Je te dirai que je t'aime

21.1

C'est comme si tout recommençait. Un point dans le temps que je revis encore. Notre rencontre qui m'a fait l'effet d'un coup-de-poing. Loïk qui prend un air si sérieux en sautillant un peu partout sur le ring. La boxe semble prendre une place importante dans sa vie. Au même titre que la moto, l'Urbex ou la musique. Des échappatoires à la réalité.
Son adversaire doit bien faire le double de son gabarit. C'est une vraie bête. Ce qui fait bien rire Melkior à côté de moi.

- Dan ! Tu sais qu'il faut pas l'abîmer ?

- C'est lui qui m'a demandé ! se justifie le boxeur.

- Tu veux des petits gâteaux avec ton thé ? sourit hargneusement Loïk en plaçant sa garde.

- Loïk, ça me ferait chier de t'envoyer un mauvais coup.

- Et moi ça me ferait chier que tu sois pas à fond.

Décidément, je fais face à quelqu'un de complètement différent. Comme s'il avait cédé sa place à un parfait inconnu.
Le boxeur hausse des épaules et les fait rouler, les poings en avant. Ils vont réellement se frapper ?
Vraisemblablement oui. Les coups fusent, mais Loïk les esquive à chaque fois à la perfection, le sourire aux lèvres. Il en donne avec tout autant de force. Puis, pour éviter de se prendre une droite, il tourne et dans son mouvement, son regard croise le mien. Juste une seconde. Et son expression change.

- Tristan ?

Le coup qu'il se prend le fait tomber par terre. Sous la panique de son adversaire et de Melkior. Et de la mienne.

- Je pensais que t'étais encore concentré ! Désolé !

Le blond s'assoit et fait signe que ça va, remuant la mâchoire. Une fois sur ses pieds, j'ai le droit à un regard dur. Il est maintenant en colère.

- Je peux savoir pourquoi il est là ? s'adresse-t-il à Melkior.

- C'est moi qui lui ai proposé. Vous avez des choses à vous dire.

- Et le seul moyen que tu ais trouvé, c'est l'amener ici ?

- Je veux juste qu'on parle, réclamé-je. Et si après ça, tu ne veux plus jamais me voir, je m'en irai pour de bon.

Il semble en proie à de nombreux doutes. Me parler ou refuser. Son regard s'attarde un moment sur moi et j'ai l'impression d'y déceler une certaine joie. Est-il vraiment heureux de me voir, ou jubile-t-il simplement à l'idée que je sois ici, dans une salle de boxe ?

- Mel ?

- Oui !

- Tu veux bien lui montrer les vestiaires ? J'ai envie d'un petit combat.

C'est donc la deuxième option.

- Tu sais que si tu l'abîmes, tu vas avoir des ennuis.

- Aucun risque. Il sait esquiver.

Il n'y a, évidement, aucun de sous-entendu là-dedans.
Melkior m'emmène jusque dans les vestiaires pour hommes, où l'on se change rapidement. Lui avec ses affaires et moi avec celles d'Uriel. Ce qui le fait un peu grincer des dents.

- Ça fait bizarre de voir quelqu'un d'autre que moi porter les vêtements de mon mec.

- Vu tes muscles, tu dois même pas pouvoir enfiler ce short.

Il souffle du nez, amusé, et me donne un petit coup dans l'épaule. Heureusement qu'il maîtrise sa force. Je vais avec lui vers le tapis, mais il me retient par l'épaule avant même que je ne puisse monter.

- Il est hors de question que tu te lances là-dedans, sans t'être échauffé un minimum.

- Mais-

- Pas d'objection. C'est ça ou je te ramène.

Je capitule et le laisse m'entraîner vers des appareils de sport. Il me montre à chaque fois comment faire chaque mouvement. Dès que je le peux, j'observe Loïk à l'autre bout de la salle, les muscles saillants de ses bras s'activant.

- On en profite pour se rincer l'œil ?

- Quoi ? Non.

- Tu devrais profiter, parce que je te jure que tu ne pourras pas le regarder comme ça sur le tapis.

Loïk me lance un regard et un demi-sourire.
Ce n'est donc pas peine perdue.

Une fois certain que mes muscles ne me lâchent pas en plein combat, Melkior m'autorise à grimper et donc, débuté mon face-à-face.

- J'ai jamais fait de boxe.

- De ce que je sais, tu sais quand même frapper. Je te préviens, je vais pas y aller de main morte.

- Moi non plus.

Je lui envoie un coup, qu'il pare et me rend dans l'abdomen. Ce qui me plie en deux et me fait monter les larmes aux yeux.

- Ça, c'est rien comparé à ce que tu m'as fait ressentir.

Il m'autorise quelques secondes pour reprendre mon souffle.

- Je suis sincèrement désolé, Loïk...

- Des mots, toujours des mots. Tu n'as pas pensé à moi une seule seconde ! Tu m'as juste fait passer pour un enfoiré et une merde !

Je parviens sans mal à esquiver son coup et à le lui rendre en pleine pommette. Je ne m'en sens qu'encore moins bien.

- J'ai paniqué, OK ?! Je... C'était un truc que j'avais jamais fait ! déclaré-je.

- Et moi ?! Tu crois que c'était facile pour moi ? Les autres, c'étaient les autres ! À ce moment-là, c'était juste nous deux. Ça devait être un moment à nous...

- Loïk...

Sans me laisser le temps de rajouter quelque chose, il descend du ring et rend ses gants à Melkior. Il fuit encore. Et cette fois, je ne le laisserais pas faire.

- Loïk !

À mon interpellation, il marche plus vite jusqu'aux vestiaires. Je descends à mon tour et Melkior m'aide à retirer mes protections. Je presse le pas pour le rattraper et pousse la porte. Il est juste devant moi. Il retire son haut, laissant son dos nu à ma vue. Je voudrais bien y glisser mes mains, mais ce n'est certainement pas le moment de penser à ça.

- Il faut que je te dise que je suis désolé. J'ai eu des inquiétudes et on aurait pu... J'aurai dû en discuter avec toi. Plus calmement. Pas comme je te l'ai reproché.

- Merci de t'en rendre compte...

Je l'appelle encore une fois, pour que cette fois, il me regarde dans les yeux.

- Je ne veux pas qu'on prenne des distances. J'ai besoin de toi.

- C'est pas un besoin de compagnie que je dois combler. Je suis pas un jouet.

J'attrape calmement son poignet, le retenant près de moi.

- Tu n'es rien de tout ça. Et il a fallu que je fasse l'idiot et que je te perde pour m'en rendre compte...

- Alors je suis quoi ?

Je laisse ma tête retomber contre son torse. J'ai le besoin quasi-vital de le sentir contre moi. Son odeur acidulée mêlée à celle de l'effort qu'il a fourni précédemment me transporte.

- Depuis que je t'ai rencontré, tu es la personne qui fout un bordel monstre dans les préjugés que j'avais de ma propre vie. Tu prends une place que je n'aurais jamais imaginé céder à quelqu'un. Les meilleures choses que je vis, c'est avec toi que je les fais. Je veux pas qu'on se quitte sans que je ne puisse te dire à quel point tu comptes pour moi.

Ses mains entourent mon visage pour le relever vers lui. Il essuie mes joues et me prend dans ses bras. Je nous les miens à sa taille. C'est juste lui et moi.

- Avec ça, j'ai même plus l'envie de te relâcher.

On rit doucement et il dépose un baiser sur mon crâne. Je passe mes doigts dans ses cheveux et le pousse davantage vers moi. Ses lèvres rencontrent les miennes. On s'embrasse comme si l'éternité nous avait séparés.
Je voudrais que ces secondes suspendues durent des heures.