Chapitre 33

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L'auberge qu'Eldric avait choisie n'était pas très loin des écuries. Il aimait pouvoir surveiller et rendre visite régulièrement à ses chevaux pour s'assurer que tout allait bien, en particulier lorsqu'il voyageait avec Mylice. Il ne doutait pas qu'Isithril et Sunil ainsi que leurs palefreniers soient suffisamment aptes pour s'en occuper, mais il ne faisait confiance en personne d'autre que lui-même lorsqu'il s'agissait de sa jument. Aussi, étant donné le contexte, il valait mieux qu'ils puissent partir rapidement si le besoin s'en faisait sentir.

Evaëlle était toujours étonnée de l'accueil que l'on réservait à son compagnon de voyage. Eldric était connu et reconnu partout où il se rendait, et les gens semblaient lui témoigner une complaisance... pénible. Plus encore, ils regardaient la jeune femme comme quelqu'un de tout à fait insignifiant en sa compagnie, ce qui avait le don de la mettre mal à l'aise. Elle était une personne à part entière, et elle aussi avait quelques tours dans son sac pour se défendre sans son aide. Enfin, elle l'espérait.

La Grande Auberge de Dollevis, c'était son nom, était richement décorée. Evaëlle avait l'impression d'être entrée dans un véritable palais. De grands tapis tissés de motifs végétaux s'étalaient dans ses pièces et ses couloirs. Sur les murs d'une pierre lisse et brillante retombaient de somptueuses tapisseries qui représentaient ce que la région avait de meilleur à offrir. On y voyait l'explicatif du système d'irrigation qui encerclait toute la ville pour profiter aux plantations, mais aussi des techniques utilisées pour moudre les grains ou encore tresser des paniers avec les tiges des différents plans.

Evaëlle était émerveillée. Elle trouvait la décoration un peu alambiquée mais elle n'était pas déplaisante pour autant. Elle qui aimait la nature, elle ne pouvait qu'apprécier les arts qui la mettaient si bien en valeur. Cependant, elle fut frappée par le nombre complètement grotesque de couloirs à traverser avant de rejoindre la grande salle à manger. Avant d'y arriver, ils avaient été accueillis par une hôtesse extrêmement sympathique qui avait salué Eldric comme son meilleur client et avait proposé que l'on monte ses affaires à sa chambre. Sympathique, si l'on oubliait le fait qu'elle aussi avait presque ignoré Ev. En remarquant son dédain, il s'était empressé de le faire remarquer, plus ou moins poliment. Son ton était cassant :

— Je suis accompagné et j'entends que vous fassiez preuve de politesse envers mon amie. Vous monterez nos affaires dans ma chambre habituelle.

Il s'était un instant demandé s'il ne valait pas mieux qu'ils dorment dans des chambres séparées. Mais depuis le temps, rester en sa présence lui semblait complètement naturel. Evaëlle n'avait pas eu l'air de s'en plaindre. De toute manière, la suite qu'il occupait était immense et il y aurait bien assez de place sur les fauteuils pour qu'il dorme confortablement en lui laissant le lit. Au moins, si quoi que ce soit devait arriver à Dollevis et si l'on s'en prenait à eux, ils seraient déjà l'un avec l'autre pour réagir.

L'hôtesse avait détaillé Evaëlle des pieds à la tête, feignant l'indifférence. Mais elle avait fini par les escorter jusqu'à la salle de réception, attenante aux cuisines. Ici, la décoration était plus luxuriante encore, presque chichiteuse. Toutes les tables étaient équipées de portes bougies sur de petits napperons crochetés à la main. Des chemins de table brodés traversaient le bois ancien qui avait été poncé et très joliment vernis. Les dossiers des chaises étaient sertis de rivets de métal qui ajoutaient une note pittoresque à l'ensemble. Enfin, des tableaux bucoliques étaient encadrés de dorures sur les hauts murs de la pièce. On eut dit qu'il aurait suffi de tendre la main pour suivre les chemins qu'ils dessinaient entre de magnifiques prairies.

Le repas qu'on leur servit était d'un réconfort extrême. Une viande en sauce et de jolis légumes de saison juste cuits, encore croquants. Evaëlle eut l'impression d'être Meera lorsqu'elle engouffra les cuillers, comme si elle n'avait rien mangé depuis des mois. Elle s'avisa qu'on la regardait étrangement et ralentit un peu le rythme, sous le regard amusé d'Eldric qui prenait tout son temps pour pouvoir l'observer. Il l'avait connue difficile à nourrir, et il était vraiment heureux de voir qu'elle prenait de la force.

Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant