Chapitre 35

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Siliero fixait la double porte de l'écurie avec insistance tout en grattant la paille de son boxe. L'air qu'il expulsait de ses naseaux était chaud et vaporeux et emplissait l'endroit d'un parfum humide de foin. Il entendait la voix d'Evaëlle, dehors, et s'impatientait terriblement. Plus encore, il voyait dans l'entrebâillement de la porte les pommes qu'elle tenait à la main et n'attendait qu'une chose : pouvoir s'en délecter sous les caresses de sa cavalière. A côté de lui, Mylice jouait la même comédie, mais plus altière et plus pressante. Eldric rigolait gaiement, et pour attirer son attention, sa jument frappait du bout du nez sur les planches de bois qui l'entouraient. Sans succès.

Au dehors, Eldric et Evaëlle discutaient depuis déjà une trentaine de minutes avec Isithril et Sunil.

— Je t'assure, vraiment, je ne suis pas du genre à mentir ! se défendait Sunil.

— On sait, on sait Nil, on a compris, lâcha Isithril un brin fatigué par l'exubérance de son frère. Je pense qu'elle a compris...

— Tu es sûre que tu ne veux pas que je te montre la ville ?

La voix de Sunil, emprise d'excitation, trahissait l'intérêt qu'il avait pour Ev. Il la détaillait du regard sans se soucier du reste.

— Oui. Ça ira, merci, répondait-elle gênée.

— Mais, tu sais...

— Nil, lâche-la tu veux ? s'impatienta Ric en redevenant tout d'un coup sérieux.

— Bah, q-quoi ? bégaya son cousin, surpris par sa réaction.

— Tu ne comprends donc vraiment rien... soupira son frère en lui frappant le dos pour clore la conversation.

Isithril s'approcha de l'oreille de Nil et lui souffla :

— Ça m'a l'air compliqué, tout ça, frangin, mais Eldric et Evaëlle, ils...

— Quoi ?! s'exclama le jeune homme en écarquillant les yeux comme des billes sur Ric.

Il lançait déjà des regards furtifs à Ev qui feignait l'innocence.

— La situation est bien assez compliquée comme ça, dit Ric d'une voix puissante. Sunil, Isithril, je vous serais reconnaissant de ne pas en parler à...

— A père, oui, confirma le plus âgé des frères en fronçant les sourcils sur son cadet.

— Merci.

Eldric tira le bras d'Evaëlle pour l'emmener à l'intérieur de l'écurie et soupira de soulagement lorsqu'ils passèrent la porte. Complice, ils se regardèrent en biais et se retinrent longuement pour ne pas en rire.

Dehors, Isithril et Sunil s'en allaient enfin quand le plus jeune hurla presque :

— Non, mais... Mais... Mais... Oh, pour une fois qu'une si jolie fille me parle ! bougonna l'adolescent.

— A ta place, je ne m'y frotterais pas. Ric ne te laissera rien passer, même si tu es son cousin.

Surtout puisque tu es son cousin... pensa-t-il. D'ailleurs, il ne semble pas prêt à laisser passer quoi que ce soit au sujet d'Ev.

Isithril tourna la tête en marchant comme s'il voyait à travers les murs de l'écurie puis s'éloigna avec une moue pensive.

A l'intérieur, Siliero et Mylice croquaient enfin dans leurs récompenses, sans aucune délicatesse. Les deux jeunes gens leur passaient un bon coup de brosse et vérifiaient qu'ils n'avaient pas de séquelles de leur long voyage. Les membres de la jument étaient légèrement engorgés par le manque de mouvement, si bien qu'Eldric dû les lui masser pour améliorer la circulation de son sang. Siliero, lui, profitait des gratouilles que lui offrait Evaëlle en étendant l'encolure aussi loin qu'il le pu.

Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant