Chapitre 9

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-J'espère que tu as faim. s'écrie Andréas depuis la petite cuisine aménagée.

Je m'apprête à lui répliquer que j'ai toujours faim, peu importe le moment de la journée. Mais le souvenir de la sirène se rappelle à moi. Ce matin a été la seule fois de ma vie où quelque chose a réussi à me couper l'appétit. Pitié, faîtes qu'il ramène tout sauf du poisson.

Pas de poissons, pas de poissons, pas de...

Andréas dépose les deux assiettes fumantes sur la table.

Miam, du canard !

J'agrippe mes couverts, prête à me jeter sur la nourriture qui semble à première vue délicieuse.

-Et si on commençait ?

Commencer quoi ? Le repas ? J'ai pas besoin de ton feu vert pour ça.

Il me faut un moment pour comprendre qu'Andréas parle de ce jeu de questions-réponses auquel nous allons nous livrer ce soir. Pour " apprendre à nous connaître " soit disant. Je suis encore sceptique.

-Je sais que tu t'appelles Hasna. Est-ce qu'il y a un nom de famille qui s'accorde avec ce ravissant prénom ?

J'avale un morceau de canard.

-Plus maintenant.

Ce n'est pas vraiment un mensonge. Lorsque mes parents m'ont quittée, j'ai décidé de ne plus porter leur nom. Ma chatte et moi trouvions ça inconvenant de porter le même nom que ces deux minables. Il a fallu attendre un an après mon intégration dans Saorsa pour que je retrouve un nouveau nom, celui là même que tous mes camarades portent également. C'est une coutume courante chez les métamorphes.

-Ce n'est pas comme si c'était une chose importante. j'ajoute.

Bien-sûr que c'est important. S'il pose cette question, c'est pour pouvoir appeler les meutes les unes après les autres afin de déterminer à quelle groupe j'appartiens.

C'est sournois, mais je ne me ferai pas avoir !

-Et toi, tu portes le nom de tes parents ou bien celui de ton Alpha ?

Il hausse les épaules.

-Les deux. Lorenzo et moi partageons le même nom mais c'est parce que nous sommes cousins. m'explique t-il.

Information intéressante. Et je n'ai même pas eu à le faire boire !

-Mais je n'ai pas très envie de parler de lui ce soir. réplique Andréas.

Quel dommage, c'est justement de ça que je souhaite parler.

Le loup s'empare de son verre et se met à boire une gorgée, le tout en m'inspectant du regard. Ses yeux fixés sur ma personne me perturbe et m'empêche de continuer à déguster mon plat.

Je n'aime pas qu'on me regarde manger.

-Je n'avais jamais côtoyer de métamorphe chat auparavant. Vous êtes une race très divertissante !

Je ne suis pas sûre de savoir comment le prendre.

-Merci ? j'hasarde.

Il pose brusquement son verre sur la table et se redresse, tout à coup plus sérieux.

-Je tiens à être franc avec toi. Je ne cherche pas à établir une quelconque relation amicale.

Ah, ça y est, c'est un piège, je le savais !

-Je veux plus. Je veux une relation sérieuse avec toi.

Mes suppositions s'effondrent comme un château de cartes.

-Je me doutes bien que tu dois avoir tout un tas de prétendants qui te courent après. Et je me battrai contre chacun d'entre eux si ça veut dire que je peux espérer avoir une chance avec toi.

Je n'arrive pas à en croire mes oreilles. Je jette un coup d'œil à mon verre, mais non, il est toujours plein, je ne suis pas saoule. Andréas en revanche en est déjà à son deuxième verre, et je commence à me demander si le loup tient l'alcool.

J'en doutes très fortement.

Je manque d'éclater de rire face à ses propos saugrenus. J'essaie d'imaginer une file de prétendants venus pour me faire la cour, et ça ne me paraît pas plausible un seul instant. Cependant, je tente de garder mon sérieux afin de ne pas le froisser. Il est peut-être très susceptible.

-C'est... c'est un peu tôt, non ?

Il hausse les épaules.

-Je ne te demande pas de me donner une réponse tout de suite. Je t'informe seulement de mes intentions.

J'observe mon assiette presque vide, embarrassée. C'est la première fois qu'un homme me fait ce genre de déclaration. Je ne sais pas du tout comment réagir.

-Je rêve constamment de toi depuis que je te connais. raconte t-il de but en blanc.

Cette fois, je manque de m'étrangler.

Ce n'est pas possible. C'est une mascarade. Il joue un jeu et attend de voir à quel moment je retirerai mon masque. Ça ne peut être que ça, bien-sûr, puisque, étant de Saorsa, il m'est interdit de fricoter avec un loup de la meute adverse.

-On ne se connait que depuis deux jours. je m'indigne de cette absurdité. Deux nuits donc. Ce n'est pas assez pour déclarer ça comme un phénomène habituelle.

-Je n'ai jamais dit que j'avais besoin de dormir pour rêver de toi.

Finalement, je pense que je vais avoir besoin de vin.

J'attrape mon verre encore plein et le vide d'une traite.

-Encore. je lui quémande en lui tendant mon verre vide.

Semblant amusé par les réactions qu'il me provoque, Andréas me serre un deuxième verre.

La soirée se poursuit dans une ambiance plus détendue. Nous parlons de choses plus banales et ne remettons pas le sujet " nous " sur le tapis. Mais ça ne m'empêche pas de continuer à boire. Au contraire, j'accueille avec joie la sensation chaleureuse de l'alcool dans mon organisme. Ma tête commence à me tourner mais j'en fais abstraction.

Nous passons le reste de la soirée assis sur le canapé, tournés l'un en face de l'autre, séparés par un pauvre petit mètre de distance. Andréas a continué à boire lui aussi, mais je n'arrive toujours pas à le faire parler. Bon et il se trouve aussi qu'au fur et à mesure que j'ingurgite l'alcool, je n'arrive même plus à me souvenir de ce que je fais là.

Je crois que ma capacité à raisonner s'est volatilisé. Pouf ! Disparue. Tout ce qu'il reste, c'est moi et cette divinité lupine qui me fait face. Cet homme qui respire la testostérone. Ce visage angélique ciselé par les dieux. Ses yeux où coulent le mercure.

Est-ce qu'il s'épile les sourcils ?

Perdue dans mes pensées embrouillées, je n'entends pas ce qu'Andréas me dit. Mais je crois qu'il attend de moi que je lui réponde.

-Euh, tu disais quoi ?

-Je ne sais plus. souffle t-il, légèrement ailleurs lui aussi.

Ses yeux ne me regarde plus, mais fixent mes lèvres avec envie. Il ancre à nouveau son regard dans le mien, en une demande silencieuse. N'apercevant aucun signe de refus de ma part, Andréas se penche. Un peu. Jusqu'à recouvrir mes lèvres des siennes en un baiser des plus sensuels et doux à la fois.

Je ne dois pas. Je le sais. Mais le problème, c'est que je ne sais plus pourquoi. L'alcool me fait tout oublier, tout sauf cette sensation chaude et unique de sa bouche contre la mienne. Alors, emportée par la magie du moment, je me laisse aller contre lui, laissant sa langue m'envahir.

Au point où on en est, autant aller jusqu'au bout.

Hostile Désir [ Réecrit ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant