Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]

Chapitre 10

Le regard d'Evaëlle brillait d'une lueur indescriptible. Splendide. Pour la première fois, Eldric plongeait vraiment dans ses prunelles pour déchiffrer ce rien, captivant, qui dansait en elle. On eut dit qu'elle était en transe. Plongée dans un songe qui n'en était pas vraiment un. Aspirée par un autre monde, plus beau, plus calme.

Ric ne comprenait pas grand-chose de ce qu'il se passait. Attiré par l'aura qui émanait de la jeune femme, il s'était approché encore, sans vraiment s'en rendre compte. Le bout de clairière dans lequel ils se trouvaient était éclairé comme en plein jour sous l'impulsion d'un flux magique grandissant. Et lui, au milieu de toute cette chaleureuse clarté, était assailli par des émotions obscures.

Les mains d'Evaëlle entourait l'arbuste avec douceur : elle enlaçait la plante dans une gestuelle souple et désarmante. Comme l'on bercerait un nouveau-né qui s'endort...

Eldric se surprit à laisser vagabonder son esprit vers des pensées qui lui étaient complètement interdites. Pourtant, empreint d'un désir profond, il aurait pu tout donner pour être caressé par la jeune femme de la même manière... Pour se laisser protéger par ce doux éclat de sérénité qui enveloppait Evaëlle d'une couleur ambrée.

Etourdi, il était subjugué par la beauté de cette scène surréaliste.

Evaëlle, perdue dans un état second et dont le corps tout entier vibrait d'un pouvoir ancestral, captait des milliers d'informations. La nature même était en train de lui parler, de l'appeler à elle afin de lui transmettre tout son savoir. Au départ, elle enregistrait les variations d'humidité, de température, la richesse des sols sous ses pieds. Progressivement, elle ne faisait plus qu'un avec la forêt tout entière et découvrait la manière dont les arbres percevaient leur présence ; la sienne comme celle de son compagnon de voyage.

Les arbres possédaient une mémoire infaillible et avaient bel et bien reconnu Ric. Ils semblaient respecter profondément sa manière de s'accorder avec son environnement. Ils communiquèrent à Ev toute l'empathie qu'il leur accordait, jusqu'à ce qu'elle soit littéralement envahie par sa bienveillance. Une bienveillance qu'elle avait déjà ressentie lorsqu'il s'était occupé d'elle, malgré la fermeté qu'affichait son visage et la douleur de ses paroles. Les gestes eux, ne trompaient pas. Il y avait en cet homme une bonté authentique. Bouleversante.

Accueillie au plus profond du réseau végétal, Evaëlle s'enfonçait un peu plus dans un océan de bien-être. Elle eut l'impression d'être l'eau qui ruisselle sur les feuilles, s'écoule le long des troncs et pénètre le sol. La sève qui, aspirée par les racines, elles-mêmes enfouies dans une terre meuble, remonte immanquablement vers la cime pour capter le soleil. La brise qui caresse les feuilles et transporte les graines.

Soudain, les entrelacs de mycélium, déployés par les champignons, sous terre, captèrent le message qu'attendait la jeune femme.

Comme une claque, Evaëlle fut percutée par un désespoir immense. Elle reconnut immédiatement la signature magique du don d'Horen. Pourtant, loin de la joie qu'apportaient l'ensemble des messages qu'il lui avait transmis par la magie depuis son plus jeune âge, Ev se noya dans une violente détresse.

Eldric n'était plus qu'à quelques pas de la jeune femme lorsqu'il sortit de sa torpeur. L'aura qui éclairait les lieux venait subitement de changer de couleur pour tirer sur un bleu intense, d'une infinie tristesse.

Evaëlle grimaçait, comme torturée par une douleur qui nouait ses entrailles.

     - Evaëlle ? Ev ! s'inquiéta Ric en lui attrapant les épaules pour tenter de la faire revenir vers lui.

Le regard si lumineux de la jeune femme s'était terni, voilé par un chagrin qui transperçait le cœur de Ric. Paniqué, il attrapa ses mains pour les éloigner de l'arbuste mais il n'y parvint pas. Le temps paru s'étirer des heures entières sous ses yeux horrifiés. Il ne s'était pourtant écoulé que quelques minutes, tout au plus, depuis qu'elle avait planté la Pierre de Vie de sa grand-mère devant elle...