On se fuit du regard dans la voiture. C'est une situation des plus embarrassante. Et ce, depuis hier soir. Quand il s'était mis à pleuvoir, j'avais fortement espéré qu'il revienne dans la chambre. Nous devions discuter de ce qu'il venait de se passer. Loïk a fini par débarquer, complètement trempé. Je n'ai pas pu faire un geste ou dire le moindre mot. Il s'était enfermé dans la salle de bain, toujours en claquant la porte. La douche ne couvrait pas le bruit de ses sanglots. Puis il est revenu vers le lit et l'on s'est endormi chacun de notre côté. J'avais vraiment imaginé autre chose pour notre week-end, que l'on a écourté par un commun accord.
Il se gare dans la rue de chez moi et je tire sur les manches de mon manteau. Je veux pas partir comme ça. Surtout que j'ai peur d'avoir -encore une fois- son absence pour seule compagnie.
- Loïk...
Ses mains blanchissent autour du volant. Il le tient beaucoup trop fort. Sa langue humecte ses lèvres et il pousse un soupir en fermant les yeux, détendant sa prise.
- Je ne vais pas faire comme la dernière fois et fuir sans que tu puisses avoir d'explication. Tu ne mérites pas ça.
Il ne mérite pas non plus la peine que je vois dans ses yeux.
- Je veux qu'on prenne nos distances... lâche-t-il dans un souffle.
Je me redresse dans mon siège, bien trop surpris par les propos qu'il a.
- À cause de ce que j'ai dit ?
- Oui. Tu ne m'aimes pas, très bien. Je ne vais pas t'obliger à ressentir quelque chose. Mais je ne supporterai pas que tu joues avec moi et que tu me jettes quand tu en auras assez de faire des expériences. Ton sac est dans le coffre.
Il déverrouille les portières et je sors par mécanisme. Je prends mes affaires et le regarde s'éloigner de moi. Et de ma vie, par la même occasion. J'essuie ma joue et rentre dans la maison, espérant me réchauffer. Je retrouve Noé sur le canapé, emmitouflé dans un plaid pilou, une tasse de chocolat chaud dans les mains. Aladdin tourne sur la télévision. Mon père est à côté de lui, se redresse en m'entendant retirer mes chaussures et ma veste.
- Tu rentres tôt ! Ça a été ton week-end ?
Je me tourne vers le mur et ravale une énième larme. Ce fut probablement le pire week-end de toute ma vie.
- Oui ! C'est juste que Guylaine invitait son copain ce soir, du coup, je voulais pas être de trop.
Un beau mensonge, bien ficelé. Qui ne semble pas fonctionner. Il se lève du canapé et prend mon visage entre ses mains, m'obligeant ainsi à le regarder dans les yeux.
- Tu me prends pour un imbécile ? Je vois bien que quelque chose ne va pas.
Son sourire est bienveillant. Le même qu'il a toujours eu pour moi, malgré mes crises de colère. Mes lèvres tremblent. Je suis déjà en train de craquer.
- Tristan...
- Je suis désolé !
Je me jette contre son torse et m'accroche à lui. Il a du mal à comprendre ce qu'il se passe. Moi qui n'aime pas particulièrement les marques d'affection avec lui.
- De quoi tu es désolé ?
- De tout ! Je suis horrible avec toi !
Ses bras m'entourent et il souffle du nez, un peu amusé.
- T'es un ado. Disons que tu as ta manière à toi de communiquer.
- Et je sais que c'est pas la bonne ! T'as toujours été là pour nous ! Tu t'es toujours démené pour qu'on ait la belle vie et moi, je pourris tout !
- Non, tu ne pourris rien. Tu m'as simplement montré que je prenais les mauvaises décisions pour vous.
Il m'invite à venir sous le plaid de Noé. Lui qui se colle à moi pour me réchauffer. Mon père m'apporte un mug avec la boisson chaude et relance le dessin-animé. J'ai maintenant envie de tout lui dire.
Après le repas du soir, je débarrasse avec mon père tandis que Noé part se mettre au lit. C'est le meilleur moment pour lui dire. Autrement, je le remettrais toujours au lendemain.
- Papa, j'ai... J'ai quelque chose d'important à te dire.
Il continue d'essuyer la casserole en se tournant vers moi.
- Je t'écoute.
- Je... J'étais pas chez Arllem.
Il fronce des sourcils et range la poêle dans le placard. Je dois faire les choses calmement.
- Où tu étais ?
- Je suis... Je suis parti avec Loïk voir sa famille.
- Loïk ? Loïk... Ah oui ! Le musicien ! Mais pourquoi tu es allé avec lui voir sa famille ?
Je ne vois pas quelle réponse donner sans en dévoiler trop sur ce qu'il a vécu. Puis, pour je ne sais quelle raison, mon père repose le torchon sur la poignée d'un placard et s'assoit sur une chaise autour de la table, prenant son visage entre ses mains.
- Comment j'ai fait pour ne pas comprendre ce qu'il se passait ?
Je prends une place à côté de lui. Il peut imaginer tout et n'importe quoi. Et c'est très certainement le cas.
- Pendant tout ce temps... Tu m'as menti combien de fois ? Combien de week-end tu as passé avec lui en prétendant que tu allais voir tes amis ?
- Juste quelques-uns.
Tous. Je passais du temps avec lui à chaque fois que je le pouvais grâce à un mensonge. Il se frotte la joue et m'observe avec une certaine amertume.
- Donc toi et lui, vous...
Mon regard semble répondre à ma place.
- C'est pas vrai... Tristan ! Ce garçon a vingt-deux ans ! Qu'est-ce que tu fabriques avec lui ?! Attends, attends. Je croyais que tu préférais les filles. C'est plus le cas ?
- Si, des filles me plaisent, mais...
- Loïk te plaît aussi.
C'est impossible que je sois si lisible.
- C'est juste lui ou il y a d'autres garçons ?
Quand je suis dans la rue, je continue parfois, à regarder les jolies filles. Mais pas les mecs. Il n'y aucun mec qui réveille en moi autant de joie comme quand je parle avec Loïk, de peine quand il se met à pleurer, ou de désir quand je suis à ses côtés.
- Tristan, parle moi. Je veux juste comprendre.
- Il n'y a que lui.
Il prend une seconde pour assimiler les informations et pose sa main sur la mienne.
- D'accord. Je suis content que tu aies osé m'en parler. Ça ne devait pas être simple pour toi.
Je hoche la tête et essuie ma joue. Il ne peut pas avoir plus raison sur ce coup-là.
- Non, c'est vrai.
- Ce garçon à l'air vraiment gentil. Malgré ça, je veux que tu fasses attention. Il est majeur et ce n'est pas ton cas. Vous... Hum. Vous avez déjà passé le cap ?
Parler de sexe avec mon père ? Jamais. Je préfère éluder la question.
- De toute manière, on n'est pas vraiment ensemble en ce moment. On prend nos distances.
Je me mets debout, mettant ainsi fin à notre conversation.
Dans mon lit, je repense à ce qu'il vient de se passer. Je crois que je viens faire, ce qui s'apparente le plus, à un coming-out. Je viens de dire à mon père que je sors avec Loïk. Enfin d'une certaine manière.
Mon portable vibre sur ma table de nuit et je m'empresse de le récupérer. Je croise les doigts pour que ce soit Loïk. Il faut que ce soit Loïk.
Je suis un peu déçu de voir qu'il s'agit d'un numéro inconnu, mais que la personne se présente en premier lieu. Uriel. Et il veut que l'on se voie dans la semaine pour parler de Loïk. Tous ses amis sont donc au courant pour nous. Enfin du ''nous'' d'avant. C'était évident.
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Je te dirai que je t'aime
Teen FictionTome 1 // Monde plus beau Tristan mène sa vie comme il l'entend. Sans pour autant se donner le droit à l'erreur. Il doit prendre soin de ses proches. Surtout de Noé, son petit frère. Sa rencontre avec Loïk est sur le point de tout bousculer. Ce mot...