Qui va à la chasse...

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Poirot avait mal dormi. Non pas parce que la campagne était abominablement silencieuse la nuit sans les sirènes de police et les freinages des chauffards alcoolisés. Non pas parce que le matelas était excessivement ferme et que les rhumatismes se réveillaient de plus en plus souvent. Non pas parce que les draps avaient une étrange odeur de lessive bon marché...

Cela tenait plus de sa rencontre avec Amelia. Après ces quelques mois durant lesquels il avait tant œuvré à l'effacer de sa mémoire, il eut suffi d'un regard et de quelques bavardages sans grande conséquence pour réveiller le feu en lui.

Il s'était tourné et retourné encore dans son lit, cherchant désespérément le sommeil. Puis quand il l'eut enfin trouvé, il fut agité par des visions sulfureuses. Les yeux scintillants de la jeune femme, son rire cristallin, son esprit affûté, ses gestes sensuels...

Et quand il avait calmé son excitation pour profiter d'une réelle quiétude, le foutu coq local avait décidé de l'importuner de son tonitruant Cocorico.

Satanée Helmsley ! Ou plutôt satanée Amelia !...

***

- Argh... La symétrie !

- Quelque chose ne va pas, M'sieur ?

Un jeune homme en veston de service venait de s'approcher de la table où était installé le détective.

- Et bien, constatez par vous-même ! rétorqua Poirot qui, de la main, indiquait son assiette.

L'employé de l'hôtel fronça les sourcils et grimaça. Il avait beau regarder avec la plus grande des attentions les œufs au plat de son client. Il n'y voyait rien à redire. Les blancs étaient cuits sans être grillés. Les jaunes semblaient moelleux. Une cuisson en deux temps réussie.

Devant le mutisme de son interlocuteur, Poirot s'agaça. Il sortit un mètre-ruban de sa poche et mesura le premier œuf.

- 4 inches 23...

Il déplaça son outil sur le deuxième œuf.

- ... 5 inches 19.

Il coula son regard réprobateur vers le jeune homme.

- Et ?... demanda le serveur un peu perdu.

- Et ?!... Où est la symétrie ?

- Ce... sont... juste des œufs au plat pour le petit déjeuner. minimisa le garçon.

Poirot soupira profondément et secoua la tête de désolation devant le pain grillé : Une tranche quasi noire et l'autre à peine colorée.

- Vous voulez un autre petit déjeuner ? demanda le jeune homme.

- Pouvez-vous assurer à Poirot que les œufs seront exactement de la même circonférence et que les mouillettes seront toastées à l'identique ?

- Grand Dieu, non ! La nature fait bien ce qu'elle veut ! lança le serveur.

- Sachez, jeune homme, que la nature obéit à des lois très précises. Et qu'elle aime l'harmonie et les principes mathématiques. Regardez la fractale du brocoli, le nombre d'or des pétales de fleurs, la spirale des cœurs de tournesols ou des coquilles d'ammonites. Tout cela s'appuie sur de la géométrie, des règles... Vous connaissez Galilée ?... s'impatienta-t-il devant l'œil hagard du garçon.

- Euh... C'est une région... évoquée dans les testaments... Mais j'ai pas trop suivi le catéchisme... rougit-il.

- Je ne parlais pas du territoire qui avant la Captivité recouvrait les territoires des tribus d'Issacar, de Zabulon, de Nephthali et d'Asher... mais du grand physicien et astronome italien...

Poirot : Une Pause à Helmsley (2nde partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant