Ma mère. Elle tient Noé dans ses bras. Elle me dit que c'est pour son bien. Elle le tient plus fort contre sa poitrine et embrasse son front. Il y a du sang partout. Ça coule jusqu'à mes chaussettes blanches qui s'en imbibent. Noé ne se débat pas. Il n'a plus de force. Et moi, je ne bouge plus.
Je ne fais que hurler.
Un hurlement qui me réveille en pleine nuit et qui surprend Loïk en plein sommeil. Je ne l'entends pas m'appeler. Sa voix n'est qu'un simple sifflement. Les battements effrénés de mon cœur et ma respiration saccadée couvrent le reste. Ses doigts frôlent mon épiderme et je m'écarte brusquement de lui, ramenant la couette vers moi.
- Tristan, c'est moi.
Je ramasse de quoi me couvrir et m'enferme dans sa salle de bain. Ma main étouffe mes gémissements de douleur. Loïk toque à la porte et je me laisse glisser contre celle-ci, mes bras serrant mes jambes.
Ma vie devait être plus belle à partir d'aujourd'hui. Pourquoi a-t-il fallu que je rêve de ça ? Pourquoi cette nuit ? Pourquoi après le seul moment parfait que je venais de vivre avec lui ?- Tristan, s'il te plaît, ouvre-moi.
Je secoue la tête. Et je réfléchis au fait qu'il ne me voit pas.- Tristan, je ne veux pas te laisser comme ça.
- Je... Je vais bien. Retourne te coucher.
- Après ce que je viens de voir ? Hors de question. Allez, ouvre-moi.
Sa voix se veut suppliante. J'y entends même ses variations hasardeuses. Il n'a pas à réagir comme ça juste parce que je ne vais pas bien. Je ne mérite pas toute son inquiétude. Je lui ouvre la porte et lui fait face, la tête baissée.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Je ne dis rien et relâche simplement la poignée. Il noue ses doigts aux miens et m'emmène de nouveau dans son lit. Je le laisse simplement faire, trop épuisé pour faire le moindre geste. Sa main cale ma tête sur son torse et il nous recouvre de la couette. C'est seulement là que je m'autorise à me relâcher. Je suis éternellement sous pression.
- Je...
- Tu n'es pas obligé de me dire. Pardon d'avoir un peu forcé...
- Non c'est pas ça. C'est juste que j'aime pas en parler.
Il embrasse mon front et caresse doucement mon épaule.
- Je ne t'obligerai jamais à rien.
- Je pense que tu as le droit de savoir. Tu es une personne importante pour moi.
Sa main me ramène un peu plus contre son flanc.
- Alors raconte-moi...
- J'ai revécu cette journée. Le jour où j'ai vu ma mère tenté de tuer mon frère. Je sais que ce n'était pas aussi violent, mon cerveau imagine à chaque fois le pire des scénarios. Mais je n'arrive pas à oublier ce qu'elle a voulu faire.
Ses bras me bercent doucement.
- C'est elle que tu es allé voir à la clinique ?
- Oui. Elle est instable depuis des années. Depuis toujours en fait. C'était elle, l'ado qui tombe amoureuse de son idole et qui fonde une famille un peu sans le faire exprès.
- L'ado ?
- Une seule fois suffit. Elle avait dix-sept ans quand je suis né. Mon père vingt-trois.
Loïk ne dit rien. Et c'est mieux comme ça.
- Mon père l'a épousé plus pour la protéger que réellement par amour. Il assumait ce qu'il avait fait. Et puis, j'étais son fils malgré ça. Ils s'aimaient. Un peu. Mais ma mère l'aimait beaucoup plus. Enfin, c'était l'impression qu'elle avait. Puis... Elle est retombée enceinte.
- Noé ?
- Non...
Le silence qui suit ma réponse devient oppressant. Personne n'est au courant de cette histoire à part mes parents et moi. Même Noé ne sait rien.
- J'ai eu une sœur. Une petite sœur. Roxanne...
Il ne pose pas plus de questions. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est choqué de ce qu'il entend ou s'il ne veut pas me brusquer.
- Tu connais le SBS ? Le syndrome du bébé secoué ?
Il plonge simplement son nez dans ma nuque et me tient plus fort. Évidemment qu'il sait.
- Ma mère l'a fait tombée. Elle avait trois semaines. Je ne me souviens même plus de son visage ou de la couleur de ses yeux...
- Pourquoi... Hum... Pourquoi Noé ne sait rien ?
- Parce que c'est à partir de là que ma mère à complètement vrillé. Sa naissance était un accident. Elle ne voulait pas de lui. Mais mon père, si. Et quand ils ont fait les tests pour son TSA, c'était déjà trop tard pour la sauver. Ça fait des années que ma mère est morte intérieurement. Comme si leurs cœurs avaient cessé de battre en même temps.
Loïk se penche vers moi et chasse les larmes de mon visage. Je n'avais même pas vu que je pleurais.
- Tristan...
Je me tais et le regarde simplement s'asseoir sur son lit. Il s'essuie les joues en s'excusant.
- Pourquoi tu t'excuses ?
- Parce que ça m'affecte. Ce que tu as vécu... Ta sœur, ton frère...
- Ma vie est moche, hein ?
Il ne me donne aucun sourire.
- Comment tu fais ?
- Pour ?
- Pour te réveiller tous les matins et avancer ? Je ne sais pas si j'aurais la capacité de le faire si j'étais à ta place.
- Moi aussi, je ne sais pas... Peut-être que l'idée de voir Noé vivre avec moi m'aide. Et j'ai mes amis. Et puis toi, aussi. Tu es là pour moi. Je connais ta vie. C'est normal que tu saches cette partie importante de la mienne.
- Je... Je ne sais pas quoi dire.
- On n'est pas obligé de parler.
J'écarte les bras et c'est lui qui me prend dans les siens. C'est vrai que c'est plus logique dans ce sens.
Mon portable vibre sur la table de nuit et Loïk le ramasse pour moi et me le tend. Un message de mon père à plus de deux heures du matin. Je jette un coup d’œil et éteins aussitôt l'écran. Tout ça est lié, ça ne fait aucun doute. Le rêve, notre discussion. Ce n'est pas possible autrement.- Tristan ? Qu'est-ce qu'il y a ? Ça va ?
- Ma mère vient de mourir.
VOUS LISEZ
Je te dirai que je t'aime
Novela JuvenilTome 1 // Monde plus beau Tristan mène sa vie comme il l'entend. Sans pour autant se donner le droit à l'erreur. Il doit prendre soin de ses proches. Surtout de Noé, son petit frère. Sa rencontre avec Loïk est sur le point de tout bousculer. Ce mot...