Chapitre treize

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Mathias parti, j'ai le coeur tout retourné. J'ai mal au ventre. J'ai comme envie de vomir. C'était mon premier baiser et je ne l'imaginais pas comme ça. J'avais d'autres espérances, d'autres fantasmes. Pourtant, le cadre collait parfaitement à mes rêves. Mais sans doute pas la personne qui m'a donné ce baiser. J'appuie mes poings contre mon bureau où s'étalent les plans de mon futur télescope. Au moment où mes muscles commencent enfin à se détendre et mes pensées à se figer, j'entends des pas derrière moi. Quelqu'un est entré. Mathias ? Que veut-il encore ? Je fais volte face et je faillis me cogner à mon père, Tori, proche des dirigeants de notre clan, un ami d'Hannah. Que me voulait-il ? Était-ce à propos des confidences que j'avais faites à notre chef ? Qu'avais-je fait de mal ? Je nous avais sauvé de la guerre civile ! Je m'attendais à tout sauf à ce qu'il me déclara enfin :

-J'ai vu Mathias sortir de chez toi. Il t'a raccompagnée ?

Mon sang ne fait qu'un tour. Qu'avait-il vu exactement ? S'il l'avait vu me suivre jusque chez moi, il avait dû assister à notre premier baiser... Je n'ose y penser. Je rosis spontanément. Heureusement qu'il fait sombre. Les pâles lumières du soir tombant ne suffisent pas à dévoiler mon embarras. J'hoche la tête, presque honteuse. Dans le même temps, je sens une colère sourde gronder en moi, n'attendant qu'à s'exprimer. Et je ne peux l'empêcher :

-Pourquoi tu nous regardais ? Tu m'espionnais ? Papa, je n'ai plus cinq ans. Je ne vis plus à la maison et je sais m'assumer seule. Je n'ai certainement pas besoin d'un chaperon.

Il a l'air surpris de ma réaction. Sans doute ne s'attendait-il pas à ce que sa chère fille s'emporte un jour contre lui. Mais je suis plus que sa fille.

-Je sais bien que tu n'as pas besoin d'un chaperon trésor. Mais je suis ton père et je t'aime. C'est ma façon à moi de te protéger.

-Eh bien je n'ai pas envie d'être protégée. La prochaine fois, j'éviterai de m'exposer sur le pas de ma porte. 

-Je suis sincèrement désolé ma puce. Je ne pensais que ça te dérangerait à ce point. En tout cas, Mathias est un garçon très bien. Tu sais déjà ce que ta mère et moi pensons de lui. Il te conviendrait parfaitement. Vous êtes faits...

-...l'un pour l'autre. C'est ce que vous m'avez toujours affirmé, je le coupe.

Je connaissais cette phrase par coeur. On n'avait cessé de me le répéter sans cesse depuis que j'étais toute petite. Cet axiome s'était peu à peu imprégné dans mon cerveau. J'avais l'impression qu'on m'avait forcée à le penser moi aussi. Que je n'avais pas eu le choix. J'avais fini par comprendre que dans notre société, on n'avait que rarement le choix.

-Et c'est la vérité. 

Je ne sais pas. Je ne sais plus, je réponds pour moi-même, dans l'intimité de mes pensées. Cette intimité là, rien ni personne ne pourrait la pénétrer. Mes pensées étaient miennes, m'appartenaient complètement. Elles ne dépendaient que de moi et je pouvais penser ce que je voulais. Je ne pouvais pas en revanche dire tout ce qui me passait par la tête. Même si souvent, j'en brûlais d'envie.

Les Frontières (TERMINE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant