Chapitre dix

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Il se mit debout et je pus constater qu’il était plus grand que moi. Il ne portait rien d’autre qu’un pagne blanc en toile noué autour de sa taille. Pour le reste, il était nu. La perfection de son torse de statue grecque me fit rougir de plus belle. Cependant, sur sa poitrine, de longues griffes mordaient sa chair et du sang en jaillissait faiblement. 

-Que veux-tu qu’ils me fassent de plus ? Ricana-t-il avec humeur.

-C’est eux qui t’ont fait ça ?

-Ils sont sans pitié pour ceux d’entre nous qui viennent en aide aux étrangers. Je n’y peux rien, je suis comme ça. Je ne peux pas laisser de pauvres innocents sans défense périr entre leurs mains.

-Je te trouve très courageux. Admis-je doucement.

Il me tourna le dos et trempa ses orteils palmés dans l’eau douce du lac.

-Quand pourrais-je te revoir ? Lui demandai-je, attristée qu’il doive s’en aller si vite.

-Je ne sais pas. Prend bien soin de toi, Ly. Et surtout, ne reviens jamais ici. Tu en perdrais la vie.

Il plongea, me laissant seule dans la clairière, le cœur battant encore la chamade.

La nuit était tombée depuis une heure maintenant. Je marchais tranquillement, évitant les flaques d’eau que la tempête avait laissées derrière elle. Je slalomais entre les ombres des arbres qui semblaient respirer tout autour de moi. Je laissais le vent me chatouiller les oreilles. Mon esprit était encore embrumé par ma rencontre avec Cédric. Je ne pouvais m’empêcher de penser à lui. A sa peau étrange. A ses yeux couleur d'ambre. A ses cheveux aussi vifs que le plus dangereux des incendies. J’essayais de me souvenir de chaque mot qu’il avait dit mais rien n’était aussi clair dans ma tête que l’éclat de son sourire après que je l’ai remercié pour m’avoir délivrée.

Je priais en silence pour le revoir le plus vite possible. Je priais pour que ce premier au revoir ne soit pas un adieu. Tout était si flou, si confus en moi. Certaines images me revenaient avec plus d’intensité, d’autres s’effaçaient presque. Tout ce que je comprenais, c’était que les pulsations de mon cœur s’accéléraient quand il plantait son regard dans le mien. Tout le reste demeurait incertain. J’aurais voulu en toucher un mot à quelqu’un, me reposer sur l’épaule d’une amie mais je devais garder secrète l’existence de cette race des Eaux. Personne mis à part moi ne devait savoir que notre monde n’était pas uniquement constitué de trois domaines. Enfin, je parvins au village. Les quelques lampadaires étaient déjà allumés. 

Cette nuit là, il me fut impossible de m’endormir tant les traits de Cédric me hantaient. Le timbre de sa voix résonnait continuellement au creux de moi comme si je ne pourrais jamais m’en défaire. La place du village était déserte. Il me semblait que le Monde dormait profondément. Etais-je la seule à entendre, à percevoir ce cri strident qui déchirait mon âme ? Etais-je la seule à capter le bouleversement profond qui s’opérait en moi ? Etais-je la seule à comprendre que tout allait changer ? Que plus rien ne serait jamais comme avant ?

Les Frontières (TERMINE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant