Buvons-en un, buvons-en deux

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Londres - 64 Rosebary Avenue - 12 avril 1921

Edward Pritchard faisait les cent pas dans le petit salon. Il avait été convoqué par sa tante... La vieille Pritchard comme il la surnommait.

Il rageait contre cette vieille bique. Être convoqué à passés trente ans... C'était d'une telle humiliation !

Même s'il était directeur de la compagnie d'assurances la plus florissantes de Londres voire d'Angleterre, sa tante en restait la présidente. Elle avait hérité la compagnie à la mort de son époux. Et elle avait repris le flambeau d'une main de fer dans un gant de velours... même si au fil des années le gant s'était élimé et ne restait que la ferme poigne.

Et c'était souvent son neveu Edward qui en faisait les frais. Il s'en accommodait. Cette petite gêne ne contrebalançait pas les grands avantages dont il bénéficiait depuis sa nomination.

Aussi se coltiner la vieille et ses réprimandes de temps en temps n'était qu'un fugace moment désagréable au cœur d'une vie de richesses et de facilités.

Enfin, le majordome entra.

-Lady Pritchard va vous recevoir.

***

Assis de l'autre côté du grand bureau, Edward ne supportait pas ce regard hautain que lui adressait cette vieille femme dont on ne devinait même plus la texture de la peau du visage et des mains tant elle était couverte de cette affreuse et blafarde poudre à la mode chez les personnes âgées qui avaient les moyens de se la procurer.

- Cher neveu. Tu sais à quel point l'honnêteté et la droiture sont importantes à mes yeux...

Pritchard soupira. Elle allait lui faire la morale... Il est vrai que la petite soirée du samedi précédent avait fini en véritable beuverie et que le départ des hôtes bien éméchés avait occasionné quelque tapage dans le quartier de Soho... mais franchement, il avait passé l'âge des sermons.

- ... Et je me refuse à laisser aux commandes de mon entreprise un escroc, aussi mon neveu est-il !

- Un escroc ? répéta-t-il se reconcentrant sur la discussion.

Il devinait qu'il ne serait pas question de ses incartades nocturnes.

- Je suis vieille, Eddy... mais pas sénile. J'ai fait surveiller les comptes...

Pritchard sentit la sueur lui couler dans la nuque. De quoi s'était mêlée cette vieille folle ?!

- ... Et j'ai découvert tes petits manèges. Que fais-tu de l'argent que tu détournes ? demanda-t-elle, le visage fermé.

- De l'argent que je détourne... C'est une affreuse méprise... Je me suis moi-aussi aperçu que les comptes étaient truqués mais je n'ai pas voulu t'en parler. Je pensais que cela te contrarierait. Et tu n'as pas besoin de cela...

- Ne me prends pas pour une idiote ! Je sais que c'est toi qui en es l'auteur. J'ai été bien bête de te faire confiance et de te confier les rênes de la maison.

- Et sur quoi vous appuyez-vous pour m'accuser ainsi ? rétorqua le neveu.

- J'ai des preuves, Edward !

Elle se leva et se dirigea vers le tableau qui trônait au-dessus de la cheminée. Elle le déplaça, laissant apparaître le coffre-fort intégré au mur épais de la bâtisse.

Elle sortit une clé de sa poche de robe et la glissa dans la serrure. Un petit cliquetis se fit entendre. Elle passa la main dans le cube sombre et en sortit quelques papiers qu'elle agita devant lui.

Poirot : Une Pause à Helmsley (2nde partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant