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À chaque fois que je prends mon portable dans mes mains, je me ravise. Il me suffirait pourtant de simplement composer un numéro, mais je n'ose pas le faire. Loïk m'a pourtant rassuré des dizaines de fois depuis la semaine dernière, disant que c'était la meilleure chose à faire. Mais là, au moment d'appeler les services sociaux, je me retrouve au pied du mur. Un rien peut me faire tout perdre. Et si j'étais envoyé à l'autre bout du pays ? Je perdrais mon groupe d'amis et Loïk ? Si je suis séparé de Noé ? Plus jamais je ne le reverrai ? Trop de questions auxquelles je ne peux pas donner de réponses.

- Tristan...

Je l'observe. Loïk me sourit et me ramène un peu plus vers lui sur son canapé.

- Il faut que tu le fasses aujourd'hui. Autrement, tu ne le feras jamais...

- Et si c'était une mauvaise idée ?

- Tu sais très bien que non. Tu ne peux pas continuer à vivre comme ça avec Noé.

Sa main caresse doucement mon épaule et ça me rassure un peu. Juste un peu. Je vais sur le clavier et je tape le premier chiffre avant de recevoir un appel. Arllem. Je décroche aussitôt.

- Salut... commence-t-il d'une petite voix.

- Salut Arly. Qu'est-ce qu'il y a ?

Je sens tout le stress dans sa voix. Le pauvre. Il m'a forcément appelé pour une bonne raison. Surtout un samedi après-midi.

- Je vais faire l'amour avec Brevan...

Je souris. C'est donc ça qui l'angoisse autant. Il va faire sa première fois. Je me lève tandis que Loïk me demande silencieusement si tout va bien. Je lui fais signe que oui et part dans la chambre pour ne pas qu'il entende toute la conversation.

- Vas-y, je t’écoute.

- T'as pas entendu la première fois ? se plaint-t-il.

- Si, mais je voulais te l'entendre dire une seconde fois. Alors comme ça, on va s'envoyer en l'air ?

- Arrête, soupire-t-il. Je suis sérieux.

Pour le coup, il semble si grave que j’arrête de sourire.

- Pardon. Je sais en plus que tu classes ça comme quelque chose d'important et d'unique à vivre. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Toi qui t'y connais niveau relation, ça doit se passer comment ?

À bien y réfléchir, je suis certainement le pire pour le conseiller sur le plan sexuel. Il m'imagine encore hétéro. Si tenter que je l'ai été entièrement un jour.

- Avant toute chose, je tiens à te rappeler que j'étais bourré lors de ma première fois.

- Alors ta deuxième ?

- La fille m'a vomi dessus. Je ne suis pas doué pour choisir mes partenaires, t'en as conscience tout de même ? raillé-je.

Je ne parle pas de Loïk. Je ne me sens pas prêt à le lui dire. Arllem soupire.

- Tout ce que je te demande, Tris, c'est de me dire une chose simple que les filles aiment que tu leur fasses. Et non, j'ai pas besoin de détails.

Cela fait plusieurs mois que je n'ai pas eu de rapport avec une fille alors je pense à Loïk et à ce que l'on aime faire dans un lit.

- Les cun...

Loik m'interrompt en toquant à la porte. Je demande à Arllem de m'attendre et couvre le portable avec mon autre main.

- Tout va bien ? s'enquiert-il.

- Arllem me demande des conseils pour... Une première fois.

- Alors pourquoi tu ne lui dis pas directement ce qu'il veut savoir. Toi et moi.

- Quoi ? Hors de question que je lui dise ça.

- Il a le droit de savoir comment on fait... Au moins le minimum syndical.

- Pourquoi ?

- Peut-être pour lui dire la vérité ?

- Tu ne le connais pas, ça se voit.

Il veut attraper mon téléphone, mais je l'éloigne au bon moment.

- Non.

- Tristan, passe le moi.

- Non, Loïk.

Il parvient à me retirer le téléphone des mains et répond à ma place.

- Loïk ! l'appelé-je encore une fois.

- Salut Arllem !

Il va tout gâcher.

- On se connaît à peine, mais Tristan m'a assez parlé de toi pour que je comprenne que tu as un problème avec ton copain.

Loïk va tout faire foirer. Arllem n'est pas stupide. Il va comprendre que je lui cache quelque chose.
Mon meilleur ami réplique sans que je parvienne à savoir ce qu'il dit exactement.

- Je sais que tu n'as pas vraiment de raison de le faire, mais écoute moi, reprend Loik. Je suis passé par les mêmes étapes que toi. Avec plusieurs garçons. Je n'ai pas de formule magique pour que tout se passe bien, ça n'existe pas la solution parfaite pour une parfaite première fois. Tout ce que tu dois néanmoins savoir, c'est que si ça ne va pas, ça ne sert à rien de continuer. Je suis sérieux. Ça ne ferait que vous stresser encore plus pour la prochaine fois. On dit aussi que l'amour soigne tous les maux alors c'est plus facile de le faire quand on le ressent.

Mon beau blond m'observe avec tendresse. Notre première fois aussi a pas mal été chaotique, mais désormais, on s'écoute pour comprendre nos envies.

- Et je sens que tu stresses parce que justement, tu l'aimes. Le plus dur, ce n'est pas de le faire. On sait tous plus ou moins comment ça marche. Le plus complexe, c'est d'écouter et de respecter les désirs de l'autre, sans négliger pour autant les siens.

J'entends Arllem le remercier. Loïk l'a plus aidé que moi, mais ça n’enlève pas le fait qu'il lui a ouvertement parlé de sexe en prétendant le connaître.

- Pourquoi tu as fait ça ?

- Et toi ? Pourquoi tu ne lui as encore rien dit pour nous deux ? rétorque-t-il en me rendant mon portable.

- C'est... Compliqué.

- Il est gay. Je ne vois pas en quoi c'est compliqué. Il comprendrait.

- Non, il ne peut pas. Je ne peux pas lui dire...

Loïk s'assoit avec moi sur le lit et me caresse le genou.

- Il y a des choses que tu dois lui dire. Tout garder pour toi ne résoudra rien. En parlant de ça, il faut que tu appelles les services sociaux.

- Maintenant ?

- Ne recule plus Tristan. Et si tu ne le fais pas, je le ferai. Pour vous sauver toi et ton frère. Même si pour ça, tu dois me détester.

Son regard se pose sur mon téléphone. Je baisse la tête et tape les trois chiffres depuis l’application des appels. Loïk presse ma main et ma gorge se noue quand une femme me répond à l'autre bout de la ligne.

- Je... Je voudrais faire un signalement.

Ma voix se perd dans un souffle. J'ai juste un peu moins peur.

Je te dirai que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant