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J'ai mal au visage. À la joue, surtout. Mais comme le bleu a vraiment dégonflé par rapport à hier, je peux retourner en cours. En sortant de la maison, mon père ne m'adresse même pas un regard. Il a honte de son geste. Et moi, j'ai honte de ne pas avoir répondu au dernier message de Loïk depuis la sortie cinéma. Je le relis encore une fois et la culpabilité me reprend.

''Comment ça laisse tomber ? T'es sûr que ça va ?'' ''Tristan ?'' ''Réponds, s'il te plaît.'' ''Ne m'ignore pas.'' ''Tristan...''

Je me mords la lèvre puis grogne quand la douleur me rappelle que mon père me l'a éclaté. J'ai besoin de m'en griller une et de me bousiller les poumons encore un peu. J'allume une cigarette et la laisse se consumer un instant avant d'enfin la porter à ma bouche. Même comme ça, j'ai mal. Je regarde un peu pourtant, laissant mes pensées m'envahir. Je suis horrible avec Loïk. Mais je ne peux pas me résoudre à lui répondre. Il me demanderait tout de suite de me voir et verrait donc le coup. Je ne peux pas me permettre de lui donner une raison supplémentaire de s'inquiéter.
Mon regard croise celui de Brevan dans un coin de la cour et il me sourit. Ce gars est gentil. Un peu discret, mais il est le meilleur que j'ai rencontré pour convenir à Arllem. Je crois que je comprends mieux les ressentiments d'Uriel à mon égard. On protégeait tous les deux quelqu'un qui compte pour nous.

Arllem arrive enfin sur le parking et salue sa mère. Je jette le mégot de ma cigarette et le rejoins en remettant mon sac. Sa mère l'a amenée et elle ne le fait que pour les jours spéciaux. C'est son anniversaire. J'avais complètement oublié. C'est bien la première année que ça m'arrive.

- Salut Arly ! Alors, ça fait quoi d’être majeur ?

- Bah rien, en fait. Je me sens juste moi, avec un an dans les dents.

- Douze mois, ça fait pas grand chose à notre âge, ajouté-je avec un sourire.

Je grimace. C'est fou d'oublier que je porte un bleu sur la joue causé par mon géniteur.

- Il t'est arrivé quoi au visage ? s'inquiète-t-il.

Je me touche la joue, comme si je pouvais le faire disparaître. Je dois lui mentir. Je suis doué pour ça.

- Rien, je me suis pris le coin d'un placard.

- Sur la joue ?

Depuis quand est-il aussi difficile à berné ? Je dois trouver autre chose.

- Placard en hauteur. C'est pas tout ça, mais il y en a un qui voudrait te souhaiter un bon anniversaire.

Je pointe Brevan et il l'observe. Arllem est amoureux de lui. Il l'est sincèrement. J'en profite pour disparaître dans l’établissement et me passer un coup d'eau sur le visage. Mon portable vibre dans ma poche et je regrette immédiatement mon geste. Loïk.

''Il faut vraiment qu'on parle.''

Je le coupe et décide de me rendre directement en cours. Je sens que je vais finir par lui céder.

*
*  *


Les cours m'ont épuisé. Bien plus que d’ordinaire. Je suis de moins en moins et j'ai des notes de plus en plus pourries. Rajoutons à ça que je n'ai fait aucun vœu ParcoursSup pour le moment. Je pense que je me condamne moi-même à redoubler et à rester ici quand tous partiront faire leurs études supérieures. Je mets de la musique dans mes écouteurs pour penser à autre chose. Puis c'est mon père qui me vient en premier. Comment a-t-il pu passer de chanteur assez connu des années 90 à ce qu'il est aujourd'hui ?

Pour je ne sais quelle raison, je tourne la tête. Je suis devant le café où travaille Loïk et il vient de me voir. Je jure et marche d'un pas pressé alors qu'il quitte le comptoir d'un air furieux. Il va m'allumer.

Je te dirai que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant