le théâtre était désert. triste à dire et dur à voir. la présence humaine l’avait quitté depuis les dernières soirées vides de soleil et de lumière.
le cortège était vide et morbide, dénué de sens et de toute trace de raison. le bouquet final était en plein essor. il fustigeait la vie. il la traquait et redoutait ses attaques, comme par peur de la laisser s’accroître.la salle, elle, n’avait rien perdu de sa grandeur pathétique et illusoire qui attendrisait les coeurs encombrés par la violence. les rideaux rouges semblaient régner en maître de la puissance tandis que les sièges éventrés ressemblaient à une scène de violence inouïe qu’aucune peau n’était prête à supporter. les fantômes des spectateurs étaient prêts à envouter les cris et les larmes de hargne qui avaient pour habitude d’exploser dans ce lieu désert.
les deux amoureux étaient assis au milieu de la scène et de son plancher marqué par les coups et les cicatrices futiles que le noir infligeait aux personnes qui habitaient ses abysses aux couleurs fanées. leur étreinte semblait infinie.
ernest avait déshabillé darius, lentement, dans toute la douceur qui caractérisait ses tombeaux et leurs mélodies graciles. il avait délicatement déboutonné la chemise de son amoureux, déchirée par endroits, sans omettre bien sûr de ne pas effleurer les plaies et les éraflures qui parsemaient son corps.
il avait examiné chaque parcelle du corps, pour toucher l’entierté de sa beauté fracassante. il avait essuyé d’un geste maladroit les quelques traînées de sang qui s’étalaient de manière trop imposante. la délicatesse de ses doigts n’était qu’illusion quand les timides gémissements de darius se faisaient entendre, brisant le silence mortuaire qui s’était installé dans la pièce.
il tamponnait les plaies, avec un mouchoir en lambeaux qui avait essuyé larmes invisibles et saignements du coeur. le geste était léger, presque innocents. il semblait tout ignorer de l’attirance des corps en mouvements, se focalisant uniquement sur la peau dévêtue du corps qu’elle habitait.
darius frémissait quelques fois lorsque les doigts du jeune homme parcouraient ses griffures et ses bleus rougis par l’arrivée soudaine de chaleur. parfois, une larme tombant à terre brisait l’osmose qui se formait délicatement avec le silence de la salle. les plaies ne parlaient pas. elles racontaient silencieusement les histoires que l’on criait dans ses cauchemars et que l’on taisait quand le vacarme de novembre nous rattrapait dans notre course.
ils touchaient les blessures de l’un et de l’autre, bien que celles de darius soient plus palpables que celles d’ernest. une caresse lente au milieu de leurs frissons suffisaient à apaiser les maux du corps aussi bien que ceux des âmes.
« — donne moi tes lèvres » avait chuchoté darius au jeune homme aux cheveux rouges. « je veux les goûter infiniment, même dans les saveurs sanguinolantes que nos baisers nous font déguster » avait-il ajouté tout en guidant la main d’ernest sur ses plaies endormies.
les deux garçons s’embrassaient, en passant des coups de langue sur les lèvres fendues et sur les bouches meurtries à la lumière des lampadaires. le jeune homme aux mèches rouges explorait les crevasses qui habitaient les lèvres de darius. il s’amusait à chatouiller le sang séché pour nettoyer l’endroit de toute trace de violence et d’explosions, sauf bien sûr, celles qui portaient le nom de la beauté.
ils touchaient. ils caressaient. ils effleuraient. et ils assouvissaient le désir qui montait violemment dans les corps. tout devenait prétexte pour explorer d’une caresse l’étendue infinie qui se dévoilait sous les doigts de l’autre. le visage de darius était enflé mais à présent, couvert de baisers langoureux qui échappaient aux tempêtes du soleil capricieux.
leurs corps se connaissaient pourtant, entre émois passionnels et gémissements barricadés contre la sensualité. les corps étalaient leurs formes avares et disgracieuses au détour des lits défaits. ils éxistaient dans le dédain d’un posture d’homme sans attrait ni penchant pour les embrassades colorées. les peaux étaient ternes et grandissaient dans l’obscurité des rêves de somnambules. mais ce soir, entre baisers sanguinolants et éraflures effleurées, leur splendeur résonnait comme en une symphonie dénudée et dévêtue de toute harmonie.
la colère de darius s’était éteinte lors du contact de ses doigts sur le corps d’ernest. aucune plaie n’était apparente, à part peut être une entaille sur ses lèvres éraflées. les coups de poings dans les entrailles existaient eux aussi. ils n’évitaient pas la violence des orages de juillet, ni celle du froid naissant dans la sueur des corps qui s’apprennaient. darius touchait fébrilement, en oubliant la douleur qui tiraillait ses membres bleutés, l’innocence d’ernest, qui s’appliquait scolairement dans la tâche qu’était la réparation du corps de son amoureux.
les deux jeunes hommes apprenaient la passion, en faisant tous les deux danser leurs doigts sur le corps de l’autre, apprivoisant une mélodie bien différente de celles que l’on nous dicte. les corps étaient statiques. ils se laissaient bercer et adorer, réparer et effleurer, tout cela dans le silence des explorations les plus interdites.
les lèvres tuméfiées et leurs péchés insultés n’apprennaient pas de leurs coups offusqués. elles grandissaient dans la splendeur d’un baiser dévoilé au public, laissant les acteurs principaux dans un seul en scène déroutant pour tout regard.
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ét(r)eindre la lumière
Poezjaernest et darius étaient allés étreindre les rayons de novembre pour apprendre de ses lumières desséchées l'éclipse du soleil était rouge et bleue, entre les corps nus et les peurs du noir rugissant. novembre c'est la course des peaux blessées, c'e...