Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]

Chapitre 8

     - On n'aura pas besoin de bandage... commenta Evaëlle en écarquillant les yeux.
     - En fait, si, répondit Meera en lançant un regard appuyé au bras de la jeune femme. Mais pas pour lui.

La jeune femme n'en revenait pas. La brûlure présente un instant plus tôt dans la main d'Eldric avait complètement disparue. A la place, sa peau était belle, lisse, parfaite. Le jeune homme, allongé sur le sol, était toujours sous le choc mais respirait bien mieux.

Ev ne l'avait pas rêvée : cette plaie était immonde. Il suffisait de jeter un œil sur l'émeraude, couverte de chairs rougeoyantes, pour s'en assurer.

Le regard de la jeune femme oscilla plusieurs fois entre la pierre et la paume de main du jeune homme. Elle assemblait laborieusement les pièces du puzzle pour répondre à cette incohérence.

     - C'était l'amulette ? demanda-t-elle, véritablement curieuse.
     - Une amulette de guérison, oui. A n'utiliser qu'en cas d'extrême urgence.
     - Pourquoi ? hasarda Ev.
     - Ma fille, tu dois savoir que les pierres brutes ont toujours des effets secondaires, n'est-ce pas ? (Evaëlle acquiesça) Lorsque tu fais usage de leur magie, il y a toujours un prix. Il en va de même pour tous les objets magiques ici présents. On ne joue pas avec ces artefacts... Je me demande vraiment ce qui a pris à cet imbécile heureux d'attraper cette pierre à pleine main ! Il savait pourtant très bien qu'elle le rejetterait !

En effet, personne ne pouvait ignorer le fonctionnement même de la vie.

Chaque être humain, qu'il fût porteur ou non d'un don, possédait une âme représentée par une gemme. Après la mort, l'essence vitale se cristallisait sous une forme brute : une Pierre de Vie que seul un héritier de lignée directe pourrait manipuler. Une seule personne recevrait ce privilège : la personne dont l'esprit était le plus proche de celui du défunt... Celle dont l'âme vibrait à l'unisson ; d'une même aspiration.

Sous leur forme brute, et sous réserve que le défunt fût doué, ces cristaux contenaient un reflet du pouvoir de leur propriétaire. Une source de magie intense mais surtout très délicate à utiliser. Ses répercussions pouvaient être catastrophiques. Parfois tragiques.

Pour éviter tout incident, il était courant que les Pierres de Vie soient sculptées par un procédé magique. Cette action revenait à éteindre l'essence magique, qui ne pourrait plus jamais être exploitée. Dans certaines familles, les pouvoirs étaient tels qu'il était inconcevable de laisser accès à de telles sources de puissance. Rien que d'imaginer un peu ce qu'aurait pu faire la Pierre de Vie d'Ezelloth, le Destructeur, Evaëlle en avait la nausée. Heureusement, lorsqu'une lignée directe prenait fin sans descendance, toutes les pierres de la lignée disparaissaient avec. Le légendaire briseur de monde n'avait pas échappé à cette règle...

Des gemmes sculptées, Ev en avait déjà vu quelques-unes. Elles prenaient toutes les formes imaginables, mais gardaient toujours une symbolique forte en rapport avec l'âme qui les habitait.

Une fois taillées, ces Pierres devenaient de simples bijoux qu'il était normal d'exhiber. Plus rarement, l'on faisait également des ornements de pierres brutes, comme c'était le cas de l'émeraude d'Evaëlle. Les porter en public avait tendance à dissuader les badauds de s'approcher trop près. Risquer des embrouilles avec quelqu'un d'armé n'avait rien de très prudent.

En principe, les pierres brutes étaient rares car beaucoup trop instables. Prendre le risque de leurs effets secondaires était comme manier le couteau les yeux bandés. D'autant qu'on ne savait jamais à l'avance quel serait le prix de leur usage.

Tandis que Meera aidait Eldric, toujours transit de froid, à retirer ses vêtements pour pouvoir se sécher et le recouvrait d'un grand drap devant la cheminée, Evaëlle s'était écartée et s'obligeait à fixer l'ouverture donnant sur la cuisine. Il était hors de question qu'elle porte atteinte à sa pudeur en profitant d'un moment de faiblesse. N'en déplaise à ce sentiment très troublant d'attraction qu'elle semblait ressentir en sa présence. Cet homme était trop hostile, son attitude glaçante aurait dû suffire à la désintéresser complètement.