Cette chambre était devenue le centre de vie de Jin, Hoseok et Taehyung. Regroupés autour de Jungkook ils pouvaient avec bonheur voir que l'état du noiraud s'améliorait. Jin le voyait en tout cas, les autres étaient trop pressés même si Taehyung ne s'en souciait guère, réussissant sans mal à apprécier la compagnie du jeune homme qui souffrait encore énormément quelle qu'elle soit. Il était là quand il fallait calmer les moments de douleur entre deux prises de remède, là quand, une fois apaisé, il pouvait parler normalement plusieurs heures de suite, là quand la fièvre reprenait le dessus, là quand il fallait laver ses plaies et la cicatrice qui se formait sur sa joue gauche, là quand, fatigué par une longue journée de souffrance le noiraud s'endormait.
Pour autant Taehyung ne laissait pas Jungkook au sommeil mais restait près de lui et croquait son visage. La chambre de Jin était devenu son atelier et il se rendait de moins en moins souvent à la demeure du peintre de peur de l'y croiser. Sa gorge se serrait quand il pensait à son maître tourmenté. Il avait peur de sa colère et ne voulait pas entendre ses inanités qui ne représentaient pas l'être qu'il était au fond de lui. Il avait aussi bien trop pitié de cet homme perdu dans ses propres convictions, dans un monde qui n'avait jamais voulu de lui et où il ne trouverait jamais sa place. Il devait lui en vouloir mais n'y arrivait pas, car au fond du regard de Min Yoongi était un océan de désespoir sans terre. Ballotté trop longtemps, rejeté de tous les cotés, tantôt reconnu mais pas comme il aurait aimé, tantôt accepté mais trop partiellement, l'artiste s'était perdu et pour Taehyung sa rencontre avec le Prince et la mésaventure de Jungkook avaient achevés de le noyer à jamais au milieu de la violence des vagues de son être. Les pauvres fondations qu'il avait donné à sa réalité étaient trop fragiles pour ce monde auquel il aspirait. Il ne voulait basculer ni d'un coté ni d'un autre mais le prix à en payer semblait être le désespoir conduisant à la folie.
Il enchaînait crises de colère et crises de larmes et se défoulait sur plus faible que lui, sur incapable de lui répondre : Jungkook. Il avait remplacé tous ses modèles par l'héritier Park et s'isolait : on ne savait pas ce qu'il faisait de ses journées, de ses nuits mais il ne venait plus à la rencontre de ses amis.
Hoseok était très inquiet, Jin aussi même s'il le montrait moins. Taehyung et Jungkook semblaient – ne l'étaient pas vraiment au fond – un peu moins concernés par la question du peintre : l'un trop occupé à croquer celui dont il avait attendu le retour toute ces années, et l'autre...
L'autre avait même mi de coté ses blessures et la douleur qu'elles lui provoquaient depuis qu'il était un peu plus conscient ; pour profiter à chaque instant du visage et de la présence de celui qui était là à chacun de ses réveils. Jungkook tombait un peu plus amoureux chaque jour qu'il passait couché dans ce lit. Amoureux d'un autre homme dont le regard passionné sur ses toiles le faisait flamber de l'intérieur, amoureux au point où la douleur s'en allait quand il était à ses cotés. Amoureux comme un fou qui croit en ses déraisons.
Déraisonnable ça l'était, pourtant l'amour qu'il portait à Taehyung il en était certain : il n'avait eu besoin de définition divine ou séculaire pour savoir ce qui aminait ainsi ses tripes, son enveloppe de chair extérieure et les vagues de bonheur qui venaient s'échouer sur lui quand ses pensées dérivaient vers le jeune artiste aux cheveux châtain.
Jungkook l'avait identifié au premier regard ce sentiment qui chez Taehyung était inconnu et si difficile à saisir malgré les trois années qu'il venait de passer à souffrir d'une absence qu'il avait pourtant presque immédiatement identifiée, elle, comme raison de la fadeur de son quotidien. Mais Jungkook, contrairement à Taehyung, avait grandi au milieu de gens qui s'aimaient de tous types d'amour malgré tout ce que la vie leur mettait comme coups dans les jambes, destinés à les faire tomber, à les faire crever sans vergogne. Taehyung ne voyait pas les rapports humains comme une force. Avant de rencontrer Namjoon, il avait toujours pensé à une lutte entre des égos souhaitant écraser celui du voisin car leur survie semblait dépendre de cela. Taehyung n'était pas comme ça, pas taillé pour la guerre contre ses pairs. Il était celui qui, jusqu'à faire la rencontre de ces êtres humains particuliers, se prenait tous les coups ne lui étant pas spécialement destinés ; et qui les acceptait avec une résolution digne des plus grands ascètes.
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Pigments [KookV]
FanfictionTaehyung, enfant oublié, aurait pu passer sa vie dans la boue au fin fond d'une campagne, mais il est remarqué pour ses talents par un riche homme venu de la ville qui l'achète à ses parents et le confie au froid Min Yoongi, un jeune peintre talentu...