Chapitre 48

48 16 16
                                    



Sous une épaisse couche de neige — qui dégoulinait tant elle fondait sous les chauds rayons d'un soleil fraichement retrouvé —, les branches de splendides rosiers se révélaient aux yeux d'Evaëlle. Leurs fleurs avaient disparu depuis longtemps, bien sûr, mais les feuilles persistaient à s'étirer vers le ciel pour capter la lumière et grandir un peu plus encore. Des épines pointues, délicates autant qu'acérées, revêtaient une parure scintillante qui reflétait le monde : quelques perles d'eau les enrobaient fièrement. Ev ne savait pas vraiment où donner de la tête devant ce spectacle fantastique : ici, des milliers d'espèces végétales s'apprêtaient de fières lueurs, sous ses yeux. A cette époque de l'année, il était rare de voir leurs feuillages aussi bien conservés. Cela s'expliquait par le climat paisible, sobre, qui régnait habituellement au Palais d'Ondulys.

— Je n'ai jamais vu autant de neige ici, s'émerveilla Soulheila qui se tenait à côté d'elle.

Les deux jeunes femmes se baladaient dans les jardins depuis quelques minutes, et si l'une était ravie à l'idée d'observer à un même endroit autant de ces plantes qu'elle chérissait sans même les avoir déjà vues, l'autre savourait la beauté d'un lieu qu'elle redécouvrait tout de blanc vêtu.

— Je... Je voulais vous remercier, Votre Majesté, s'inclina Evaëlle.

Le silence entre elles était gêné et gênant, si bien que jusqu'à présent, aucune des deux n'avait osé le briser en convenances.

— Appelle-moi Soulheila. Je n'ai jamais voulu de ce titre, et en plus, c'est à toi qu'il revient.

Evaëlle haussa les épaules et eut un sourire qu'elle souhaita rempli d'empathie.

— Evaëlle, reprit la Reine. Je me doute bien que ces mots ne sauront défaire tout le mal que nous t'avons causé, les Maîtres des Légendes et moi-même, mais je souhaiterais m'excuser sincèrement auprès de toi et de l'ensemble de ta famille.

— Appelle-moi Ev. Je pense comprendre que les Maîtres ont eu sur toi l'emprise qu'ils espèrent avoir sur moi-même. Je ne peux pas te blâmer d'avoir voulu échapper à leurs odieuses manigances...

Soulheila se tourna vers la jeune femme aux yeux verts et attrapa ses mains entre ses paumes. Elles manquèrent de glisser l'une et l'autre sur la couche de neige détrempée qui maculait le sol et échangèrent quelques éclats de rire comme si elles avaient été amies depuis toujours.

— Ev, j'ai compris quelque chose, récemment. Toute ma vie, l'on m'a conté à quel point ton ancêtre, le Sixième Fils d'Azlyth et Siliero, avait été lâche et buté en s'effaçant du monde... Mais désormais, je pense sincèrement qu'il avait eu raison. Ondulys ne pouvait pas reposer sur ses seules épaules. Mon ancêtre s'est approprié un pouvoir qui n'aurait jamais dû être le sien, mais au fond, je suppose qu'il était important pour le peuple d'avoir un point de repère pour se reconstruire après la Destruction... Quoi qu'il en soit, il semblerait que les Maîtres des Légendes aient légèrement dévié de leur but premier et se soient pris au jeu maladif de la souveraineté...

— S'ils ont tous été comme ceux que j'ai eu le malheur de rencontrer, pouffa Evaëlle, leur jeu n'est pas le seul à être malade...

La Reine Soulheila esquissa un sourire rêveur. Elle se félicita que sa rencontre avec la jeune femme soit aussi simple et agréable. On lui avait dépeint la lignée du Sixième Fils comme une lignée fourbe et mesquine, mais Evaëlle en était loin. La jeune femme lui semblait naturelle et authentique et elle espérait s'en faire une amie, au delà d'une alliée.

— Les Maîtres des Légendes étaient persuadés que vous saviez que vous étiez les descendants légitimes des Protecteurs, avoua Soulheila.

— Nous n'en savions rien... Personne ne le savait, pas même les familles qui ont prêté cet espèce de serment à la nôtre. Apparemment, la seule information que possédait ma mère était qu'elle était descendante du Sixième Fils, mais elle ne s'est jamais doutée qu'il était celui qui était l'Héritier... Et puis, de ce qu'elle m'en a dit, ce savoir ne se transmettait qu'en même temps que les Pierres de Vie de nos aïeuls.

Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant