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Nous lui avions toujours appris qu'il était normal de faire des erreurs. Les rôles tels que celui de juge ou de coupable ne se prêtent pas bien dans le jeu de la morale. Les gens font des erreurs et la plupart du temps Edith est d'accord pour dire qu'il faut les leur pardonner. Chacun commet son lot de fautes, fautes qui permettent en principe de différencier les méchants des gentils, les bons des mauvais. Ces séparations biaisées ne sont pas plus vraies que toutes les autres fantaisies qu'elle a pu entendre au cours de sa vie. Le monde est gris et les autres le sont aussi. Il est donc tout naturel de faire de son mieux et parfois, cela suffit. Le tout est d'avoir le choix, celui de faire ce qui est juste pour soi et pour les autres, pour ceux que l'on aime et ceux que l'on ne connaît pas.
Avoir le choix est un luxe que les femmes ne peuvent pas toujours s'offrir. Plus d'une fois, Edith avait truqué le jeu en s'emparant d'un droit qui n'était pas le sien. Le revendiquant avec fierté, elle avait goûté à une vie qui aurait pu être la sienne. Une vie qui aurait été sienne si son sang n'avait pas la même couleur et si son courage avait été plus grand. Edith était compliquée, il était logique que sa vie le soit aussi.
Les gens font des erreurs et durant sa courte vie, des erreurs, Aethelbert en a fait un tas. Certaines qu'il regrette, et d'autres, auxquelles il repense avec tendresse. Dans tous les cas, si ce sont ses erreurs qui l'ont mené jusqu'ici, il estime ne s'en être pas trop mal sorti : se réveiller aux côtés d'une fille trop bien pour lui, le ventre remplit et ce, nuit après nuit était d'une douceur qui le rendait presque malade. Tous ces plaisirs avaient désormais un goût de poison, il pouvait y céder tout en sachant que bientôt le confort de son chez-soi lui serait bientôt raflé.
La nuit a été longue et son sommeil agité. La fille n'a cessé de se remémorer les mots de l'homme dans la chaleur de son lit. « Toute chance s'accompagne de grands sacrifices ». Ils lui avait trouvé une porte de sortie qu'aucun homme censé ne refuserait et c'était justement ça qui l'inquiétait : Aethelbert était tout sauf un garçon censé.
Ces quelques heures lui avaient permis de réfléchir à la manière dont elle pourrait le convaincre : en appeler à sa raison serait insuffisant face à son sens du devoir. Aethelbert ne refuserait pas de se battre aussi facilement. Lui qui durant tant d'années avait tenté de lui offrir le monde, s'apprêtait à commettre l'irréparable pour faire partie du sien.
À quelques centaines de pas d'ici, un jeune garçon s'est endormi dans les bras du amie. Ses cheveux blonds lui chatouillent le menton et l'odeur de son corps le fait sourire. Aethelbert était chanceux, nombreux tuerait pour se retrouver dans un lit avec elle. Et pourtant, c'était lui qu'elle avait choisi. Anse' l'avait choisi bien avant qu'il n'imagine cette union possible.
Une partie de lui aimerait sans doute Edith jusqu'à la fin de sa vie, son cœur en avait décidé ainsi. Toutefois, il ne pouvait pas s'empêcher de vouloir vivre. Anse' avait rendu cet amour impossible plus doux, cette fatalité moins forte. Il ne pourrait pas avoir Edith pour l'instant, il ne pouvait pas l'aimer ouvertement. Très bien que cela soit, l'amour d'Anse' lui permettait de croire qu'il valait quelque chose. Il n'était ni seigneur ni prince, mais dans son regard il avait l'impression d'être un roi et ça, cela devait bien vouloir dire quelque chose.
