11. La pluie

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Rémi claqua lourdement la porte de sa chambre, faisant taire les éclats de voix derrière. Il se roula en boule sous sa couette, la respiration difficile.

Il n'avait pas allumé la lumière, et seul le ronronnement du radiateur venait le réconforter dans ses pleurs.

Il essuya un bout de sauce tomate resté au coin de sa lèvre, et attrapant son téléphone, se rendit dans ses contacts.
Pour la première fois il hésita entre deux prénoms.
Un long moment devant son écran, ravalant ses sanglots pour y voir plus clair.
D'un coup, sans prévenir, il appuya sur le prénom de ce garçon dont l'absence hantait ses pensées.

Il approcha le téléphone de son oreille, écoutant les horribles BIP retentir.
Qu'allait-il lui dire ? Il n'en savait foutrement rien. L'idée seulement de pouvoir lui parler, cela le réconfortait déjà un peu.

Les sonneries s'interrompirent. Et son répondeur se déclencha.

Rémi raccrocha rageusement, frappant son téléphone contre son matelas.
Quand Vincent le rappela à peine une minute plus tard, il regarda juste son prénom, vibrant sur l'écran, sans décrocher.

Putain de merde
Pourquoi cela avait autant d'importance ?

Le cours de physique du lundi soir n'était pas une partie de plaisir.
Ni pour la prof, qui s'efforçait tant bien que mal de rendre son cours interactif, ni pour les élèves, qui préféraient regarder la pluie s'échouer sur les larges fenêtres de la salle de classe.

Poussée par le vent, une branche d'arbre tapait contre la vitre, à quelques centimètres d'un Vincent nonchalant.

Aujourd'hui, une bonne grosse journée de merde.
De celle où on se plaint du matin jusqu'au soir, qu'on ferait tout pour rentrer chez nous, sous un plaid, à manger des céréales, en regardant une série ou un animé. Ou juste dormir, mais n'importe quoi pour rentrer à la maison.

Aujourd'hui avait des airs d'interminable.

À midi, avec la petite bande, ils s'étaient rendus, comme à leur habitude au café Apache.

L'énorme point d'interrogation de cette journée était le comportement de Rémi. Il les avait complètement ignoré, mangeant, sans prendre part aux discussions, et louchant sur ses bouchées d'un regard vide.
Très loin de l'attitude du bouclé habituel, ce décalage en était effrayant.

Même quand Maxence lui avait posé des questions, il n'avait répondu qu'en bafouillant des onomatopées.

Vincent se demandait si c'était de sa faute, si le fait que le bouclé ai essayé de l'appeler la veille au soir avait quelque chose à voir avec son attitude d'aujourd'hui.

Il savait que Rémi pouvait être susceptible, mais pas à ce point-là quand même...
Et pourtant...
Le simple fait de ne pas avoir vu le sourire de Rémi de tout le week-end, ni de ce lundi, laissait à Vincent un âcre goût dans la bouche.

La veille au soir, il discutait tranquillement avec sa mère dans la cuisine quand il avait entendu son téléphone sonner de l'autre côté du mur.
Le temps d'écourter la conversation, et de filer dans sa chambre, son téléphone avait arrêté de sonner.
Quand il avait vu le nom de Rémi, il s'était empressé de le rappeler, mais celui-ci n'avait pas répondu.

Et maintenant, sans aucune explication, le bouclé l'évitait, et l'ignorait complètement.

C'était assez étrange et carrément désagréable ce vide teinté de ridicule.

De retour en classe après avoir mangé, il avait été séparé de Maxence et de Martin qui étaient dans un groupe différent du sien tous les lundis après-midi.

Apache - ALIEXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant