6° Larve, chocolat et sauce piquante

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Chapitre 6.

🏐🌸🍙

— Mets-y un peu du tien Keiiiji ! Ça va être drôle tu vas voir !

— Je ne vois pas en quoi risquer de casser un carreau pourrait être amusant...

Ça faisait quelques jours maintenant qu'il pleuvait des cordes sans interruption. Déjà que Bokuto supportait mal de ne sortir qu'une heure par jour, alors si en plus on le privait de son entraînement quotidien  de volley en plein air, il n'allait pas tenir longtemps avant de replonger dans une déprime. Et Akaashi était prêt à tout pour éviter ça.

Il n'avait donc pas beaucoup réfléchi avant d'accepter la proposition de Bokuto. Cependant, maintenant qu'ils passaient réellement aux choses sérieuses, il regrettait de ne pas avoir pris plus de temps pour analyser sa demande.

Puisqu'ils ne pouvaient pas sortir jouer à l'extérieur, Kotaro avait proposé de s'entrainer à l'intérieur. C'était une idée foireuse, Keiji le reconnaissait. Il s'était dit qu'ils n'avaient rien à perdre à tester, qu'ils n'avaient qu'à y aller doucement. Il n'avait simplement pas pris en compte le fait que le mot «doucement» ne faisait pas parti du vocabulaire de son capitaine qui venait de smasher la balle en plein sur la lampe de son bureau.

— Merde !

Akaashi observa Bokuto la ramasser. Il s'assura que l'ampoule n'était pas cassée avant de la remettre à sa place. Ses mouvements maladroits faisaient penser à ceux d'un enfant qui voulait réparer sa bêtise avant que ses parents ne la voie. Akaashi plissa les yeux, l'air blasé. Il fallait absolument qu'il détourne l'attention de Kotaro.

C'était samedi, ils n'avaient donc pas de cours en ligne. Ils venaient d'apprendre qu'ils ne passeraient pas le bac cette année, et qu'il leur suffisait d'avoir eu dix de moyenne toute l'année pour ne pas aller au rattrapage. Tous les deux avaient leur diplôme en poche, ils s'étaient donc bien relâchés au niveau des cours. Ils avaient sans doute des devoirs, mais ni l'un ni l'autre n'était réellement motivé à les faire.

Pour distraire son hôte, Akaashi devait trouver une activité originale et calme qui n'impliquerait pas un ballon de volley.

Regarder un film ? Non, ils se faisaient des marathons de films et de séries tous les soirs, aucun des deux n'avaient envie de rester affalé sur le canapé plus longtemps. Jouer à un jeu vidéo ? Pareil, ils commençaient se lasser. Cuisiner ? Cette activité convenait à Akaashi, mais pas sûr que Bokuto soit très emballé à l'idée de concocter une blanquette de veau ou des cup cakes à la fraise. Quoique... Il avait la maturité d'un enfant de sept ans, alors peut-être que Keiji réussirait à le convaincre s'il choisissait les bons mots.

— Et si on cuisinaient quelque chose pour le goûter ?

Le passeur se pinça les lèvres. Il aurait dit exactement la même chose s'il s'était adressé à un môme en maternelle.

— Flemme. On n'aura qu'à manger le reste de Granolas, répondit Bokuto en s'étalant sur son lit.

— On n'a plus de Granolas.

— Quoi ?! Mais c'est la fin du monde, comment est-ce qu'on va survivre Keiiiji ?!

Ça avait été dit sur un ton tellement dramatique qu'on aurait pu croire à une plaisanterie si le visage de Bokuto n'avait pas été aussi paniqué. Akaashi était à deux doigts de parvenir à ses fins, convaincre Kotaro serait désormais un jeu d'enfant.

— Eh bien, on va en course demain, mais en attendant il nous reste toujours les ingrédients nécessaires pour faire un gâteau...

— Nous sommes sauvés ! Tu vas faire quoi comme gâteau ? Un gâteau au chocolat ?!

Tu ? Ah ça non, il était hors de question qu'Akaashi s'y colle tout seul. L'idée de lui faire plaisir avec un bon petit plat cuisiné avec amour ne lui était pas désagréable, mais il n'avait aucune envie de s'activer en cuisine tandis que Bokuto continuerait de se lamenter sans rien faire, avachi sur son lit telle une grosse larve apathique.

— Pas moi. Nous, rectifia-t-il.

— Hmm... Alors on fait un gâteau au chocolat !

— Si tu veux.

Enfin, ils allaient pouvoir faire quelque chose de leur samedi après- midi. Akaashi devait bien avouer que le confinement commençait également à lui peser. Une heure de sortie par jour, c'était définitivement trop court. Il n'était pas contre l'ennui, s'ennuyer un peu de temps en temps pouvait être bénéfique. Mais passer trop de temps à rien faire finit par nous rendre flemmard et amorphe. Et Keiji n'avait aucune envie de ressembler à la larve que Bokuto serait s'il n'était pas là pour le motiver à bouger.

— Tu crois que ça sera bon si on ajoute un peu de sauce piquante dans le gâteau ?

— Non. Et je te défends d'en mettre dedans.

— Ah... Trop tard...

Akaashi, qui était entrain de faire fondre le chocolat au bain-marie, se retourna lentement vers son colocataire qui tenait la bouteille de tabasco dans les mains, penchée juste au-dessus de la jatte dans laquelle reposait la pâte. Il éteignit le feu sans rien dire et versa le chocolat fondu qui vint se confondre avec la sauce piquante.

— Kei, Keiji, tu es fâché ?

Il ne répondit pas. Bokuto recula de quelques pas par précaution. Quand Akaashi faisait cette tête, il ne valait mieux pas s'approcher de trop près. Le passeur posa la casserole qui contenait le reste de chocolat fondu sur le côté et mélangea lentement la mixture brunâtre à l'aide d'un fouet.

— Je... Je peux lécher le plat ?

Keiji lui jeta un regard noir qui le dissuada d'insister. Sans un mot, il se saisit de la casserole, racla le bord avec son doigt et vint l'étaler sur la joue de Kotaro. L'air hagard, il se regarda dans son grille-pain réfléchissant dont il se servait plus souvent comme un miroir que comme un moyen pour faire griller du pain.

— Bataille de chocolat ! s'exclama-t-il en se jetant sur Akaashi pour tremper sa main dans la casserole et la lui étaler sur le visage.

— Quoi ?! Mais c'était juste pour me venger, je ne jouerais pas à ça ! protesta-t-il en répliquant bien malgré lui, balançant le reste de chocolat sur le fouet dans la tignasse ébouriffée de Bokuto.

Finalement, en regardant l'état de la cuisine après avoir mis le gâteau au four, Keiji pu constater que son idée de faire cuisiner Kotaro n'était pas aussi bonne qu'il l'avait pensé. Et vu les tâches de chocolat sur le sol et sur les meubles, il se demanda même s'il n'y aurait pas eu moins de dégât s'ils avaient continué leur partie de volley improvisée...

Chocolat et sauce piquante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant