15° Coiffure, trou et calvitie

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Chapitre 15.

🏐🌸🍙

Akaashi était assis sur une chaise au milieu de la cuisine. Le dos droit, il se pinçait légèrement les lèvres. Il appréhendait un peu sa future coupe de cheveux.

Ça faisait presque deux mois et demi qu'ils étaient confinés, et on n'avait pas besoin d'être coiffeur pour se rendre compte que la dernière fois qu'ils avaient mis les pieds dans un salon de coiffure ne datait pas de la veille. Leurs cheveux commençaient à se faire longs, en particulier ceux de Bokuto qui lui arrivaient presque aux épaules. C'est pourquoi Keiji avait émis l'idée qu'il pourrait peut-être lui raccourcir un peu les pointes en attendant le déconfinement, histoire qu'il ne ressemble pas à un balai serpillère quand il pourrait enfin sortir.

Akaashi n'était pas spécialement doué en coiffure, mais il était habile de ses mains et se débrouillait avec une paire de ciseau. De toute façon, il n'avait pas l'intention de lui offrir la coupe du siècle, juste de redonner un peu de fraîcheur à ses cheveux blancs qui s'écrasaient sur ses épaules telles des spaghettis trop cuites.

Il n'avait cependant pas prévu que Kotaro insiste autant pour lui rendre la pareille. Non pas qu'il n'avait pas confiance en ses talents de coiffeur, c'est plutôt qu'il avait peur que Bokuto fasse une bourde et ne se le pardonne pas. Il savait déjà comment aller se dérouler la suite: Kotaro serait déprimé et abandonnerait immédiatement l'idée de lui couper les cheveux. Et Akaashi n'était pas trop tenté pour avoir un trou dans les cheveux et que Bokuto ne puisse pas réparer ça.

— Tu vas voir Keiiiji, je vais trop gérer !

Keiji lui jeta un sourire crispé en guise de réponse.

Bien entendu, avant de couper les cheveux de Bokuto, Akaashi s'était entrainé. On ne s'improvisait pas coiffeur sans un minimum de préparation. Il avait lu des articles pour apprendre à coiffer et avait analysé des tutos sur YouTube. La façon dont il avait coupé les cheveux de Kotaro n'était pas extraordinaire, mais c'était toujours mieux qu'avant. Cependant, avec Bokuto derrière les ciseaux, le résultat n'était pas aussi garanti qu'avec lui.

Lorsqu'Akaashi lui avait proposé de lui raccourcir un peu les pointes, il avait été surpris que Kotaro montre tant d'enthousiasme. Enfin, dernièrement, Bokuto montrait de l'enthousiasme dès que Keiji lui adressait la parole. Il était de plus en plus tactile, et son sourire était de plus en plus présent. Il n'avait plus la flemme de faire les tâches ménagères et complimentait son passeur chaque fois qu'il en avait l'occasion. Il avait changé depuis le début du confinement. Mais cela ne déplaisait pas à Keiji, qui appréciait de plus en plus ce nouveau Kotaro.

— Oh merde...

Un long frisson parcouru l'échine d'Akaashi. Il eut des sueurs froides en entendant ce mot qu'il ne voulait surtout pas entendre dans cette situation.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il d'une voix plus inquiète qu'il ne l'aurait voulu.

— Euh rien, tout va bien ha ha !

Il était censé lui couper les pointes, et pas plus de deux centimètres, Keiji avait bien insisté là-dessus. Il voulait limiter les dégâts. Ses instructions n'étaient pas compliquées. Alors qu'avait bien pu commettre Bokuto pour avoir l'air autant en panique ? Akaashi mourait d'envie de se lever et de courir jusqu'à la salle de bain pour mesurer l'étendue de la catastrophe dans le miroir.

— Bon, on va dire que ça passe...

Cette phrase ne le rassurait pas le moins du monde. Parce que lui et Kotaro n'avait pas la même vision, la même utilisation de l'expression "ça passe". Avoir des vêtements sales qui traînent par terre, ça passe pour Bokuto, mais pas pour Akaashi. Commander des hamburgers sur Uber Eats tous les jours, ça passe pour Bokuto, pas pour Akaashi. Faire du volley dans un trente-deux mètres carrés, ça passe pour Bokuto, pas pour Akaashi.

Alors avoir un trou dans les cheveux qui ressemble à un début de calvitie, si ça passe peut-être pour Bokuto, ça ne passe sûrement pas pour Akaashi !

— J'ai fini ! Tu peux aller te voir dans le miroir ! Tu vas voir, ta coupe est à la coiffure ce que les tableaux de Picasso sont à la peinture, se vanta Kotaro, les bras croisés sur son torse.

Keiji ne se fit pas prier pour sauter de sa chaise et se précipiter dans la salle de bain. Il s'attendait à découvrir la troisième guerre mondiale sur son crâne, c'est pourquoi il fut surpris en apercevant son reflet dans le miroir. Sa coupe était tout à fait banale. C'était la même qu'avant, avec quelques centimètres en moins. Il l'admira quelques instants, avant de se tourner vers Bokuto qui s'était adossé à la porte derrière lui.

— C'est parfait, merci.

— Ah ouf, tu me rassures ! J'avais peur d'avoir fait une bourde en te voyant courir vers la salle de bain !

Akaashi s'en voulut un peu. Il se promit de faire plus confiance à Bokuto s'il désirait s'occuper de lui à l'avenir.

— Ça m'a fait un peu peur quand je t'ai entendu jurer. J'ai cru que tu avais fait une gaffe, se justifia-t-il.

— Ah ça, c'est juste parce que je me suis coupé avec les ciseaux sans faire exprès. Mais rien de très grave.

Akaashi s'en voulut beaucoup, pour le coup. Il s'était tellement inquiété pour ses cheveux qu'il n'avait même pas fait attention aux doigts de Kotaro qui saignaient assez abondamment. Il avait été égoïste et n'avait pensé qu'à lui. Il se précipita vers Bokuto pour l'entrainer avec lui dans la salle de bain.

— Comment ça, c'est rien ?! Il faut absolument désinfecter et te mettre un pansement !

Kotaro ne répondit pas, se réjouissant comme un enfant qu'Akaashi s'occupe de lui. Il le regarda appuyer sur sa blessure avec un coton imbibé de Biseptine, le sourire aux lèvres. Sentir les doigts de Keiji frôler sa main lui procurait des frissons. Il avait envie de lui prendre le pansement et de l'attirer contre son torse. Mais il se retint, car il s'était promis de ne rien tenter qui pourrait l'embarrasser avant de s'être déclaré.

Finalement, Akaashi déposa soigneusement un petit pansement décoré de poissons sur son index endolori, et Bokuto ne le prit pas dans ses bras.

— Et voilà, fit Keiji. Je vais aller passer le balai dans la cuisine.

Kotaro acquiesça. Il resta un moment dans la salle de bain, assis sur la baignoire, à observer le doigt dont Akaashi avait tant pris soin. Décidément, si ce simple geste le mettait dans des états pareils, il n'allait pas pouvoir contenir ses sentiments très longtemps...

Chocolat et sauce piquante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant