18° Nutella, couple et confiance

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Chapitre 18.

🏐🌸🍙

— Celle-là, je sens qu'elle va être belle ! s'exclama Kotaro en faisant sauter une crêpe.

Keiji le regardait faire depuis la table de la cuisine, le sourire aux lèvres. Après en avoir raté quelques-unes qui avaient fini soit au plafond tant Bokuto ne mesurait pas sa force, soit par terre tant Bokuto pouvait être maladroit, il avait fini par retrouver ses marques et faisait désormais sauter les crêpes comme un professionnel. Dans une assiette ronde se dressait une pile de crêpes qui ressemblait de plus en plus à la tour de Pise.

— Regarde celle-là Keiiiji ! Elle est parfaite !

— Effectivement.

Il la rajouta sur la pile et vida une dernière fois le fond de la pâte à crêpe dans la poêle. Keiji sortit la confiture du frigo ainsi que le Nutella du placard. Lorsque la dernière crêpe fut prête, Kotaro déposa la poêle dans l'évier et vint rejoindre Akaashi à table. Il avait des étoiles dans les yeux en contemplant leur chef d'oeuvre. Pour un peu, il en aurait la bave aux lèvres.

— Bon appétit ! s'exclama-t-il en ouvrant le pot de Nutella.

— Bon appétit.

Kotaro mangeait vraiment comme un enfant: il mettait du Nutella partout et engloutissait sa crêpe en deux ou trois bouchées. Akaashi n'était même pas arrivé à la moitié de sa crêpe à la confiture que Bokuto en entamait déjà une deuxième.

— Au fait, se rappela Keiji. C'est bientôt la fin du confinement...

— Hm ? Oui, et ?

— Il va falloir que je rentre chez moi.

Kotaro toussa, il venait de s'étouffer avec un morceau de crêpe. Ce qui n'étonna pas Akaashi étant donné la vitesse à laquelle il mangeait.

Celle-là, Bokuto ne l'avait pas vu venir. Mais Keiji avait raison: le confinement touchait à son terme, il n'avait plus aucune raison de rester enfermé dans ce trente-deux mètres carrés. Il allait pouvoir retrouver son chez-lui et ses parents à qui il ne téléphonait pas plus d'une fois toutes les deux semaines. Les revoir lui ferait sûrement plaisir. Kotaro allait quant à lui pouvoir retrouver le bonheur de la vie d'appartement en solitaire. Il allait pouvoir se lever à l'heure qu'il voulait, manger ce qu'il voulait, laisser traîner ses affaires s'il le voulait.

Il allait même pouvoir revoir ses amis. Il pourrait inviter Tetsurou et Kozume pour jouer à des jeux vidéos, ou reprendre ses parties de volley improvisées avec Shôyô, Tobio et Kei. Cette perspective aurait dû lui donner le sourire, mais il n'arrivait pas à se réjouir du départ d'Akaashi.

— Tu pars quand ? fut la seule phrase que Kotaro réussit à articuler.

Il voulait lui demander de rester, mais les mots étaient bloqués dans sa gorge. Ses journées seraient bien moins amusantes sans Keiji pour lui tenir compagnie. Ils avaient été confinés presque trois mois ensemble, et tout s'était bien passé, alors pourquoi toujours mettre fin aux bonnes choses ? La fac qu'ils avaient choisie étaient à trente minutes à pieds de son immeuble, ils pourraient tenter une colocation.

Il aurait aimé lui dire tout ça. À la place, il se contenta de fixer la pile de crêpes qui lui paraissaient désormais bien fades.

— Dans une semaine, je pense.

— Je vois...

— Tu penses pouvoir survivre sans moi ? le taquina Akaashi.

Ce n'était qu'une plaisanterie, mais Kotaro se mit sérieusement à réfléchir à la question. Il s'était pourtant bien débrouillé tout seul pendant des mois, mais maintenant qu'il avait pris l'habitude d'être avec Keiji, il ne se voyait plus vivre sans lui. Qui serait derrière lui pour le motiver à faire les tâches ménagères ? Qui serait là pour faire la cuisine et l'empêcher de se nourrir exclusivement de malbouffe ? Qui serait là pour le rassurer de ses cauchemars et le soulager de ses insomnies ?

Et surtout, qui serait là pour l'empêcher de déprimer ?

— Mais je te préviens: si je reviens et que c'est le même bazar que la dernière fois, je te fais nettoyer le parquet avec la langue et je te fais ranger avec les mains attachées derrière le dos.

— Quand tu reviendras, l'appartement sera tellement nickel que tu pourras y voir ton reflet.

Akaashi sourit et reprit une autre crêpe avant d'y étaler une bonne cuillère de confiture. Bokuto le suivit en engloutissant une nouvelle crêpe au Nutella avec rage.

Il avait envie de se frapper. Depuis quand était-il devenu aussi défaitiste ? Il ne fallait pas qu'il se laisse abattre par le départ de Keiji, ce n'était sûrement pas ce que voulait son passeur. Il allait le rendre fier de lui. Il était temps qu'il se bouge et qu'il se reprenne sérieusement en main sans avoir besoin de l'aide d'Akaashi. Ce ne serait pas bon pour leur couple qu'il devienne dépendant. Alors il allait lui montrer qu'il pouvait très bien se débrouiller sans lui. Il allait lui montrer qu'il était stable et qu'il pouvait avoir confiance en lui.

Il allait lui montrer qu'il ferait tout pour faire durer leur relation, en commençant par ranger sa flemme au placard.

— N'en mange pas deux à la fois, tu vas t'étouffer ! rit Keiji en voyant Kotaro essayer d'avaler deux crêpes au Nutella en même temps.

— Un ca'i'aine ne 'ecule pas de'ant un défi !

Non sans mal, Bokuto finit par triompher en réussissant à faire disparaître les deux crêpes dans sa bouche. Akaashi secoua la tête, habitué à ses défis dignes d'un enfant de six ans.

— Il en reste une dernière, tu la veux ? demanda Keiji.

— Non, je te la laisse.

Akaashi ne se fit pas prier. Il savoura cette crêpe comme si c'était la dernière qu'il mangerait de toute sa vie. Après tout, c'était rare que Bokuto laisse son estomac insatiable de côté pour faire plaisir à quelqu'un. C'est pour ça que Keiji dégusta cette crêpe: il voulait graver sa saveur dans sa mémoire pour se rappeler du geste de Kotaro. C'était ce genre de petit geste qui n'avait l'air de rien en apparence mais qui procurait pourtant le plus de bonheur. Ce n'était qu'une crêpe, mais la lui laisser montrait que Kotaro tenait plus à lui qu'à son propre plaisir.

Chocolat et sauce piquante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant