3° Courses, attestations et peluche

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Chapitre 3.

🏐🌸🍙

— Tu as imprimé les attestations ? demanda Akaashi qui enfilait son manteau.

Un grognement las lui répondit.

— Mais Keiiiji ! Si on veut manger on a qu'à commander ! On n'est pas obligés de faire les courses !

— Comme tu voudras. Si tu veux ressembler à une balle de volley et ne plus être capable de faire autre chose que de rouler, libre à toi.

Bokuto ouvrit la bouche et la referma aussitôt. Une lueur de doute passa devant ses prunelles enfantines.

— Alors ? insista le passeur qui venait d'enrouler son écharpe bordeau autour de son cou, comme s'il connaissait assez son capitaine pour savoir qu'il avait réussi à le faire changer d'avis.

— J'imprime les attestations.

Akaashi sourit, satisfait. Deux sacs de courses dans les mains - qu'il avait trouvé sous le lit de son hôte, allez savoir ce qu'ils faisaient là - il attendit patiemment que Kotaro finisse de se préparer pour y aller. Si un air enchanté se lisait sur le visage de Keiji qui était pressé de remplir le frigo et les placards pour tout réorganiser, Kotaro était visiblement nettement moins enjoué. Il aurait voulu passer la journée à flâner dans son lit, mais son nouveau colocataire avait d'autres projets, pour son plus grand dam.

— Tu peux aller me chercher du lait ?

Bokuto lui jeta un regard de veau mort. Avachi sur le caddie qu'il semblait pousser à grande peine, il n'avait décidément pas l'air déterminé pour aller lui ramener quoi que ce soit.

— J'y vais, marmonna-t-il à contre-coeur.

— Ça te dit d'aller faire des passes cette après-midi ?

Keiji avait balancé ça naturellement, telle une banalité que l'on sort pour amorcer une conversation. Mais il savait que l'effet que produirait ces mots sur son vis à vis serait loin d'être anodin. Sourire jusqu'aux oreilles, Bokuto le regarda avec des étoiles dans les yeux.

— Bien sûr que ça me dit ! Yooosh ! Je suis remonté à bloc ! Je vais te ramener le lait en moins de deux, hey hey hey !

Il venait de partir telle une fusée en direction du rayon produits laitiers. Un sourire nostalgique naquit sur les lèvres du passeur, qui tenait sa liste d'un air rêveur. Ça faisait du bien de retrouver son capitaine.

De son côté, il passa au rayon fruits et légumes afin de rendre l'alimentation de son hôte un peu plus saine. Si Keiji était aussi doué en cuisine que pour l'entretien d'une maison, c'est parce qu'il avait été longtemps seul chez lui, délaissé par ses parents qui se levaient tôt et rentraient tard le soir. Il avait alors rapidement dû apprendre à se débrouiller seul, et ça commençait par apprendre à réchauffer un plat à l'âge de six ans et savoir se faire des pâtes à l'âge de huit ans.

Certains pouvaient le plaindre de ne pas avoir eu d'enfance heureuse avec des parents présents. Néanmoins, Akaashi n'en voulait pas à ses géniteurs. Étant tous les deux médecins, il comprenait qu'il était très important pour eux d'être là pour leurs patients. Il aimait la solitude, il aimait lire des BD tard le soir dans son lit, où jouer tout seul dans son coin. Et puis, comme il aimait le dire, cette situation avait au moins eu le mérite de lui donner de l'expérience pour entretenir un foyer.

Le confinement n'avait donc pas changer grand chose à son quotidien. Ses parents, en tant que personnels soignants, rentraient toujours aussi tard et se levaient toujours aussi tôt. Le seul point négatif était qu'il ne pouvait plus pratiquer le volley, et c'était selon lui la seule ombre au tableau.

— Keiiiji ! Regarde ce que j'ai trouvé ! Tu trouves pas qu'il me ressemble ?

Bokuto venait de revenir avec un caddie vide, sans la moindre trace de brique de lait, et plaquait sous le nez de son passeur un hibou en peluche. Akaashi ferma les yeux. Il ne savait pas s'il devait rire ou pleurer. Il avait simplement envoyé Kotaro chercher du lait, et voilà qu'il lui ramenait un volatile pelucheux. Il pouvait s'y attendre de la part de son capitaine à la mentalité d'un enfant de cinq ans, mais quand même.

— Où est le lait ?

— Le lait ?

Il écarquilla les yeux, comme s'il venait de se rappeler pourquoi il était parti déambuler dans les rayons avec son caddie.

— Merde le lait ! J'ai zappé ! Mais c'est la faute du hibou, il m'a déconcentré ! Regarde, c'est mon portrait craché !

Akaashi devait bien admettre qu'il y avait un air de ressemblance. Les plumes blanches qui ornaient sa tête était désordonnées et son bec entre-ouvert lui donnait l'air d'être à l'ouest. Il secoua la tête en réalisant qu'il venait sérieusement de faire ce que Kotaro attendait de lui.

— Dis, on peut le prendre ?

Ouais, Akaashi l'avait senti venir, celle-là.

— Seulement si tu vas me chercher le lait.

— Tout de suite hey hey hey !

Il détala aussi vite que la dernière fois. Akaashi croisa les doigts pour que cette fois-ci, Bokuto ne lui ramène pas une chouette en peluche qui lui aurait fait penser à sa tête.

Heureusement, Kotaro ne se laissa pas avoir deux fois par les yeux doucereux des doudous du rayon enfant, et garda la tête froide jusqu'à atteindre son objectif. Après une quinzaine de minutes supplémentaires à errer dans le supermarché, Keiji décréta qu'ils avaient assez de provisions pour tenir la semaine et se rendit en caisse pour payer.

Il était en terminale, mais ça faisait déjà deux ans qu'il avait une carte bleue. Ses parents le savait autonome et responsable, ils n'avaient aucune inquiétude quant aux dépenses de leur fil, ils savaient qu'il n'abuserait pas de leur argent. C'est pourquoi ils avaient accepté qu'il déménage chez Bokuto le temps du confinement, ils connaissaient assez bien leur progéniture pour ne pas douter de lui. Keiji savait ce qu'il faisait. Au moment des séparations, ils lui avaient simplement annoncé qu'ils allaient veiller à ce que son compte bancaire ne manque pas d'argent.

— Ça fera quarante-six euros et trente centimes.

— Par carte s'il vous plaît.

À côté, Bokuto sautillait sur place, un sac dans chaque main, pressé de rentrer et de se mettre à jouer au volley. Dire que ça lui avait manqué aurait été un euphémisme. En tout cas, son enthousiasme faisait plaisir à Akaashi. Savoir qu'il pouvait contribuer au bonheur de son capitaine ne le laissait pas de marbre. Et puis, il devait avouer qu'à lui aussi, ça lui avait manqué de ne plus faire de passe à l'ace de l'équipe.

Chocolat et sauce piquante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant