xxii - danse sur l'asphalte ensanglanté

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ernest et darius étaient restés quarante cinq minute, tout au plus, à la terrasse de ce bar parisien suite au départ d’aramis. ernest regardait la vie exploser de part et d’autre des avenues et des immeubles, entre les bouteilles vides et les appartements remplis d’une tendresse nouvelle, cette tendresse qui se découvrait au fil des soirs heureux. les gens étaient attrapés dans une valse à contre temps, qui se dansait contre le bitume endormi.

darius, lui, laissait un dernier filet d’alcool descendre le long de sa gorge irritée par le va et vient de ses maux trop durs pour exister. il voulait exploser les léthargies profondes que le froid lui offrait, au détour de son ivresse éteinte dans ses entrailles.

« — j’ai froid et mal dans mon corps abatu par ses caprices maladroits. j’ai besoin de lumière artificielle et de velours rouge taché par les mises en bière, ne voudrais-tu pas aller au théâtre ?» avait demandé le garçons aux cheveux rouges à son amoureux, encore perdu dans les rêves vagabonds que les illusions de l’ambre lui faisaient convoiter.

« — si tu veux, le sommeil me guette et je ne veux plus de cette fureur dans mes tripes. allons attendre l’aube auprès des spectateurs fantômes et de la scène fracturée par nos torrents poétiques » lui avait répondu darius, lentement, les yeux dans le vague de ses pensées sombres de noctambule aguerri.

les rues étaient froides. quelques chuchotements s’élevaient dans les airs pour embrasser tendrement les oreilles meurtries des passants abîmés. le béton se laissait apprivoiser, doucement. les gens vivaient dans l’ignorance des scènes mortifèrers qui se jouaient sous leurs fenêtres. les corps étaient oppressés. ils avaient mal de vivre et d’exister dans un novembre meurtrier. le bourreau du soleil ne s’arrêtait jamais de fuir et d’échapper aux attaques les plus aiguisées.

des débris de verre décoraient les trottoirs vidés par l’absence de douceur. les ombres de quelques stroboscopes abîmés s’échappaient des portes entrouvertes et des soirées clandestines dans les larmes déchirées par les orages de fureur.

les jupes volaient au grès du vent léger que novembre abrittait tendrement. elles déliaient les maux et les peurs d’être soi, sans oublier non plus d’embrasser les lèvres fébriles et fendues par la violence. la langue d’ernest découvrait celle de darius, placardée contre la douceur de son palais. ils s’étaient égarés dans une ruelle à l’abris, au premier regard, des insultes crues qui font mal aux coeurs.

la fureur avait jaillit. un coup de poing avait surgi brutalement derrière le visage de darius. sa jupe volait dans les vents teintés d’innocence. quelques doigts l’avaient violement attrappée pour faire d’elle une écuve à tissus troués et à lambeaux demandeurs de soleil.

son corps dansait un slow passionné avec le béton gris des nuis d’automne. il était froid, glacé même, pour ne pas dire meurtrier. sa peau apprenait doucement à chérir les graviers et la violence soudaine des insultes mauves.
ses membres se disloquaient au contact du sol anthracite. sa chaire se dévoilait au monde, par endroits, entretenant quand même son rituel de pudeur en ne dévoilant uniquement que quelques bribes de son intimité.

ernest assistait sans défence au spectacle macabre qui prenait vie sous ses yeux. deux humains aux cuirs noirs et aux visages camouflés battaient et frappaient darius avec toute la rage du monde présente dans leurs gestes. le jeune homme aux cheveux rouges, lui, esquivait quelques coups de manière habile et incertaine, sans non plus rendre la violence de leurs gestes à ses agresseurs. les lèvres de darius portaient encore leur goût sur les siennes. il se faisait doucement envahir par le pêché d’une étreinte amoureuse sous les feux des projecteurs déchaînés.

la peau de darius se laissait attendrir par le sol qui l’attirait de plus en plus. il était doux et destructeur, chantonait les maux les plus déchirant et faisait entendre aux humains déchirés toutes les beautés qu’ils voulaient voir. darius exultait à la vue de son sang qui dégoulinait sur le goudron. sa lèvre inferieure s’était fissurée au contact d’un violent coup de poing agrémenté des insultes les plus porteuses de dégoût.
les mots fusaient de toutes part. ils explosaient dans les cages thoraciques remplies de fumées pour mieux détruire les amours fusionnels.

« — ça t’apprendra à embrasser les garçons et à porter des jupes déchirées » avait murmuré un des agresseurs en prennant soin d’emporter toute la haine du monde dans sa voix avant de cracher sur les plaies du jeune homme à terre.

ernest bouillonait et faisait vivre dans son corps une colère noire et inhumée dans la violence. il aggrippait les blousons, sans réel résultat et criait toute la rage qui composait ses poumons sans obtenir un quelconque conséquence. 

darius s’était violement redressé à la vue d’ernest démuni de force et de fureur, qui attendait sur le trottoir que les deux démons noirs lâchent son amant fou à lier. il tenait bancalement sur le sol, manquant de peu de retomber dans les abymes les plus profondes.

il avait hurlé ses tombeaux et avait donné à ses bourreaux un coup fané et passionnel au parfum de dédain. ils avaient chancelé quelques secondes, le temps nécessaire à darius pour agripper la main frêle d’ernest afin de l’emmener quelques rues plus loin, à l’abris des coups méprisants et offusqués des âmes étriquées.
les deux âmes abîmées s’enfuyaient en direction du théâtre pour inspecter leurs plaies, superficielles comme tiraillantes, celles qui attendaient les mois sombres pour revenir à la surface.

darius avait stoppé sa course pour effleurer le corps d’ernest et ses lèvres tuméfiées. les deux jeunes hommes mettaient leur baiser en scène en le laissant à la vue du public décontenancé des rues vides en l’exposant à la lumière chancelante des lampadaires. les langues s’offraient la docueur, pour guérir l’audace meutrie des amoureux en péril.

ét(r)eindre la lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant