Chapitre 20

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     Chère Alzae, je n'oublierais jamais la confiance que tu m'as accordée et l'amitié que tu m'as offerte. Prends bien soin de toi. Puisse Azlyth et Siliero nous permettre de nous rencontrer à nouveau.

Choqué, chancelant, Eldric attrapa ses cheveux de son poing et marmonna des jurons. En milieu de matinée, l'esprit et le cœur encore embrumés par les alcools offerts par Rufus pour le mariage de son meilleur ami, une angoisse profonde serrait ses entrailles. Prête à les broyer, elle s'immisçait dans chaque parcelle de son être pour ronger le peu de lucidité qu'il lui restait.

     - Elle est partie, constata-il tout haut. Mais... Pourquoi ?!

Les yeux rivés sur la lettre manuscrite qu'Ev avait déposée sur la table de sa maison, Ric interrogeait le silence. Si son lien était fiable, son départ datait au moins du milieu de la nuit. Peut-être un peu plus tôt. L'estimation était complexe. Il était tombé comme une souche sans même s'en rendre compte et s'était réveillé dans la paille de l'étable qui jouxtait la place du village... Quand il se concentrait, Evaëlle semblait déjà loin. Il n'était pas sûr que son genou soit dans un état suffisamment bon pour qu'elle parvienne à se déplacer vite : elle était sans doute partie depuis la veille au soir. Il farfouilla dans sa mémoire pour tenter de se souvenir à quel moment il l'avait vue pour la dernière fois. Impossible. La liqueur de sapin était sans doute de trop. Comment n'avait-il pas pu remarquer plus tôt son départ ? Il se jura de ne plus jamais boire. Enervé, un brin frustré par cette découverte, il referma la porte de la maison avec hâte pour courir en direction du nouveau foyer des jeunes mariés. Il toqua frénétiquement à leur porte, désemparé.

     - Oui, oui ! On arrive... C'est bon, stop... grognait Saule en descendant les escaliers.

Eldric entendait le bois des marches craquer sous ses pas. Derrière, un son plus étouffé le suivait. Lorsque le battant de bois s'ouvrit, Ric baissa la tête pour ne pas regarder ses deux amis, embêtés et emmitouflés dans leurs draps.

     - Euh... Désolé... Pardon, mais... bafouilla-t-il sans trouver ses mots.
     - Doucement, mon frère, tempéra Saule en remarquant sa détresse.
     - Alzae... Evaëlle a laissé une lettre pour toi, lâcha Eldric en lui tendant la missive.

La jeune femme blonde, interloquée, se pencha en avant pour attraper la feuille de papier jaunie et cligna plusieurs fois des yeux pour parvenir à lire malgré sa fatigue. Elle sursauta après un court silence, surprise par ce qu'elle lisait.

     - Elle est partie ? s'inquiéta-t-elle en posant une main sur le bras de Ric.
     - Quoi ? demanda Saule en s'écartant. Evaëlle est partie ?!
     - Et elle est déjà loin... avoua Ric, penaud.

Les deux époux se regardèrent, pas certains de la réaction à adopter. Alzae osa demander :

     - Que s'est-il passé ? Et toi, elle ne t'a rien écrit ?
     - Rien du tout, chuchota le jeune homme, blessé. Elle n'a rien laissé d'autre, elle n'est juste plus là. Je ne comprends pas...

Il tira ses cheveux en arrière, une lueur infiniment triste voilant son regard.

     - Que vas-tu faire ? lui demanda Saule.
     - Je vais la suivre... Je ne peux pas la laisser partir seule. Pas dans cette direction !
     - Où va-t-elle ?!
     - Droit dans la gueule du loup... Elle file en direction du Premier Continent !

Les visages de ses amis devinrent livides. Avant même qu'ils n'aient pu offrir d'aider d'une quelconque manière, le jeune homme se précipitait déjà en direction de la place du village, tendu. Il leva un bras en l'air, sans se retourner, pour les saluer.

Ondulys, Tome 1 - Les Souffleurs de Nuages [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant