xxiv - le corps sage est beau

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les quelques dizaines d’ampoules qui habitaient le plafond du théâtre mourraient dans la nuit qui alimentait leurs cauchemars. quelques fantômes de spectateurs attendaient bancalement que le second acte prenne place tandis que la douceur, elle, n’avait rien perdu de ses éclats pluvieux et de ses reflets violacés. ernest avait fait tourner un vinyle, lentement, choisi parmi le flot sans fin de disques qui traînaient dans un coin sombre de la salle. la musique brisait les quelques bribes de PASSION qui tombaient fiévreusement des corps ivres et remplis de quelques ecchymoses.

une lumière rouge fuyait les stroboscopes fixés en bord de scène, cette falaise imprévisible qui chérissait les moindres faux pas. le diamant dansait toujours cette même valse incessante avec les sillons fourbes et innocents du disques aux rayures illusoires. les couleurs sombres des mélodies de novembre et de sa mort résonnaient avec fureur.

les deux garçons étaient allongés sur le parquet et attendaient que leur sang sèche légèrement avant de reprendre follement leurs émois mis en scène par la fatigue. les peaux tachetées par le délice des coups de poings faisaient danser les lumières fanées sur les tombes qui se creusaient en leurs profondeurs grises.

ernest avait dévêtu darius des quelques fragments de tissus qui restaient encore sur son corps, sans oublier d’embrasser au passage quelques plaies et une ou deux envies de s’échapper dans le noir et son extase.

les vêtements au sol épongeaient les quelques gouttes de sang séché qui s’étaient échappées de la lèvre inferieure de darius, cette lèvre enflée qui n’avait pas supporté les crèves coeurs aux noms d’insultes.

« — je crois que ce soir les corps sont beaux. leur douceur a un goût moins amère et moins dur à apprivoiser » avait chuchoté ernest à l’oreille de darius, essouflé par les nombreuc baisers que ses lèvres offraient au corps du jeune homme.

« — tu penses qu’il leur est nécessaire d’avoir mal pour briller dans l’indifférence ? » avait-il répondu a son amoureux tout en nouant avec ses cheveux.

« — non, ce n’est pas ça que je dis. je trouve que la mocheté de novembre rends les corps plus regardables dans leur chaleur profonde et insoluble » expliquait ernest, perdu dans le cou du jeune garçon à la peau tachetée de toutes sortes de blessures.

« — je dois tout de même avouer que ton torse et tes fesses galbées me donnent terriblement envie d’explorer ton corps et ta passion, sans en oublier les moindres détails. pas toi ? » avait ajouté darius en esquissant un frêle sourire qui donnait à son visage des airs de soleils abandonnés.

« — moi, ce sont tes lèvres qui me font de l’effet, encore plus quand elles sont déchirées » avait répondu le garçon aux cheveux rouges avant de s’en aller dévorer les lèvres de son compagnon, entre coups de langues et baisers révolutions.

les deux corps en furie se livraient une étreinte infinie, dans la plus bancale des lumières artificielles. les “je t’aime” ne se taisaient plus, par peur de s’effacer dans la lutte perpetuelle que les êtres menaient contre la mort, abasourdie par la puissance des baisers amoureux.

darius avait fait du corps d’ernest un sanctuaire à baisers fauves et à jouissance abaondonée au coin de la chaleur que le désir transmettait au coeur. la nudité bousculait les regards des spectateurs invisibles et aux yeux clos, car trop étriqués pour apprendre à cerner la beauté dans l’amour qui ne mélangeait pas les genres.

les deux garçons buvaient les effluves dorées que leurs émois offraient à leurs gorges nouées par le manque de chaleur futile et volatile. ils touchaient. carressaient. embrassaient. innondaient. et chérissaient la jouissance que les jours d’automne avaient du mal à apprivoiser.

les douces explosoins minaient aussi bien les sens d’ernet que ceux de darius, tous les deux plongés dans une chorégraphie dictée par l’innocence de leurs étreintes.

le vinyle ne tournait plus. la musique avait pris fin entre les caresses du diamant et celles de darius sur la peau d’ernest, encore refroidie par les coups de couteaux que novembre leur infligeait. la mélodie des corps ivres et suppliant la jouissance de les aggresser se retrouvait seule dans l’âme des acteurs.

les deux corps étaient immobiles. ils étaient nus, légers et dépourvus de toute trace de violence. quelques lumières colorées dansaient maladroitement sur l’infinité de frissons qui couraient sur leur peaux pâles et rougie par endroits. les hématomes se frottaient aux envies de fuir et d’exister dans un corps étranger au sien pour apprendre de son désir.

ernet et darius avaient apprivoisé ce va et vient incandescent jusqu’à ce que les lumières rosées du soleil levant viennent se glisser en dessous des portes du théâtre. les spectateurs illusoires furent privés de la fin de ce spectacle, tout comme les mots fuyants des plumes forgées par la fureur de vivre dans l’ivresse.

quelques regards pathétiques se glissaient parfois dans la nuit et dans la pudeur de deux corps en symbiose, sans rien obtenir d’autre que quelques gémissement fracassants. le noir sans fin se glissaient entre les reins des deux amoureux aux corps éreintés par la violence de leurs désirs fauves. la beauté d’un soupis avait transformé leurs formes avares en étuves à soleils, comme le disaient les chuchotements incessants des mélodies fuyantes.

ét(r)eindre la lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant