Chapitre neuf

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« Un intrus ! » Entendis-je soudain résonner à mes oreilles. Une de ces créatures incroyables venait de m’apercevoir et fonçait déjà à toute allure dans ma direction. Je voulus fuir mais c’était trop tard. Quatre bras forts me retenaient en otage. J’étais prise au piège. J’essayai tant bien que mal de me libérer de leur étreinte mais je n’y parvins pas et ils passèrent autour de mes mains une liane verte (sans doute une sorte d'algue marine) qu’ils resserrèrent au niveau de mes poignets. La corde me lacérait la peau et je vis mon sang se mêler à l’eau tumultueuse qui m’entourait.

C’en était fini. Encore quelques minutes et j’allais mourir étouffée, asphyxiée. Les deux soldats me tirèrent à leur suite et mes cris de douleur comme mes supplications se perdirent à nouveau dans des bulles d’air. Ils m’entraînaient vers le château majestueux que j’avais admiré quelques instants plus tôt avec sérénité. Voilà que maintenant, on m’y emmenait de force. Je redoutais déjà le châtiment qu’on allait m’infliger là bas pour avoir osé pénétrer dans leur territoire. Puis tout bascula en une seconde.

Quelqu’un avait surgi de nulle part et asséné trois coups violents aux soldats qui me gardaient prisonnière. Le nouveau venu avait ensuite arraché à l’aide d’une serpe en ferraille le nœud qui me liait les mains. Puis il me héla : « Suis-moi ! » J’obéis instinctivement, n’osant jeter un coup d’œil derrière nous de peur de voir nos ennemis se lancer à notre poursuite. Mon sauveur me somma de me hâter. Jamais je n’avais été aussi rapide. On dit que la peur donne des ailes. Pour ma part, elle me donnait des nageoires. Nous arrivâmes enfin à la surface après tant d’efforts. Je sortis péniblement de l’eau et vint me coucher sur la berge, à bout de souffle. 

Mon sauveur s’extirpa lui aussi du lac et je vis sa peau bleutée briller à la lumière du jour. Son visage était harmonieux, ses traits fins, l’arrête de son nez droite, ses yeux dorés étaient grands et ses cheveux courts et cuivrés frisaient déjà sur son front. Je le trouvai magnifique. Il s’avança et s’agenouilla à côté de moi, des gouttes ruisselant sur son menton. « Tu vas bien ? » S’enquit-il et sa voix me parut plus belle encore que la musique qui m’avait attirée jusqu’à lui. « Oui… Oui. Bégayai-je difficilement. Et c’est grâce à toi. Je ne te remercierai jamais assez de m’avoir sauvé la vie. » Il me sourit, un soupçon de fierté dans le regard.

-Ce n’était rien. Ces gars là sont des monstres. Dès que quelqu’un qui n’est pas des nôtres s’aventure ici, ils le conduisent au palais où on le torture jusqu’à ce qu’il dise d’où il vient et ce qu’il veut.

-C’est monstrueux ! 

-Oui. Je ne pouvais pas les laisser recommencer. Qui es-tu ?

-Je suis Ly. Je vis dans les Arbres. 

-Ah. Gémit-il, visiblement inquiet.

-Et toi ?

-Je m’appelle Cédric. Comment es-tu arrivée ici ? 

-J’ai entendu cette mélodie et… Il m’a été impossible de m’arrêter. Je devais savoir d’où elle provenait. Et elle m’a menée jusqu’à toi. Enfin, jusqu’à ton peuple. Répondis-je.

-Je vois. Satanés gardes… Ils ont créé eux-mêmes cet air pour vous attirer dans leur piège. Tu n’es pas la première à te faire coincer. Mais malheureusement, je n’ai pas pu tous les tirer d’affaire.

-Tu veux dire que d’autres se sont faits piéger avant moi ?! 

-Evidemment. Ils les ont tués.

-Mais… Mais pourquoi font-ils ça ?!

-Pour se venger. Les miens sont très vexés que vous ignoriez tout de notre existence. Alors ils tuent vos proches sans ménagement, histoire de vous rendre la monnaie de votre pièce.

-C’est immonde.

-Je sais, mais je ne peux pas y faire grand-chose. Bref, il faut que j’y retourne.

-Attends ! Ils t’ont vu me délivrer. Que va-t-il t’arriver ?

Les Frontières (TERMINE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant