Les Frontières (TERMINE)

Chapitre dix-sept

Comme prévu, mon possible-futur-mari et mon frère cadet arrivèrent à l'heure et pour une fois, je leur dis de ne pas monter me chercher. Cédric était trop visible de là où il se tenait. Alors c'est moi qui descendis une à une les branches de ma maison. Quand je voulus me poser au sol, les bras puissants de Mathias me saisirent pour aider à la manoeuvre. Je me faisais la réflexion qu'il était devenu un homme et que je ne m'en étais jamais encore aperçu. Les années avaient passé et l'avaient rendu fort et viril. Il méritait d'être follement aimé. Je m'en voulais de garder son coeur en ôtage et de ne pouvoir lui rendre tout ce qu'il me donnait. Comme Tay était avec nous, il ne m'embrassa par sur les lèvres et se contenta d'un baise-main, geste qu'il avait toujours rêvé d'exécuter. Je dois reconnaître qu'il était doué. Tay nous fit monter sur Pouf qui nous conduirait à tir d'ailes à travers la forêt. Mathias, placé derrière moi, m'enlaçait pour se cramponner à moi. Je pouvais sentir son souffle chaud dans ma nuque.

La soirée au rocher se passa merveilleusement. On s'amusait bien. On riait, on dansait, on buvait. Mais je n'avais pas la tête à ça. Mon esprit vagabondait ailleurs, déjà trop loin, jusqu'à mon marronnier où Cédric devait probablement dormir d'un sommeil réparateur. A un moment, les filles me prirent à part :

-Aloooooors ? Fit Sue. 

-Quoi "alors" ? Je m'étonne.

-Ne fais pas celle qui n'a rien fait. Il s'est passé quelque chose entre toi et Mathias, avoue-le. M'intima Sho à son tour.

Je baissais les yeux. Elles éclatèrent de rire.

-C'est pas vrai ! Enfin ! Firent-elles en choeur. C'était comment ?

"C'était comment ?" Les mots ne me venaient pas. Si. Un. Décevant. Désappointant. Mais ce que je pensais, une fois de plus, ne pouvait sortir de ma bouche. Je devrais passer maître dans l'art du mensonge car comme toujours, je dis ce que les gens avaient envie d'entendre :

-C'était fantastique. Je ne pouvais rêver mieux pour notre premier baiser. J'en frissonne encore. Comment vous avez su ?

-C'est lui. Il te zieute comme s'il avait envie de te croquer. Il ne te regardait pas comme ça avant. Déclara solennellement Sho.

De l'autre bout de la pièce, Mathias me dévorait des yeux en effet. Je n'arrivais pas à faire mine que moi aussi je mourais d'envie de lui sauter au cou. Je ne pouvais pas. Quand il s'avança vers nous et passa un bras autour de mes épaules, un frisson me parcourut. Pas un frisson comme quand on a un envol de papillons dans le creux du ventre, non. Un frisson parce que je répugnais cette étreinte.