Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]

Chapitre 14

Soucieuse de ne pas faire de scène en public au milieu de villageois dont elle ne connaissait rien, mais qui appréciaient, tous, particulièrement Ric, Evaëlle le traîna jusqu'à la maison. Du moins, elle se servit sans réserve de son bras comme second appui, pour ne pas avoir à poser la jambe au sol.

Eldric hésita un moment à la porter mais imaginait déjà le venin de Cahya si elle le voyait. Elle, s'était faufilée à une vitesse folle, si bien qu'il n'avait pas pu la rattraper pour la réprimander. Décidément, elle lui causait bien des problèmes. Il se demanda un instant à quel moment la situation avec elle lui avait échappée. Mais aussi loin qu'il s'en souvint, elle avait toujours été très possessive avec lui...

Ils traversèrent la grande place sous les yeux interloqués des passants. Il n'était pas anormal que Ric aide Evaëlle à marcher. Les villageois les avaient suffisamment vu se déplacer ensemble depuis son arrivée... Non, ce qui les dérangeait vraiment ne venait pas de là. C'était plutôt l'aura noire, intense, qui entourait la jeune femme. Elle dégageait ce petit quelque chose d'oppressant. Ce sentiment de mal être absolu. Cette colère que rien ne pourrait arrêter. L'orage qui grondait à en faire vibrer le sol...

Presque en apnée, Ev tentait d'aligner ses idées dans un ordre bien précis et se répétait mille fois les mots qu'elle ne voulait surtout pas oublier de dire. Elle en avait un sac entier à vider et espérait bien le faire dans les règles de l'art. Elle savait très bien qu'ils ne sortiraient finalement pas comme elle le souhaitait, mais elle ferait tout pour qu'Eldric prenne conscience de tout ce qu'elle entendait expliquer.

Son inspiration saccadée eut du mal à s'apaiser, même après avoir atteint l'entrée de la maison et qu'Eldric ait refermé la porte.

Penaud, il cherchait lui aussi ses mots pour s'assurer de ne pas trop en dire. Les conséquences seraient trop grandes. Meera aurait sa peau !

     Quelle maudite situation...

Il avala douloureusement sa salive en approchant la jeune femme d'une des chaises. Elle refusa de le lâcher. Au lieu de cela, elle le fixait avec un regard voilé d'incertitudes et d'amertume.

     - Ev... commença Eldric. Tu devrais t'asseoir...
     - Non ! Toi, assis-toi ! hurla-t-elle.

Ev était tellement énervée qu'elle en tremblait. Prête à faire sauter les digues de sa fureur. Elle qui n'était pourtant pas violente, elle aurait été capable de tout retourner sur son passage. Les pensées se précipitaient dans sa tête et elle n'était pas sûre de tirer sur le bon bout. Pire encore, elle ne savait pas trop à qui en vouloir. Ou plutôt, elle ne savait pas vers qui diriger le plus gros de sa rage.

Elle prit le temps de respirer pour parvenir à parler. Se déchaîner ne servirait à rien... même si c'était tentant...

     - Assis-toi ! aboya-t-elle de nouveau, les yeux emplis de larmes de colère.

Eldric restait là, à quelques centimètres d'elle, stoïque. Il ne savait pas réellement comment réagir à tout cela mais refusait d'obéir à cet ordre. Voir Evaëlle dans cet état le brisait complètement mais ne ressemblait à rien de ce qu'il aurait pu imaginer. Elle avait toutes les raisons du monde d'exploser, mais son comportement dénotait tellement avec ce qu'il avait connu d'elle... qu'il était incapable de riposter. Alors que les deux poings de son amie d'enfance se levaient au-dessus de lui pour s'abattre sur son torse dans un cri furieux, il s'avança plus près d'elle encore.

Surprise par son comportement, elle tenta de se souvenir de la bienveillance dont il avait plusieurs fois fait preuve à son égard. Sa froideur et sa distance, aussi.