xxv - les pellicules fuient au contact du soleil

12 3 2
                                    

les rayons du soleil perdaient leurs prénoms entre les fragments de jours qui n’appartenaient plus à personne. un goût d’abandon se trainait sur les palais amères et meurtris pas l’absence de douceur. ernest et darius avait quittés le théâtre depuis quelques croissant de lunes, après leur nuit faite d’extases mortes au retour de la lumière.

ils avaient vécu quelques jours dans un refuge à artistes morts dans leur art trop endormi pour être réveillé d’entre les tombes. la salle dans laquelle les deux amoureux se trouvaient faisait parti d’un grand bâtiment peuplé d’humains aux tripes remplies d’art et de révolutions condamnées par le froid. darius avait fait exploser sa colère éteinte entre jets de peinture et toiles repeintes, à la force de ses larmes d’or. ernest avait pris l’appareil photo du jeune artiste, armé d’une pellicule périmée pour capturer les derniers rayons de novembre dans des photos floues et développées sur du papier glacé. 

“tu t’es mis à capturer les doux détails de l’invisible dans les filets de tes photos ? c’est drôle, toi qui te souvient de la beauté uniquement à travers émotions tambourinantes et larmes mortes vivantes” avait lancé darius à ernest en faisant de grands gestes avec ses mains colorées et remplies de peinture séchée.

« — oui, je crois que j’ai peur à mon tour d’oublier la violente douceur qui fracasse mes angoisses d’éxister » lui avait répondu ernest, le regard perdu entre murs ornés de toutes sortes d’oeuvres insalubres et pathétiques « tu n’as jamais voulu garder des fragments de laideur insoutenable dans tes bras ? » avait-il ajouté quelques secondes plus tard, en observant les toiles qui l’entouraient

« — ses pleurs au goût de haine et son corps tordu par la mélancolie n’attirent pas mes émotions en vrac. la laideur n’existe que dans les yeux clos et peuplés par les cauchemars. les pétales fanés et leurs épines dorées sont une triste mélodie mourante au parfum de beauté bousculée, quand on y réfléchi bien et qu’on arrose les fleurs de nos larmes ensoleillés. » avait répondu le jeune garçon, passionné et habité par toute la grandeur des mots qu’il prononçait.

les mains colorées de darius étaient recouvertes de peinture sombre et remplie d’angoisses meurtrières. elles se mouvaient de façon gracile, en effleurant les bribes de papiers déchirés et les pinceaux au manche décoré d’encres tachetées. elles créaient, dans un essoufflement à peine achevé, une beauté imperceptible par les yeux livides dont le corps était armé.

son corps portait encore quelques marques des baisers meurtris que ses révolutions lui avaient offertes. son visage était déchiré par les vestiges de ses larmes de colère et de violence abrupte. sa lèvre inférieure était déchirée, morte, dessinée par les coups de poings visant les baisers langoureux les plus mal regardés.

la folie prenait part aux émotions et aux gestes des jeunes êtres humains quand il s'agissait de faire du quotidien une fresque qui se dressait en bouclier bancal face aux soupirs meurtriers de l’hiver assassin.

les doigts de darius assemblaient des éclats de feuilles inondées par les traits des crayons et quelques fragments de mots coincés dans sa gorge et abîmés par les orages de novembre. ernest mêlait ses maux aux siens, pour laisser une infime larme de douceur dans l’océan de violence brute et façonnée par les mourants. les lettres se laissaient caresser par l’amère mélodie des mots photographiés entre noir et explosions.

soleils soleils
écrasés par l’abandon
vous êtes submergés - dévorés - et adorés
par les marées hautes
des lendemains
g r i s .

coupures griffures
provoquées par les éboulements
des pleurs - des corps - et des images
floues et déchirées
dans l’orage
m a u v e

quelques rayons du soleil bientôt éteint se glissaient au travers d’une petite fenêtre aux carreaux tâchés par les nombreux effusions de liquides colorés par les crachats de rage des artistes sous lsd. le moment résonnait comme une interlude infinie dans l’étreinte que le froid volait de force aux corps démunis de toute défense.

« — ne voudrais-tu pas t’en aller dévorer ces quelques rayons de soleil ? observer la foule et son euphorie, doucement, se mêler aux larmes de joie amère avant de se noyer dans la nuit aimante qui embrasse ses blessures. » avait dit ernest, de sa voix bancale, fanée au coin de sa lèvre déchirée.

« — la lumière me manque et l’art m’opresse. laissons les murs de cette pièce raconter novembre à notre place, c’est fini maintenant. je te suis, mes doigts n’attendent plus que leur retrouvaille avec la chaleur des tiens, plongés dans un début de nuit accueillante. » avait répondu darius en contemplant ce qu’ernest et lui avaient fait durant les derniers jours - un mélange de maux et coups de pinceaux, pour faire fuir des corps une violence immortelle

ét(r)eindre la lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant