14° Malaise, tiramisu et chantilly

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Chapitre 14.

🏐🌸🍙

— Bon appétit !

— Bon appétit.

Bokuto n'avait jamais été aussi gêné de sa vie, il se demandait si Akaashi ressentait la même chose. Il lui jeta un coup d'œil discret. Heureusement, il semblait savourer son plat sans avoir remarqué son embarras. Il trouvait pourtant l'atmosphère étrange... Il aurait voulu qu'elle soit romantique, mais elle était surtout pesante. Il espérait de tout son cœur que Keiji ne le perçoive pas.

— C'est très bon.

— Merci !

Il était clair que l'ambiance n'était pas comme d'habitude. Aucun des deux ne semblait à l'aise. Kotaro était stressé: c'était censé être un dîner à La Belle et le Clochard, mais aucune spaghetti ne semblait relier leurs assiettes. Il voulait se déclarer; ce dîner aurait dû lui dégager une occasion pour ouvrir son cœur à Keiji, mais un sentiment de malaise les enveloppait tous les deux, bien qu'ils n'en laisse rien paraître.

Akaashi avait beau manger normalement et faire de son mieux pour conserver son expression faciale habituelle, à l'intérieur, il était complètement déboussolé. Ils se posaient un milliard de questions: à quoi jouait Kotaro ? Pourquoi avoir organisé ce dîner ? Était-ce seulement pour le remercier ? Avait-il conscience des espérances que ce repas suscitait en lui ?

En voulant trop bien faire, Kotaro s'était mis la pression tout seul, en plus de mettre également la pression à Akaashi qui se demandait à quoi pouvait bien rimer cette mise en scène. Ils mangeaient en silence, dans le calme. En apparence, ça avait l'air d'un banal dîner entre deux adolescents fatigués de leurs journées. Mais c'était un tout autre spectacle qui se jouait dans leurs têtes. Keiji se posait tellement de questions qu'il avait l'impression qu'elles allaient finir par déborder et les ensevelir tous les deux, tandis que Bokuto se faisait tellement de films sur la suite des événements et sur comment il pourrait rectifier le tir pour sauver leurs soirées qu'il allait finir par crouler sous les scénarios et être paralysé par tous les choix possibles.

— Euh... T'en revoudras ? demanda Kotaro.

Le silence commençait sérieusement à lui peser, il aurait pu dire n'importe quoi pour y mettre un terme.

— Non merci.

— J'ai, euh, j'ai aussi fait quelque chose pour le dessert.

Keiji haussa les sourcils, réellement surpris. Il avait apprécié les spaghettis bolognaises, il ne s'attendait pas à ce que Kotaro ait également fait l'effort de préparer un dessert. Son attitude était décidément de plus en plus étrange, Keiji n'arrivait pas à cerner ses intentions...

Tandis qu'il l'observait en plissant les yeux, Bokuto ouvrit le réfrigérateur pour en sortir ses deux verrines de tiramisus.

— C'est quoi ? questionna Keiji lorsque Kotaro déposa la verrine devant lui.

— Du tiramisu. Bon, je ne l'ai sûrement pas aussi bien réussi que toi, mais, mais j'espère qu'il te plaira quand même !

Akaashi saisit sa cuillère du bout des doigts, et la planta dans le tiramisu comme s'il s'apprêtait à manger un yaourt au parfum originale, comme pêche-kiwi ou fraise-banane. Il apporta le bout de biscuit cuillère recouvert de chantilly saupoudrée de cacao à sa bouche, et le mâchant lentement, comme s'il cherchait à en ressentir toutes les saveurs. Il voulait savourer au maximum tout ce que Bokuto faisait pour lui.

— C'est délicieux.

Akaashi aurait pu jurer que des étoiles venaient d'apparaître dans les pupilles de son hôte.

— C'est vrai ?! Si ça te plaît je suis prêt à t'en faire tous les jours hey hey hey !

— Ça risque de devenir écœurant si on en mange tout le temps. Mais je ne dis pas non pour en manger une fois par semaine, se rattrapa Keiji en se rendant compte que sa précédente réponse avait blessé Kotaro.

Les étoiles se rallumèrent dans ses yeux.

— Ça marche !

Bokuto ne se déclarerait pas, ou du moins, pas maintenant.

Ce n'était pas parce qu'il s'était dégonflé, ou parce que la peur de se prendre un râteau l'empêchait de faire le premier pas. Il sentait tout simplement que ce n'était pas le bon moment. Il avait voulu créer une ambiance romantique, mais c'était râpé. Akaashi était mal à l'aise et se demandait ce qui se passait. Il n'aurait pas dû essayer de provoquer le bon moment pour se déclarer, et Kotaro venait de comprendre son erreur.

Leur relation était naturelle, et forcer les choses était inutile dans leur cas. Au contraire même, il fallait laisser le temps à leur relation pour évoluer d'elle-même. Aucun des deux ne s'en rendaient vraiment compte, mais inconsciemment, ils flirtaient. Les petits piques qu'ils se lançaient de temps en temps et les sourires qu'ils s'adressaient n'étaient pas tout à fait innocents. Ils se draguaient. Maladroitement, certes, mais tous deux cherchaient à capter l'attention de l'autre, à tâter le terrain.

Ils finiraient par se rapprocher et s'avouer leurs sentiments, tôt ou tard. Il fallait juste leur laisser le temps.

— Dis-moi, Kotaro...

— Hm ?

Ils venaient de finir leur dessert. Bokuto débarrassa, tandis que Keiji restait à table, pensif.

— Il n'y avait réellement pas de raison  particulière à ce dîner ?

Kotaro sourit. C'était sûrement le bon moment pour tout lui avouer. Lui dire ce qu'il avait sur le cœur, pourquoi il s'était donné tant de mal pour lui cuisiner un bon petit plat, lui qui rechignait toujours à faire les tâches ménagères. Le problème, c'est que l'envie de se déclarer l'avait quittée. Il avait l'impression que ce dîner n'avait été qu'un artifice, un moment factice qui n'avait que pour but d'amadouer Keiji avec des petites intentions et d'en profiter pour lui parler d'amour.

Il n'avait pas envie que sa déclaration se fasse dans ces conditions. Il ne voulait pas que sa déclaration soit associée à ce repas gênant et maladroit. Non, il avait retenu la leçon. Il allait laisser tomber les conseils débiles d'internet et les vidéos YouTube pour apprendre à séduire. Il ne fallait pas qu'il se presse. Il allait attendre le bon moment, naturellement, sans rien précipiter. Parce que ça avait toujours été ainsi entre eux deux.

— Aucune. J'avais juste envie de te faire plaisir ! répondit-il.

Akaashi s'empressa de tourner la tête à l'opposé de Kotaro, espérant ainsi cacher les rougeurs qui s'emparaient de ses joues. Bokuto ricana, pensant qu'il l'avait embarrassé. Il fit la vaisselle le coeur léger, il se sentait enfin libéré d'un poids. Il allait arrêter de se prendre la tête, il n'avait de toute façon pas besoin d'artifices pour plaire à Keiji.

Chocolat et sauce piquante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant