3.

2.7K 271 88
                                        

William, c'est ce genre de garçon qui se croit invincible parce que ses parents ont des moyens et qu'il a une jolie gueule. Mais quand je vois son sourire, je n'ai qu'une envie. Serrer le poing et détruire sa dentition.
Ça ne m'étonne même pas de le voir traîner dans la bande de Romain.

- Hey, connard ! l'interpellé-je en donnant mon sac à Adam.

Romain se retourne vers moi. Ça me donne presque envie de rire. Presque. Il sait pertinemment qu'on peut lui aussi le qualifier ainsi.

- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il.

- C'est pas à toi que je parle. Enfin pas pour le moment. C'est quoi ton problème William ?

- De quoi tu parles ?

- Joue pas au con avec moi. La vidéo. Toi et Arllem. J'ai tout vu.

- Écoute, c'est pas de ma faute s'il s'est fait de faux espoirs. Même si j'aimais les mecs, je sortirais jamais avec un gars comme lui. Et ça, même si on me payait.

- C'est pas ce qu'il m'a dit sur vos après-midi chez toi. Tu avais l'air de bien apprécier.

J'en rajoute des tonnes, je l'avoue. De ce qu'il m'a avoué, Arllem n'est jamais aller plus loin avec lui que des caresses à peine poussées. Ils ne se sont même jamais embrassés. Mais c'est marrant de voir son visage se décomposer devant tous ses amis en se défendant qu'il n'est pas gay.

- De... De toute façon, on sait tous que tu couches avec lui, retorque-t-il. Maintenant que j'y pense, j'aurais peut-être dû le laisser me suc-

Il n'aura jamais l'occasion de finir sa phrase. Mon poing rencontre sa joue et il en recule d'un pas.

- La prochaine fois que tu insinues un truc pareil, je te jure que ce n'est pas juste un petit coup que tu vas recevoir.

- Pourquoi je ferais cet effort ? gémit-il en se tenant la pommette. Vous êtes tous tarés dans ta famille.

Son autre joue me semble bien pâle, mais heureusement pour lui, Adam me retient de la lui colorer de bleu. Il me rend mon sac, que j'enfile sous le rire mauvais de William. J'ai besoin de m'éloigner au plus vite avant de faire une connerie que je regretterai. Un peu. Juste un peu.

- Il est où Arly, précisément ?

- Attends, je demande à Emy...

Il prend son portable et envoie un message à Émilie. Qui lui répond aussitôt.

- Deuxième étage, escaliers des labos.

Je l’abandonne sans lui laisser le temps d'en dire plus.
J'ai conscience que ce n'est pas sympa pour lui. Mais pour moi, Arllem, c'est bien plus qu'un simple ami. On se connaît depuis tellement longtemps, on a fait les quatre cents coups ensemble et chacun à vue les malheurs dans la vie de l'autre. Lui avec son coming-out et moi avec... Le reste. Je ne peux pas le laisser comme ça sans essayer de parler avec lui au moins une fois.

J'entends la petite voix rassurante d’Émilie dans les marches et je souris en la voyant tenter de le calmer. Je demande silencieusement si ça va et elle me fait non de la tête avec un demi-sourire. Évidement que ça ne va pas. Je le vois bien en plus. Elle me laisse la place, rejoignant les autres à l'étage du dessous. Je pose mon sac sur le lino et m'assois à coté de lui.

- T'avais pas besoin de venir, déclare-t-il sans me regarder.

- C'est moi ou tu es en train de me reprocher d’être là ? le charrié-je.

Il secoue la tête en souriant, les larmes sur les joues.

- Je vais pas te reprocher d’être là à chacune de mes galères amoureuses...

- Même pour ça, je serais là, tu le sais. Et pardon d'en rajouter une couche, mais William ne t'aimait pas.

- Je sais...

Je me giflerais pour mon manque de tact. Je suis un peu plus doué d'habitude. Le manque de sommeil doit l'expliquer.

- Je vais finir par croire que l'amour c'est pas pour moi.

- Dis pas ça... Si ça trouve, tu vas rencontrer un beau mec l'année prochaine à la fac et ça sera l'homme de ta vie.

- C'est un peu irréaliste pour scénario.

- Pas plus que de rencontrer l'amour le jour de la saint-valentin.

Il me donne un coup de coude en riant un peu et je réponds par un petit «Aïe». C'était mérité.

- Tu sais ce que j'aimerais ? Retourné au CP, déclaré-je en me frottant le bras.

- Mademoiselle LeBlanc ?

- Elle était jolie, me justifié-je.

- On avait six ans ! Mais j'avoue. Ce serait que pour ça ?

- Nan... À cet âge, la vie est vachement sympa. On n'a pas grand chose dont on doit se soucier.

- Avoue que tu veux revivre notre rencontre, en fait.

- Jamais je ne le ferais à voix haute.

C'est pourtant un moment dont je veux me souvenir toute ma vie. Des chaussures trempées, des genoux écorchés et un ballon dégonflé. Un sauvetage dont je ne suis pas peu fier.

- T'as encore la cicatrice ?

- Un peu, que je le veux ! Un vrai super-héros.

Je dessine un trait sur mon tibia et Arllem laisse apercevoir un vrai sourire, posant sa joue sur son genou.

- Arrête, je suis sûr que c'était juste pour impressionner une fille.

- Et pas n'importe laquelle ! Lise Fabet.

- Ah oui ! Elle était Brune ?

- Blonde.

- M'en souviens plus de toute manière, déclare-t-il en haussant des épaules.

On rit ensemble de notre bêtise. La sonnerie nous interrompt et nous ordonne fortement d'aller en cours. Je me lève et l'aide à faire de même en attrapant son bras.

- T'as l'air crevé, me fait-il savoir une fois debout.

J'ai bien pris conscience de mes cernes quand j'ai vu mon reflet ce matin.

- Pas beaucoup dormi...

- Je vois ça. Encore des cauchemars ?

- Non. Mais Noé, oui.

- Je... Désolé.

Je passe un bras autour de sa nuque et le tire vers moi pour descendre. Je préfère éviter le sujet. Mais il me pousse à m'éloigner de lui et prend ma main entre les siennes.

-Il t'est arrivé quoi ?

- Ah ça ! Rien, je mens.

- Tris...

- Bon, ok. J'ai frappé William. T'es content ?

- Non ! Bien sûr que non ! Je... J'allais me démerder.

- Comme toutes les autres fois ?

Il veut me répondre, mais finit par partir plus loin en faisant demi-tour. Je devine sans problème qu'il est énervé.

- J'ai besoin d'un ami Tristan. Pas d'un garde du corps.

Si seulement, c'était aussi facile.

Je te dirai que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant