𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚊𝚛𝚊𝚗𝚝𝚎-𝚎𝚝-𝚞𝚗

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Bonne lecture !

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Shoyo retourne chez sa tante le dimanche, en fin de matinée. Il pédale tranquillement sous les nuages, et arrive rapidement devant le portillon. Une fois son vélo déposé, il monte les quelques marches, ferme doucement la porte dans dos dos — la TV passe les informations.

Dans le canapé, Hana accueille son bisou sur la joue avec des sourcils haussés.

— Tiens, j'ai un neveu moi maintenant.

Il fait la moue.

— Tire pas cette tronche, je rigole. C'était bien ?

Il a envie de hocher la tête vingt fois, mais se contente d'un sourire ravi. Son téléphone est dans sa poche arrière, et même s'il hésite à le sortir, ses doigts finissent tout de même par tapoter l'écran.

Natsu ?

— En haut. Elle est allée voir sa copine ce matin, elle vient juste de rentrer aussi.

La météo annonce de la pluie pour la soirée.

Merci.

Elle a l'air contente de le voir, et Shoyo se promet de regarder un film avec elle, ce soir. Peut-être même jouer un peu à un jeu vidéo, et se faire battre (car c'est toujours ainsi que cela se termine).

Hana tend la main, le décoiffe, et le voilà parti. Il monte les escaliers, d'un pas joyeux, et marche tranquillement jusqu'à la porte de sa sœur.

— Natsu ? chuchote-t-il en jetant un coup d'œil à l'intérieur.

Il n'y a personne. Il balaye la pièce du regard, s'avance un peu, mais elle n'est pas là et sa fenêtre est grande ouverte. L'air chaud, les nuages au bout du ciel, la rue bruyante. Il fronce les sourcils, et revient en arrière. Dans le couloir, il n'entend rien, seulement la voix d'une femme qui sort de la TV au rez-de-chaussée.

Alors faute de mieux, il retourne dans sa chambre.

Sa porte grince un peu quand il l'ouvre, il fait sombre car son volet est à moitié fermé, et soudain il entend quelque chose. Un hoquet, des reniflements : Shoyo tourne la tête, debout dans l'embrasure, et sa sœur est là.

Assise sur le sol, devant son armoire, la boite à chaussures ouverte devant elle. Entre ses doigts, elle tient l'un de ses carnets. Ses yeux croisent les siens — son expression si déconfite glace le sang de Shoyo. Il remarque à quel point ils sont bouffis et rouges, et voit les traces de larmes séchées sur ses joues.

— Shoyo, croasse-t-elle et sa voix brise l'instant.

Ses pieds reviennent sur terre, son cœur s'emballe, sa poitrine se serre. Il fixe ce carnet noir qu'elle tient avec force. Sa propre respiration lui revient en écho. Il souffle :

— Je...

— Je voulais pas fouiller, je te jure ! Je voulais juste une veste, parce que la mienne est au sale et ce soir je vois Mina, et là j'ai vu la boite et je me suis... je me suis juste demandé quelle paire t'avais prise pour l'été....

Elle essuie ses yeux en reniflant à nouveau. Shoyo a l'impression d'être nu ; tous les mots inscrits là dedans, il les connaît par cœur. Il sait ce qu'elle a lu, ce qu'elle a imaginé. Il ne voulait pas qu'elle l'apprenne ainsi, jamais. Pas avoir autant de détails.

— Je suis désolée, gémit-elle. Je suis vraiment désolée, je pensais pas...

Elle le lâche, et c'est un électrochoc : Shoyo ferme la porte, et s'avance à grands pas. Ses bras l'entourent avec brusquerie et force.

— Tu as tout lu ? demande-t-il tout bas.

Et Natsu se contente de répéter :

— Je suis désolée.... je suis déso —

— C'est pas grave. Natsu, c'est pas grave. Arrête de pleurer, d'accord ?

Il fixe le mur, en face de lui. Ses mains la serrent fort, et il ne peut pas la regarder. Pas encore. Son cœur bat à toute vitesse dans ses oreilles. Tout ce qu'il voit et entend, ce sont les mots.

— Tu aurais pas dû lire ça.

— Je sais.

Elle renifle encore et encore, puis pleure à nouveau, et s'arrête enfin. Quand elle finit par se calmer, au bout de longues minutes, ses tremblements diminuent, en même temps que ceux de Shoyo.

— Je savais pas, dit-il en reposant sa tête sur l'épaule de son frère. Je savais pas tout ça. On m'a jamais donné les détails.

— Je les ai jamais dits. Les médecins savaient le principal, mais le reste....

Les impressions, la peur, la douleur, l'angoisse. Ça, ça n'appartient — appartenait — qu'à lui.

Natsu s'accroche à son t-shirt. Elle semble prête à repartir en larmes, alors Shoyo se recule lentement, et vient poser son front contre le sien.

— Pourquoi tu l'as écrit autant de fois ? Pourquoi est-ce que c'est toujours la même chose...

— Parce que ça m'aide. Comme la course. Je le fais de moins en moins, et un jour je le ferais plus du tout, mais...

— La psy... ?

— Si elle savait, elle voudrait reprendre les séances.

Il se mord la lèvre. Son estomac se tord si fort qu'il se sent prêt à dégobiller — la seule chose qui le retient vraiment, c'est la main de sa sœur qui commence à lui frotter le dos.

— Tu... tu n'es pas... tu sais ?

Il ne sait pas, alors il se recule un peu pour croiser son regard.

— Tu ne vas pas m'abandonner un jour, hein ? Si tu me parles maintenant, c'est que tu ne vas pas me laisser...

— Natsu, croasse-t-il à son tour en comprenant. Je ne suis pas suicidaire, je te le promets. Ne... ne pleure pas.

Son doigt passe sous son œil pour cueillir une larme. Elle l'enlace encore et inspire profondément. Au bout d'un moment de silence, elle finit par se moucher.

— Si maman tombe sur une seule de ces lignes, essaye-t-elle de plaisanter, elle t'enferme directement à la cave.

— Je te le fais pas dire.

Il se lève, l'entraîne avec lui. Tout à coup une brise un peu plus fraîche entre dans sa chambre, et il se rend compte qu'à l'extérieur il pleut. L'odeur remplit la pièce, et le bruit lui parvient depuis sa fenêtre entre-ouverte.

— Je vais chercher la manette dans ma chambre et on va jouer dans le salon, annonce-t-elle.

Shoyo la regarde sortir avec des gestes lents, et il sait que son invitation ne permet pas de refus. Quand il jette un coup d'œil depuis le couloir, elle est en train de passer de l'eau sur ses yeux.

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La danse des tournesols || AtsuHinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant