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La reine était partie, des traits de pierre ayant remplacés son air si tranquille. Alors qu'elle s'était décidée à franchir le seuil, Edith avait pu voir la couleur immaculée qui s'était répandue sur le sol. La neige se pose toujours au sommet. La fille était restée assise un long moment, les mots échangés quelques temps auparavant se retournant sans cesse au creux de sa tête. Immobile, le pire a rapidement retrouvé son chemin jusqu'à ses pensées. Ils vont venir me chercher et alors tout sera finit. Ils vont venir et tout cela n'aura servi à rien.
Edith sait qu'elle a fait un pari risqué. Dire non n'est pas une chose facile. Encore moins l'était-ce, lorsqu'une ville entière préférerait voir trôner notre tête à son entrée. Faisaient-ils cela ici aussi ? Les têtes sur des piques ? Lorsque la Reine s'est enfin décidée à partir, la fille est restée murée dans un mutisme qui l'avait effrayé. Assise, immobile, une seule pensée venait menacer son esprit. Encore et encore. Ils vont venir me chercher et alors tout sera finit. Ils vont venir et tout cela n'aura servi à rien.
Ainsi, après avoir annoncé à la Reine qu'elle ne prendrait aucune décision sans avoir disposé d'une entrevue avec le roi, son époux, la fille s'était réconfortée de la promesse qui lui avait été faite : Ragnar viendrait la voir. Il se joindrait le lendemain à Margrethe dans sa marche quotidienne et il en serait terminée de l'incertitude. Terminée de l'attente.
Cette nouvelle, qui l'aurait pourtant réjouie ce matin même, était toutefois éclipsée par les remarques de l'Esclave : « Il n'a simplement pas le cœur de finir le travail ». Et s'il s'agissait de la vérité ? Si Ragnar désirait la voir disparaître, il deviendrait bien difficile de trouver une énième porte de sortie. Si nous pouvions la considérer chanceuse de s'en être tirée jusqu'à présent, sa chance finirait bien par tourner. Attendre était-ce alors réellement la meilleure des options ?
La fille était partie, bien sûr. Comme une démente, elle chasse la lune dans la nuit. Seule armée de son poignard, elle frappe les arbres de sa paume. Ici ou ailleurs. Cela ne la mènera à rien, la fille l'a sans doute compris avant même qu'elle ne mette un pied dehors. Pourquoi ne fuirait-elle pas ? Pourquoi ne l'avait-elle pas déjà fait ? Pourquoi était-elle restée docile et patiente ? Pourquoi ?
Ses poumons s'enflamment et son pouls accélère. Dans cette soirée d'hiver, la fille brûle. Quiconque approcherait tomberait sur une jeune fille en feu. Les draps noirs de la nuit l'empêchent de se réparer dans ce labyrinthe de bois. Tous les rubans accrochés ici et là durant ses marches n'existent plus. Tant d'efforts détruits par l'absence du soleil. Le ciel, les étoiles, tout lui semble trop proche. Le monde, trop petit. Livrée à elle-même, la fille se déteste. Elle se maudit presque de ne pas avoir suffisamment de courage.
Fais-le. La pointe métallique repose sur l'espace étroit dessiné au milieu de sa poitrine. Si elle en avait le cran, tout se terminerait en quelques secondes. La fillette pleure et saigne. La vie s'échappe de ses plaies et elle ne veut plus rester. Fais-le !
