xxvi - course contre l'aube

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les deux garçons étaient sortis dans la lumière mauve et rose d’un soleil disparu et dans l’attente d’une lumière agressive de part sa douceur insoutenable. ils s’en allaient boire la nuit dans les verres vides des passants accablés par la tristesse. la ville était bruyante et mal habile dans ses gestes bruts et agressifs. elle faisait grandir l’euphorie des humains mornes, accoudés à l’épaule de leurs démons morts dans le boucan que faisaient leurs larmes.

ernest et darius s’avançaient doucement dans les rues sombres et pathétiques. ils laissaient la nuit les attraper par le cou, mains contre mains et leur pas battant le pavé contre les désirs futiles de la lune.

le noir emportait les coeur. il était un initiateur de beauté, de violence et de liberté enfermée dans le creux des péchés, racontés par les voix cassées et incertaines. il agrippait les corps dans un soupir énonciatif de douceur fracassante. darius donnait tout son être aux sombres envies d’étreindre la lumière abrasive et incandescente des soirs de novembre. ernest le suivait, en titubant légèrement à cause de l’entrain du jeune garçon. ils raflaient le vent et défiaient l’absence de toute trace, futile ou non, d’appaisement dans leurs coeurs révolutionnaires.

« — la nuit est silencieuse ce soir. c’est apaisant. comme une immense montée d’adrénaline qui n’en finit jamais. il faut s’en aller étreindre la lumière des lampadaires alourdis par le poids de la pluie, des étoiles immobiles et de la lune au destin fébrile. tu es prêt ? » avait demandé darius au garçon aux cheveux rouges, qui contemplait les pavés et leurs douleurs informes.

« — je suis prêt, prêt à affronter les baisers admiratifs du noir au soleil face à toute sa splendeur » avait répondu ernest en serrant la main de son amoureux, en laissant ses doigts découvrir toute la chaleur d’un humain criant poésie dénudée et épines irradiées.

« — je t’aime » avait chuchoté darius, hésitant, laissant sa voix guider les frissons d’ernest sur sa peau pâle et comblée par l’aggressivité du froid. ses lèvres tremblaient tendrement, dans le regard de l’humain en face de son visage, ne laissant pas le temps aux maux de se glisser entre ses paroles.

« — moi aussi je t’aime, darius » avait répondu ernest quelques secondes plus tard, le corps bancal et ébranlé par la voix de darius, si tendre et si gracile. les “je t’aime” bafoués n’étaient maintenant plus que des écuves à songes profonds et indélébiles.

paris érafflait les lèvres qui se frôlaient entre les lumières abîmées des lampadaires indiscrets. leurs regards se perdaient dans les ombres sombres et mal aîmeées des fragments de vie qui se déposaient sous leur carrure dorée.

le soleil s’était perdu, définitivement, entre les gouttes de pluies teintées d’amertume et la nuit qui courrait sur les échines tordues et abîmées par l’orage.

darius et ernest marchaient entre les lumières fuyantes des boîtes de nuits animales et les restes d’humains desséchés par le manque de vie que novembre leur offrait, dans sa clémence et sa douceur habituelle. les pavés se ressemblaient tous, dans une ignorance accablant la beauté exterieure. elle semblait en dehors du monde. en dehors, même, du corps de la ville attendrie par les larmes du ciel. elle était révélatrice de passions et de couleurs fanées, importatrice de toutes les formes de désir pouvant éxister.

un matin triste de part la poésie qui le compose, bowie, les danses provocatrices, l’olympia, les théâtres abandonés, les nuits laides et silencieus et les corps en osmose préfabriquée qui ne se trouvent que dans les je t’aime défiant la réalité. les photos floues et les visages tâchetés par la peinture des coups bleus et rouges faisaient courir la nuit aux côtés des corps qui se percutent.

ernest et darius couraient à travers leurs tombeaux éteins, certes, mais encore appréciés de leurs démons assassins de toute violence mortelle. la nuit coulait contre leurs corps en mouvement, qui retraçaient les émotions incandescentes qui carressaient leurs corps, parfois, mais toujours munies de leurs talismans erronés.

« — paris me fait oublier mes peurs d’être moi, penché au bord des fossés que mes angoisses creusent peu à peu » avait lancé ernest, essoufflé par le noir qui l’a attrapé par le cou pour ne plus jamais lâcher ses blessures.

« — la nuit file et le temps passe, c’est impressionnant de voir comment crier nos larmes peut être libérateur » lui avait répondu ernest, ne trouvant pas les mots adaptés pour répnodre aux vestiges de maux qui siégeaient encore dans les entrailles du jeune garçon.

le silence approvoisait les faiblesses des voix pures et cassées par l’automne mais d’un coup, brusquement, darius s’était écrié :

la lumière est vaine et livresse noctambule !
armez vous
paris futile
paris tombeau
éclatant et fané
à la lueur de nos briquets

sa voix résonnait dans la poésie qu’elle racontait. douce. et violente. parmi les êtres dépourvus de tous leurs torrents dispendieux.

les deux garçons avaient arpenté les nuits fauves et euphoriques
durant une nuit embellie par leurs baisers. la léthargie de la douceur se brisait violement à chaque avancée des noctambules dans l’étreinte infinie que le froid leur offrait. ils avaient crié poésie et mots repentis, caressé l’asphalte de leurs peaux encore meurtries et confronté leurs hématomes aux grandeurs vertigineuses d’un paris froid, blessé et mal aimé des êtres instables.

le souffle coupé et la lune éventrée, erenest avait dévoré, dans une douceur dispendieuse, les quelques bourgeons de cicatrices qui habillaient les lèvres de darius. la quintessence des corps enivrés se tenait là, debout devant le soleil levant et les rues de paris, sales, bancales et noircies par les peines.

les regards des deux garçons étaient abassoudis par les rires sourds et illusoires des fines gouttes de pluie qui dégringolaient sur leurs visages. ils étaient devant la porte de leur appartement de la rue montorgueil, appartement peuplé d’aes fragiles et solitaires qu’il avaient déserté depuis trente croissants de lune maintenant.

« — j’ai chaud au coeur et mon palais abrite l’amertume nouvelle des citrons aux courbes fanées dans les courses contre les corps, morts, flous et endormis » avait soufflé ernest dans l’oreille de darius. il souriant tendrement à la vue de la lumière abandonée qui siégeait dans ses larmes d’or

le jeune garçon n’avait rien répondu. il avait laissé l’aube se languir sur sa peau, froide et ternie par les orages. ses lèvres étaient fendues, blessées et mal aîmées par ses démons noirs. la chaleur des corps était telle que les murmures et leurs illusions violettes n’avaient plus besoin de grandir dans leurs tombeaux.

un lampadaire s’était éteint entre les corps célestes et les cadavres d’étoiles abandonnées au bord de la nuit. de la musique résonnait déjà, de toute part de la rue et des coeurs sillonnés par les gravures des disques sombres.

ét(r)eindre la lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant