gentillesse. Ce sera mon dernier geste d'affection envers lui avant... longtemps. Quatre ou cinq siècles?
On rentre dans le château. Toujours aussi grand que dans mes souvenirs. Les fenêtres sont gigantesques, et trois immenses lustres donnent de la lumière dans l'immense pièce d'entrée. Par contre l'écoeurante odeur de vampire se nourrissant de vieux est toujours présente.
-Je suis content que ta transformation t'aie changée, dit père.
-Vivement que je redevienne vampire! Je m'exclame. Je deviens un peu trop gentille et innocente à mon goût.
Papa fait une drôle de tête mais ne répond pas. À la place, il nous ouvre la porte de la pièce dans laquelle je me faisais tout le temps peindre.
-Bon, entrez les enfants.
Je manque de m'éttouffer. Enfants ?! J'ai 700 ans ma ,parole! Père m'entraîne ensuite dans ma gigantesque chambre, à l'écart des autres. Je commence à enfiler une robe légère du XVème siècle, aidée par une foulée de servantes vampires. Elle est rouge, avec un corselet noir. J'enfile mes escarpins noirs avec des rubis.
-Karine, je suis déçu de toi, lance soudain mon père.
Pardon ? Je m'arrête aussitôt de m'habiller, avant de continuer de me changer comme si de rien n'était. Où veut-il en venir?
-Mais qu'est ce que tu racontes papa ?! Dis-je d'une voix aussi décontractée que possible.
Il sort un journal. À la une je peux lire "Un adolescent et une mère tués dans leur maison, poignardés par plusieurs couteaux". J'hausse les épaules et me dirige vers ma coiffeuse richement ornée. Je prends un collier noir à ras du cou avec un petit rubis accroché au centre, puis des bracelets d'onyx. Des présents d'un ancien roi du 15eme siècle, tout simplement splendides. Je chasse les servantes d'un geste de la main.
-Tu veux bien m'expliquer ?! S'écrie mon père.
Je me regarde dans le miroir, satisfaite. Mmmh... Mes cheveux ne sont pas assez long, à cette époque, les filles les avaient jusqu'aux fesses. Je les brosses délicatement et ils s'allongent en de longues boucles brunes. Parfait. Revenons à mon père. Depuis combien de temps était-il devenu si...compatissant avec les humains?
-Qu'est ce que tu veux que je te dises ? Ils m'ont énervée! Ils n'avaient pas le droit d'afficher leur amour devant moi!   -Tu as voulu être humaine, Karine, les humains ne font pas ça ! Du moins, ce qui sont assez matures pour ne pas tuer ! Les vampires tuent ! Toi, tu ne dois tuer personne tant que tu es sous cette forme là! J'ai exaucé ton caprice pour que tu profite de la vie, pas pour que tu la gâche! Tu me déçois énormément mon enfant.
Ses paroles s'enfoncent dans mon coeur comme un coup de poignard. Je me tourne vers lui.Jamais il ne m'avait parlé comme ça, jamais il n'avait été en colère contre moi malgré ce que j'ai pu faire. Je sens la colère monter en moi, et la tristesse ravager mon coeur. Qu'est ce qu'il m'arrive? J'ai l'impression que tous mes sentiments sont multipliés par dix. Cela fait si mal.
-Tu croyais quoi papa?! Je m'écris d'une voix aigüe à cause des sanglots qui me montent à la gorge. Que j'allai changer ?! Non ! C'est ma nature.
- CE N'EST PAS TA NATURE!
Je recule. Mon père est très puissant. Je le sais parce que je suis sa fille. Et que je suis presque aussi puissante que lui. Presque. Et maintenant, je suis vulnérable. Je suis.. humaine.
-Parfois, je me dis que j'aurai peut être pas dû te transformer... Se radoucit-il.Je... j'aurai dû laisser ton âme d'enfant s'envoler... Tu ne méritais pas ça... Tu étais tellement innocente...
-Mais je le suis! Je l'implore, les larmes aux yeux.
Il ricane.
-Tu y crois vraiment?
Je sens alors mon visage se fermer, demeurer dans un masque impassible. Il veut les grands mots? Les sentiments? Très bien, il va être servit.
- Tu sais quoi papa ? Tu as tout à fait raison. T'aurai préféré que je meure, tu ne m'aimes pas.
Je vois son visage se tordre de douleur et je regrettes mes mots. Mais, avant que je ne puisse dire un mot, il m'interromps:
-Oui, j'aurai préféré que tu meures. Comme ça, tu n'aurais pas été devenue, ce que tu es aujourd'hui.
Je me retourne d'un coup et je m'en vais. C'en est assez, je ne veux rien entendre de plus. Ça fait trop mal. Je claque la porte.  Je vois Chris se lever ainsi que Marianne me regarder en souriant méchamment.Je lui fait un geste qui en dit long sur mes sentiments avant de tendre la main. Le lustre du plafond s'abbat sur elle, causant beaucoup de fracas... et de sang. Le peintre quand à lui, sa palette à la main, commence son œuvre à toute vitesse. Ce n'est pas vraiment étonnant, avec son talent et sa vitesse surhumaine, il peut peindre un portrait ou encore une scène en quelques secondes. Je vois apparaître sur sa toile mon visage. J'ai l'impression de me revoir, 700 années plus tôt, devant mon père, mon vrai père, le regarder battre ma mère.
Les larmes me montent aux yeux, mais je les retiens. Karine Asheim? Pleurer ? En aucun cas.
Et je m'enfuis. J'entends Chris crier mon nom, mais je ne l'écoute pas. Je cours jusqu'à ne plus en finir. C'est quand je suis devant sa maison que je me rends compte que je me suis d'instinct dirigée chez Ethan. Sa lumière est toujours allumée. Je monte à son balcon et me cache, tout en l'observant. Il est tellement... Humain. Chose que je ne deviendrai jamais, en dépit que mon cœur battant. J'ai mes pouvoirs, la cruauté, et il me tarde déjà de ne plus ressentir le goût enivrant qu'avait le sang dans la bouche. Je ne me lasse pas de le regarder.
Au bout d'une heure, il doit se sentir observé car il se lève et se dirige vers son balcon. Je monte sur son toit, silencieusement. Il regarde à droite à gauche, en bas. Il reste quelques minutes dehors à regarder les étoiles. Finalement, il rentre et éteint la lumière. Je reste quelques instants dehors à regarder le seul endroit où je n'ai aucun pouvoir: le ciel. Son immensité est son inaccessibilité déclenche en moi une envie de conquérir le monde, de le contrôler. Je le ferai sûrement, quand je redeviendrai normale.
Au bout d'un moment je descend de du haut de la fenêtre et je rentre dans la chambre. Je voudrais faire un dernier au revoir à Ethan. Cette enveloppe humaine m'a rendue trop sentimentale. Il est temps pour moi de redevenir un vampire.
Il a les yeux clos. Doucement je monte sur son lit en me mettant à califourchon sur lui, en veillant à le toucher le moins possible. Quand j'y songe, Ethan a toujours été un jouet dont je n'y ai jamais eu accès. Étrangement, je le laissais plus en liberté que la plupart de mes autres proies. Cela fait des jours et des jours que nous nous connaissons, et je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas encore tué. C'est comme si c'était une évidence. Je n'ai jamais eu l'intention de le faire. Et cette faiblesse qui me prend quand je pense à lui et à ses yeux magnifiques me noue le ventre.
J'ai le coeur qui bat quand je songe à ce que je m'apprête à faire. Je me penche tout doucement vers lui. Nos lèvres se frôlent, comme la caresse d'un pétale de rose et je sens une explosion de chaleur en moi. Jamais je n'avais ressenti ça auparavant. Je le regarde tendrement et lui caresse la joue. Quand je serai à nouveau vampire, tout ce que je voudrais faire avec lui, c'est le tuer avec le plus de souffrance possible et me délecter de son sang. Son visage à l'air tellement paisi... Attendez. Je fronce les sourcils. Il ne dort p... Il ouvre les yeux d'un coup et m'attrape les poignets. Je lâche un petit cri de surprise et nous tombons du lit; cette fois ci lui à califourchon sur moi. C'est de famille ou quoi cette manie de faire semblant de dormir?! Ses yeux s'équarquillent quand il me reconnaît.
-Karine? Souffle-t-il.
Je n'ai pas le temps de répondre qu'il penche vers moi et m'embrasse en retour. Je sens mon cœur exploser. Je lui rends son baiser fougueusement. Plus rien d'autre n'existe dans la pièce. Mon cœur bat à cent à l'heure, mes mains tremblent. Qu'est-ce ?
On se relâche au bout d'un moment, essouflés. Je ne sais pas quoi dire, quoi faire pour une fois. Je suis gênée. Une sensation horrible si vous voulez savoir. Il me caresse la joue, doucement, et je ferme les yeux pour mieux ressentir la douceur de sa main contre ma peau.
-Alors c'est donc toi...murmure-t-il.
Je ne comprends pas.
-Quoi, moi?
-Ne fait pas l'innocente! C'est toi qui viens dans ma chambre chaque nuit! Tu es très étrange ! Tu ne peux pas toquer à la porte comme tout le monde!
- Tu as une très jolie maison, je rétorque. Par contre, ton frère n'est pas commode. Mais vous avez le même rangement de chambre!
-Ne te moques pas de moi, Karine. Tu as rencontré mon frère? Et Comment as-tu su où j'habitais ?
J'hausse les épaules (enfin, du mieux que je peux, il est toujours à califourchon sur moi) et baisse le regard.
-Karine. Regardes moi.
Je plante les yeux dans les siens. Il tressaille. Qu'on me damne! Ses yeux feront ma mort. Sous l'intensité de son regard, je ne peux m'empêcher de dire la vérité. Pourquoi ai-je l'impression que nos rôles sont inversés, que c'est lui le chasseur et moi la proie?
-Je te vois depuis chez moi à ta fenêtre, chaque soir.
- Tu peux me voir ? Mais tu habites où?
Là, je ne répondrais pas.
- Pourquoi tu m'as embrassé ? Accuse-t -il.Pour mieux jouer avec mes sentiments c'est ça ?! Pour te moquer de moi?
Je me sens défaillir. Ça recommence, les accusations. La colère remonte en moi et je m'efforce de respirer calmement.
- Je n'ai rien à te dire, je dis fermement. (Son visage se décompose).Je pensais que tu dormais. Et puis, après, c'est toi qui m'as embrassée!
Il se lève, me libérant de son poids, l'air peiné. Je me lève à mon tour. Il est plus grand que moi alors je suis obligée de lever la tête pour le regarder droit dans les yeux. Il me détaille de haut en bas.
-C'est quoi cette tenue ? Tes cheveux! Ils ont poussés hyper vite.
-Je...c'est.... Je bégaie. Ça n'a pas d'importance. Je m'en vais. Aurevoir.
Je m'apprête à partir. Sur le point de sauter du balcon, une main me retient.
-Karine, attends...
Je fais volte- face. Il a l'air d'hésiter, mais, finalement, prends mon visage entre ses mains et ses lèvres effleurent les miennes. Les émotions tourbillonnent en moi. Je n'avais jamais ressenti cela auparavant. Même vivante. Je n'ai plus envie de mourir. Pourquoi ai-je l'impression d'être humaine, sans que cela ne me dérange plus, de ressentir des sentiments?
----PDV Chris---
Après le départ précipité de Karine, j'aide Marianne en soulevant le lustre qui lui ait tombé dessus. Le spectacle n'est vraiment pas beau à voir: elle est transpercée de tout part, elle a la mâchoire déchirée et disloquée, l'un de ses yeux est sorti de sa tête, l'une de ses jambes a un angle bizarre. Il y a du sang partout. Le père de Karine arrive et appelle l'un de ses serviteurs pour tout nettoyer. Ensuite, il interpelle une jeune fille qui a l'air d'avoir 16 ans mais qui dois plutôt avoir dans les 400 ans pour s'occuper de Marianne. Je regarde la guérison de celle-ci, fasciné. La jeune fille remet le globe oculaire à sa place, met à l'endroit sa jambe, et maintient sa mâchoire en place. Bientôt, elle commence à guérir, mais trèèèèès lennnteeeemennnnnt. Je regarde autour de moi. Les serviteurs s'affairent à leur tâche. Le lustre est remis en place et réparé, le sang est nettoyé. Je m'approche du père de Karine. Celui-ci me sourit tristement.
-Est-ce que mon sort marche bien jeune homme ? Demande-t-il.
J'acquiesce. Nous observons tous les deux l'œuvre du peintre. On dirait une photo. Magnifiquement et tristement belle.
-Bien. (Il me congédie.)Tu peux rentrer chez toi maintenant. Mais avant, prends ces tableaux de Karine, pour me faire pardonner. J'avoue que j'ai été assez dur avec elle.
Et n'oublie pas celui-là. Fais attention par contre, la peinture va mettre plusieurs jours à sécher. Je le salue respectueusement et le suis. Il me montre un gros coffre en bois que je prends. Je le mets dans la voiturette de Karine ainsi que le nouveau tableau et m'en vais à la maison, où, je la vois, avec surprise d'ailleurs, assise sur le canapé, le regard dans le vide. Je m'assois à côté d'elle et elle pose sa tête sur mon épaule. Elle ne tarde pas à s'endormir et, cette fois ci, n'est pas somnambule durant la nuit.
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Chapitre fini ! <3 j'espère que vous avez aimé ^^ votez, commentez s'il vous plaît :)

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