Les Frontières (TERMINE)

Chapitre deux

Ce matin, il a beaucoup plu. Heureusement, mon arbre est déjà recouvert de ses feuilles du printemps. Il est l'un des premiers à avoir retrouvé sa robe verte cette année. J'en suis très fière. Mes parents vivent dans l'arbre voisin, un grand saule pleureur. Le mien est encore petit puisque j'y ai emménagé il y a peu. La tradition veut que chaque enfant qui quitte sa famille pour vivre sa vie doit planter et arroser lui-même l'arbre qui sera sa nouvelle maison. Pendant le temps que celui-ci atteigne une taille convenable, l'enfant réside encore chez ses parents.

Mon arbre à moi est arrivé à ce stade il y a tout juste un mois. Il n'est cependant pas encore à maturité mais quand il le sera, il dépassera bon nombre de maisons du village. Les graines sont piochées au hasard dans un grand sac. Ce genre de cérémonie a lieu assez fréquemment mais seule la famille proche est autorisée à y assister. J'ignore comment l'émancipation se passe chez les Terres et les Nuages mais je crois que ça y ressemble.

Bref, le feuillage tout neuf me sert de parapluie. Je ne sais pas encore ce que je vais faire aujourd'hui. J'aimerais bien voir Sue mais il m'est impossible de lui rendre visite car l'accès au royaume des Nuages nous est interdit. Une lourde grille en fer forgé bloque la route. Quant à elle, elle ne peut descendre que s'il y a une pluie d'étoiles filantes ou de météores. Ce qui, il faut bien l'avouer, ne se produit pas souvent. Notre royaume, lui, se situe au milieu alors ses portes sont toujours ouvertes car il mène à la forêt. Et la forêt appartient à tout le monde. C'est un peu un territoire neutre. C'est souvent là bas que nous nous retrouvons, moi et mes amies.

Mais nous devons tout de même nous cacher. Pour cela, nous avons trouvé une planque fabuleuse. Il y a un gros rocher sous un chêne. Dans ce rocher, il y a une faille et une véritable pièce se trouve à l'intérieur. C'est là que nous nous réunissons. Personne ne peut nous voir de cette façon. C'est vraiment très pratique. Le royaume des Terres est possible d'accès à tout le monde mais pour trouver son chemin il faut avoir un certain flair, que seuls les membres de la confrérie des Terres possèdent. Ceci rend l'exploration des galeries très difficile, voir presque impossible, surtout que des gardes sont postés à toutes les entrées principales du territoire. C'est pour cela que je ne me risque pas à ces jeux dangereux. A part nos faibles différences physiques, il y a deux autres choses qui nous différencient considérablement les uns des autres.

Tout d'abord, nos membres. Les Nuages sont équipés d'ailes blanches ou grises. Ce qui leur permet d'être toujours plus hauts que nous. Les Terres sont pourvus de grandes mains et de griffes aiguisées et tranchantes pour mieux creuser le sol. Et nous, et bien, nous avons des jambes légèrement plus longues et plus musclées qui nous permettent notamment de sauter plus haut et plus loin, de branche en branche. Ensuite, nous avons des capacités mentales différentes. Ce qui explique que les Nuages sont plus cérébraux et ils se passionnent pour l'astronomie. Les Terres sont plus manuels et ont pour domaine de prédilection tout ce qui attrait à l'agriculture. Nous autres, les Arbres sommes doués de nos mains aussi bien que nos têtes. Nous sommes équilibrés et nous nous spécialisons dans les innovations qui peuvent améliorer la vie quotidienne.

Contrairement aux Hommes qui vivent sur Terre, nous respectons énormément la nature qui nous entoure. Nous ne sommes pas sans savoir que les colères de Dame Nature peuvent être terribles, c'est pourquoi nous essayons de vivre en harmonie avec elle. On raconte que la Terre des Hommes est corrompue et qu'il ne reste presque plus rien de ce qu'il y avait là bas à l'origine. C'est Sue qui m'a dit ça. Après tout, vu du ciel, elle peut sûrement apercevoir leur Monde. Mais les gens ont beau médire sur cette planète, je ne cesse d'y penser. J'aimerais tant un jour apercevoir un humain.