Chapitre sept

6 1 0
                                    

Tout de suite, je compris pourquoi c’était lui et pas un autre qui gérait notre société et veillait sur nos frères. Il avait ce physique de costaud et cette bonté immense qu’on lisait sur son visage anguleux était à toute épreuve. Anomaké, lui, me semblait nettement moins hospitalier mais c’était certainement l’être le plus intelligent ici bas.

-Bonjour maître. 

-Que puis-je pour toi, mon enfant ?

-J’ai quelque chose à vous dire.

-Ah oui ? Quoi donc ? Me demanda-t-il, l’air amusé.

Apparemment, il s’imaginait que la raison de ma venue n’était pas des plus primordiales.

-Les Terres veulent lancer les hostilités contre nous, à cause de la délimitation nouvelle de leur territoire. Lâchai-je, essayant de paraître la plus crédible possible.

La bouche gercée d’Anomaké s’étira en un rictus que je trouvai totalement inapproprié et impoli et les yeux d’Hannah se fendirent comme s’ils riaient eux aussi. Puis, lorsque ce dernier réalisa que j’étais sérieuse, l’expression de son visage se métamorphosa en une face inquiète. Il se tourna vers son conseiller qui me dévisageait, ses sourcils gris si froncés que ses petits yeux de rat en étaient presque réduits aux dimensions d’une fourmi.

-Es-tu sérieuse, chère Ly ?

-Oui, monseigneur. 

-Et d’où tiens-tu ça ? Répliqua Anomaké, qui semblait de plus en plus circonspect.

Oh non ! Il ne fallait surtout pas qu’ils sachent que j’entretenais des relations amicales avec l’ennemi ! Un mensonge, vite, un mensonge ! Je me creusais la cervelle.

-J’ai surpris deux gardes en parler la veille au soir. D’après ce que j’ai compris, ils souhaitent lancer l’attaque à l’aube un jour prochain pour nous surprendre d’autant plus.

-Tu en es sûre ? Reprit Hannah.

-Oui.

-Eh bien… Merci beaucoup. Maintenant, si tu veux bien nous excuser… Nous devons mettre au point un plan pour limiter les dégâts.

-Attendez ! Maître, je veux dire… Vous n’allez rien faire pour empêcher tout ça ?

-Que veux-tu que l’on fasse au juste ?

-Rendez-leur leurs terres. C’est le seul moyen pour conserver la paix. Soufflai-je.

Le chef me regarda de ses grandes prunelles émeraude et je sentis peser sur mes épaules tout l’avenir de notre monde. Anomaké, dont les nerfs semblaient lâcher, intervint :

-Enfin, maître vous n’y pensez pas ! C’est de la folie ! Cela relève purement et simplement de…

-Nous savons parfaitement de quoi il est question, mon ami. Le coupa aussitôt Hannah sans lui adresser un regard. Mais la sécurité de notre peuple dépend de cette décision. Et ne comptez pas sur moi pour mettre en danger les miens pour une simple affaire de partage des terres. Merci beaucoup Ly. Nous allons faire ce qu’il convient. Sachez que nous saurons nous montrer indulgent et remercier votre bravoure comme il se doit.

Je hochai la tête, ne sachant que faire d’autre. 

Les Frontières (TERMINE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant