Chapitre 50

96 18 21
                                    


Eldric et Evaëlle s'étaient éclipsés rapidement. Complices, ils se retinrent tout de même de rigoler tant qu'ils n'avaient pas atteint une distance raisonnable. Alors, ils s'arrêtèrent au milieu de la rue pour se faire face et se coupèrent mutuellement la parole sans parvenir à s'exprimer, tant ils étaient passionnés par le comportement de Cahya et de son nouveau prétendant. Eldric s'excusa en gloussant et laissa Evaëlle jubiler fièrement :

— Eh bien ! Si l'on m'avait dit un jour qu'elle serait si troublée par le regard d'un homme, je n'y aurais pas cru !

— C'est-à-dire que...

— Ce Milo, tu le connais bien ? s'enquit-elle. Il est sérieux ?

— On ne peut plus sérieux, assura Eldric. Mais dis-moi, se pourrait-il que tu t'inquiètes pour Cahya ?

Evaëlle poussa d'une main le Faucheur de Dons pour qu'il cesse de la taquiner.

— Tu la considères comme ta sœur, n'est-ce pas ? demanda-t-elle d'un ton assuré.

— Bien sûr.

— Alors elle est la mienne aussi. Et je ne laisserai aucun autre homme que toi lui briser le cœur.

Evaëlle se retourna pour aller de l'avant sans attendre que son aimé n'ait assimilé l'ensemble de ses mots.

— Ev ! appela-t-il d'une voix résignée.

— Quoi ?

— Tu pars dans la mauvaise direction...

La jeune femme se retourna et arqua un sourcil afin de s'assurer qu'il ne riait pas d'elle. Comme il ne bronchait pas, elle finit par abdiquer et le rejoindre en secouant la tête.

— Tu aurais pu le dire plus tôt, souffla-t-elle alors qu'elle le rattrapait.

— Comme beaucoup d'autres choses...

L'Héritière Légitime ne releva pas. Elle attrapa les doigts du Faucheur de Dons et profita de leur promenade dans les rues de la capitale. Elle se remémorait les balades dans les bois qu'ils avaient fait ensemble il y a bien longtemps et qu'elle avait oubliées jusque-là. Si beaucoup de ses souvenirs lui semblaient éprouvés et éprouvants, elle se raccrochait à la présence presque constante d'Eldric dans sa mémoire. Il pouvait bien douter de la véracité de son amour, induit en trop grande partie par l'usage de son don sur son esprit, désormais, une certitude emplissait tout son être : à l'époque, déjà, il représentait énormément pour elle. Qu'aurait-elle pu ressentir pour lui s'ils ne s'étaient jamais quittés ? Sereine quant à la réponse à cette question, Ev mobilisa tout son conscient pour se rassurer elle-même. Ses sentiments étaient réels et puissants. Ainsi, même si on lui avait volé la force qu'elle avait à l'époque, elle en ferait sa force d'aujourd'hui. Une force décuplée par la volonté que leur avait offerte Soulheila. Une force impétueuse qui la mènerait tout droit vers son objectif : sa liberté et celle de ses futurs descendants.

Elle dû sortir de ses rêveries lorsque, très vite, Eldric lui fit signe de le suivre dans une rue adjacente un peu plus fréquentée. Ici, bouchers et boulangers se mêlaient à des artisans et artistes aux multiples talents : selliers, cordonniers, menuisiers, ébénistes ou encore potiers se disputaient un peu de place sur les pavés pour exposer leur savoir-faire avec une modeste vanité. Au détour d'un énième étale surchargé de marchandises, ils bifurquèrent pour entrer dans un bâtiment et montèrent directement jusqu'au second étage. Là, Eldric ouvrit la porte du logement qu'il avait promis à Cahya.

— Cet endroit n'a vu personne depuis bien longtemps, soupira Evaëlle en constatant la couche de poussière qui reposait partout autour d'elle, sauf quelques exceptions.

Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant