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— Ubbe, tu es avec nous ?
Ubbe n'est pas du genre rêveur. Il lui arrive parfois de se montrer pensif certes, mais cela ne suffit jamais à heurter sa concentration. Aussi, aujourd'hui semble être une exception. La nuit avait été longue, agitée. Bouleversé par des rêves aux regards mauvais, l'aîné s'était levé plus fatigué qu'il ne s'était couché.
La discussion tenue avec ses frères ne cessait de se rejouer au sein de son esprit. Il avait dû rater quelque chose, il l'avait sous-estimée. Il était bien trop tard pour rectifier son erreur. Aussi, lorsque la scène se rejouait encore et encore il s'enfonçait encore un peu plus dans son secret.
Loin de se laisser submerger par ses pensées, leur rituel ne saurait être écarté. À l'aube, ils se mettent donc en route. Leur entraînement ne pourrait être repoussé plus longtemps. Traînant le pas durant une grande partie du trajet, le jeune homme se surprend à repenser aux éléments de la veille. Encore.
Lui apportant des réponses guère réjouissantes à ces questions, Ubbe l'avait revue. Lui qui, naïf, l'avait prise pour la fille d'un marchand de passage, devait se rendre à l'évidence. Qui qu'elle soit, elle avait attiré l'attention de son père : chose qu'il n'avait jamais réussi à faire.
Plus encore que ses frères, Ubbe porte une attention toute particulière à se montrer sage et modéré. Évitant ses pulsions comme les actions inconsidérées, il espérait devenir juste et droit. Il prenait ainsi le soin de ne pas laisser ses frères discuter en mal de leur nouvelle invitée. Tout serait infiniment plus simple si ses frères pouvaient penser comme lui.
Lorsque leur père était venu les trouver pour leur annoncer son arrivée, Ubbe s'était entretenu avec le seul qui soit étonnamment en capacité de parler. Pour Sigurd, l'existence de cette fille lui était parfaitement égale du moment où elle ne représentait pas une menace immédiate. Pour ce qu'il en était de Ivar, il s'était contenté de se retirer. Ces derniers temps, son frère était un homme de peu de mots.
Profitant de ce trajet long et sinueux, l'aîné se décide à demander l'avis de son frère le plus proche. Sans grande surprise, Hvitserk opte pour un discours réservé.
— Je me méfie des étrangers et encore plus des étrangères. Bien trop de fois nous lui avions raconté les massacres saxons. Comment pourrait-il faire confiance à l'une de leurs ennemis sous réserve qu'elle serait simplement ... jolie ? Déjà que je n'arrive pas à comprendre les femmes, comment le pourrais-je avec elle ?
Ne souhaitant pas se montrer faible face à la beauté candide de la Saxonne, Ubbe finit par acquiescer. Bien sûr qu'un homme doit suivre son instinct. Les hommes étaient des chasseurs qui devaient garder l'esprit clair. La seule impression que la fille n'était pas un danger ne devait pas suffire à l'endormir. Plus la femme est belle et plus elle peut s'avérer mortelle, voilà l'un des rares enseignements que leur avait instruit leur mère et à voir sa relation avec son père, Ubbe avait toujours pensé qu'elle avait raison.
