Pigments [KookV]

→ 15. Tous les matins depuis bientôt deux ans

– Partie centrale –

Je tiens à préciser que quelques chapitres un peu chaotiques vont constituer une "partie centrale" dans Pigments, la temporalité notamment ne sera pas respectée, il y aura ellipses, flash-back, divers points de vues. On retrouvera par exemple un potentiel approfondissement du Yoonmin et du Namjin (?) mais surtout on suivra Taehyung et sa transformation depuis le départ de Jungkook.

Il y a bien sûr un but à cette démarche de ma part : montrer que le temps passe et ne revient pas, mais aussi créer confusion et approfondir mes personnages. J'espère y arriver.

Je vous laisse donc à présent avec le premier de ces chapitres sans trame temporelle.

~ tacha' qui espère ne pas trop vous perdre.

***

Et, tous les matins depuis le premier, Taehyung se rendait sur le port. Il avait fini par s'habituer à ce lieu qui l'avait, lors de sa première visite avec Jungkook, surpris, rendu malade aussi avec ses flots instables ; puis détesté, longtemps, lui prenant celui qu'il aurait à présent appelé son amour, le soustrayant à son regard si vite.

Ce premier matin ç'avait été un lendemain. Lendemain du matin véritable où Jungkook avait, aux environs de midi, quitté le port sur son deux mats, en uniforme. Son navire partait on ne savait pour combien de temps et le départ avait été déchirant, le navire arraché aux bras des familles de ceux qui en avaient. Il avait quitté le port lentement, ne laissant qu'un vide où il s'était tenu des semaines durant. Ce vide était resté longtemps incomblé si bien que les matins suivants, Taehyung venait se poster sur la rampe s'éloignant du quai, en face du trou béant laissé par le navire au milieu des autres. Il avait fini par lui aussi arriver à sauter de plots en plots, mais jamais au grand jamais il n'aurait mis un pied sur un bateau. Quand un matin, Yoongi lui avait fait prendre des affaires pour une journée et qu'il l'avait poussé dans le port des pêcheurs et laissé entre les bras d'un vieil alcoolique qui devait l'embarquer avec lui pour la journée – Taehyung devait observer ce qu'il ne connaissait pas pour devenir un bon peintre, Yoongi avait fini par comprendre qu'il marchait ainsi – le jeune artiste avait catégoriquement refusé. À ce moment cela faisait déjà plusieurs mois que Jungkook était parti.

Les bateaux partaient mais ne rentraient pas. Parfois un de ces grands navires montrait le bout de son nez, apparaissant derrière le phare. Mais il ne restait jamais longtemps car, après avoir dégueulé corps malades, corps morts et blessés boitant, il repartait chargé d'âmes vives.

Taehyung avait pris l'habitude de ces rares ballets de voiles, des mécanismes du port aussi, car il y passait beaucoup de temps à présent. Les matins surtout. Il se tenait au courant de l'arrivée des navires, il s'était fait des amis dans les arcades du port, des connaissances surtout, par Jin et Hoseok notamment, par Yoongi beaucoup moins. Taehyung n'avait pas encore compris ce qui valait au peintre d'être méprisé ainsi par l'entièreté, presque, de la populace de cette ville. Il plaisantait souvent sur sa situation d'élève de Yoongi avec les gens qu'il côtoyait au port et qui semblaient bien le connaître, son maître brun à la bouille blanche, au sourire inexistant, aux petits yeux noirs terrifiants. Ils connaissaient sans aucun doute un Yoongi d'il y a une dizaine d'années – ce dernier ne se montrait plus au port, ou alors très rarement – mais celui-ci restait fidèle à lui-même et Taehyung n'avait aucun mal à relever les traits de caractère de l'homme avec qui il vivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

De son trou, encore plus béant à présent, parce que les navires voisins avaient quitté la place depuis de longs mois déjà, Taehyung, accroupi, observait la mer, l'eau stagnante du port plutôt. Il regardait partir les premiers chalutiers les filets bien rangés, près à être dépliés, jetés dans les fonds. Parfois des pêcheurs partaient plusieurs jours, mais à présent les grandes sorties en mer se faisaient rares par manque de bons marins, tous partis par la mer faire la guerre.