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Je pousse la porte, derrière laquelle j'entends beaucoup de bruits, de gens qui parlent, s'exclament, s'énervent ou fanfaronnent. L'ouverture de l'entrée engendre un grincement à peine audible pour des oreilles humaines.

Aussitôt, le silence se fait. Sûrement à cause de ma beauté époustouflante qui n'a pas changé depuis des siècles. Pratique l'immortalité, non? À bat les vieilles peaux! Tuons les anciens à la chair flétrie ! S'ils ne sont pas beaux, ils sont indignes de vivre.

A moins que... Par les Dieux, peut-être que leur attention est juste due à l'odeur de sang qui se dégage de ma plaie... un peu des deux j'imagine! La jalousie et la convoitise est un mélange si savoureux !

J'observe la pièce d'un œil nouveau. La salle n'a pas changé depuis tous ces siècles, elle est toujours aussi spacieuse, témoignage même de la richesse au milieu de la pauvreté. Cinq lustres d'or blanc et de diamants habillent et éclairent le plafond, le parterre de pierre et de marbre sont imprégnés de magie, et les fenêtres d'un matériau sombre filtrent la lumière arrivant dans la pièce. Devant moi, une centaine de vampires, la plupart avec des calices décorés de pierres précieuses et remplis de sang à la main, tous habillés de vêtements sombres. Je les vois déglutir à ma vue, retenant de peu un filet de bave aux coins des lèvres. Que voulez vous que je dise, je suis aussi appétissante qu'un rôti de porc délicatement grillé. Mais, trêve de plaisanterie.

- Osez Avancer d'un pas et je mets fin à vos existences misérables, dis-je d'un ton neutre et sans appel. J'ai conservé la totalité de mes capacités surnaturelles mis à pars l'envie de me délecter du sang humain. Et soyons honnêtes, miséreux, je n'ai point perdu l'envie folle de tuer.

Ils arrêtent dans l'instant qui suit de faire dégouliner la substance aphrodisiaque de leurs lèvres et me saluent de la tête avec crainte et répugnance. Enfin le respect qu'ils me doivent! Tss, les vampires, de nos jours... Autant qu'ils soient prévenus. La Mort n'est jamais loin... Surtout près de ma personne. Elle surveille mes moindres faits et gestes, attendant le coup fatal. Pour l'instant, elle n'a fait que ramasser les âmes dont je dépouillais auparavant les corps. Ce n'est point encore mon heure, et cela ne le sera pas avant longtemps.

- Mes hommages, Altesse. Vous me voyez ravi de vous voir pleine de vie, la satisfaction de vous rendre à l'état de poussière n'en sera que meilleure.

Je me retourne. Devant moi se tient un vampire dont l'apparence juvénile pourrait être trompeuse si son sourire mesquin n'apparaissait pas sur ses lèvres. Si mes souvenirs ne me font point défaut, il avait 345 ans la dernière fois que je l'ai vu. Présentement, il doit avoir dans les 500 ans. Il a eu l'extrême chance d'être né au moment de la Renaissance, peu après la découverte de l'Amérique, et transformé 18 ans plus tard. Il avait pu ainsi voyager énormément, surtout dans le Nouveau Monde où il avait pu exploiter les indigènes et les massacrer à son loisir. Il avait également tiré sa richesse de leur or et s'était fait passer pour un de leur dieu, les manipulant comme bon lui semblait et exigeant nombre de sacrifices pour apaiser sa faim sans que cela ne lui coûte le moindre effort. Il est extrêmement beau, ses traits sublimés par le vampirisme. Grâce aux dieux, j'y suis immunisée et totalement indifférente à lui. Comment une créature immonde comme elle peut-elle se prénommer déjà ? Le Comte Jatarri. S'approchant très près du mot "jarre" au niveau de la consonnance, je n'ai au grand jamais pu le prendre au sérieux. Et c'est pourquoi j'ignore comment il a l'audace de s'adresser à moi de cette façon aujourd'hui.

Lorsqu'il était vivant, son père était marin, mais avec un statut de compte peu fiable obtenu par un grand service à la noblesse. Il est mort, emporté par les flots, laissant derrière lui sa famille démunie, sans le sou, la noblesse leur tournant le dos. Son fils était ruiné, et son statut de Comte ne comptait plus, il était devenu une source d'humiliation pour sa famille. Je me demande comment est-ce qu'on a eu ne serait-ce que l'effleurement d'une idée de le transformer. Stupide créature! Dès qu'il est devenu vampire, il avait fait regretter amèrement ceux qui avaient fait de sa vie un enfer.
Miam. Il n'empêche que j'admire son courage de venir me provoquer dès mon réveil. Mais je ne déplorerai certainement sa mort... Imminente.

-En quoi ai-je l'honneur de recevoir votre accueil Jarre ? Dis-je d'un ton ennuyé et provocateur. Pourquoi vous n'êtes pas six pieds sous terre à nourrir les asticots et les démons des enfers?

Son visage se crispe ; il n'aime pas que je lui parle comme un vulgaire bâtard, et je le sais pertinemment. Mais c'est un vampire; il tente de contenir ses émotions. Dommage pour lui, ce qui est un masque impénétrable pour un autre est un livre ouvert pour moi. Infime froncement de sourcil, mâchoire très légèrement contractée... Tu m'as l'air nerveux cher comte.

- Voyons, Altesse, susurre-t-il. Je voulais assister à votre réveil! Cela fait quand même 200 ans que l'on ne vous a point vu le temps que le sortilège de résurrection fasse effet ! Mais vous avez raison, je ne suis pas là pour vous accueillir. Vous n'avez sûrement pas oublié, les vampires sont les prédateurs, et les petits humains sont les proies. Et j'ai toujours voulu savoir quel était le goût du sang de la petite fille pourrie gâtée à son papa.

Et il se jette soudainement sur moi. Le voyant venir de loin, je m'esquive au dernier moment, en baillant avec insolence. Pourquoi les méchants prennent toujours le temps de prévenir ce qu'ils s'apprêtent à faire ? C'est d'une stupidité ! Dommage pour lui, j'ai conservé mes réflexes surnaturels. Il a sûrement cru que je mentais en disant que j'avais conservé mes capacités. N'oublions pas que j'étais reine, et ce trône est envié de tous. Des tentatives d'assassinat, j'en avais tous les jours. Ce n'est donc certainement pas un petit poussin à longues dents qui va me faire la peau. Même chez les vampires, il y a la catégorie chasseur et celle de la proie. Et cela, c'est lui qui l'a oublié.

- Vieux croûton! Même pas fichu d'attraper une faible femelle, je me moque.
- Tu ne mérites pas d'être Reine alors que tu es Humaine! Grogne-t-il.
- Tu étais bien content que je le sois quand tu as essayé de me courtiser en l'an 1818. Dommage pour toi, tu n'es absolument pas mon genre d'homme. Et puis les chapeaux haut de forme, tu m'en vois navrée, mais ce n'est point mon style ! Une époque affreuse pour vous les hommes en matière d'atours, contrairement aux femmes où les corsets nous avantagent notre silhouette. Tu m'en veux toujours pour t'avoir balancé de mon balcon en signe de rejet à ce que je vois, je ricane. Les os brisés, ça met du temps à guérir, non?

Rendu fou furieux par mes provocations, il tente de me donner des coups de poings, ses ongles se transformant en griffes acérées. Je les esquives habilement avant de prendre son bras et le tordre. Il gémit. Je lui casse une griffe et il serre les dents. Enfin, m'aidant de sa griffe comme une lame, je lui tranche le bras net et il hurle de douleur.

Le combat est fini. Je me regarde sur toutes les coutures. Pas une goutte de sang sur moi ! Parfait. Je ne veux point tâcher ma robe dès le premier jour de mon retour à la vie. Jarre se convulse de douleur par terre. Même si son bras va repousser, cela doit lui faire un mal de l'enfer. Agacée, je prends le poignard qui se trouve dans le fourreau d'un vampire à côté de moi et tranche la tête du Compte. Il s'arrête tout de suite de crier. Son bras ne va pas repousser finalement. C'est beaucoup mieux comme cela et ç'aurait dû être fait depuis longtemps par quelqu'un d'autre que moi. Il n'y plus aucun bruit dans la pièce. Que dois-je me dire? Oups? Vous pouvez toujours rêver, ça donne de l'espoir paraît-il.
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Voili, voilou, j'espère que vous avez aimé ce chapitre <3 ^^

AliveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant