Pelles et burins...

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Londres - 64 Rosebary Avenue - 25 janvier 1924

La lune était blafarde et l'air était frais. Walsh ne sentait plus ses orteils. Depuis le matin, il était là à faire le pied de grue. Il avait vu l'associé du détective venir poser des questions à la petite bonne des Pritchard.

Ça sentait mauvais. Si Poirot grattait sur les affaires du londonien, à un moment où un autre il lèverait le voile sur les affaires du fermier du West Riding. Sur le meurtre d'Anny... Et Walsh tenait à sa tranquillité pour pouvoir continuer ses fructueuses petites affaires. Il ne l'avait pas refroidie pour rien quand même !

Qu'est-ce que cette fille avait bien pu raconter au capitaine dans la journée. Hastings était plutôt futé, affublé d'une blouse blanche. Pour qui donc avait-il bien pu se faire passer ? En tout cas elle lui en avait dit des choses compte tenu du temps pendant lequel il lui avait tenu le crachoir...

Il fallait éliminer tous ceux qui le gênaient... Et ce soir serait le moment idéal. Il avança donc discrètement vers la maison mais il remarqua deux ombres derrière le réverbère. Il plissa les yeux. Il ne revint pas de ce qu'il devinait dans la pénombre. Poirot et son ami, tout de noir vêtu. Mais que faisaient-ils donc là ?

Et merde. Ils venaient contrecarrer ses plans. C'était foutu !... Non. Non. Il fallait réfléchir. Tirer avantage de la situation...

Des pas dans la rue le ramenèrent à la réalité. Il vit le plus petit et massif des deux hommes traverser la rue, gravir le perron et bientôt se glisser derrière la porte d'entrée.

Un sourire diabolique s'afficha bientôt sur le visage du tueur. Oh oui, il allait tirer bénéfice de tout cela. Et s'il mettait les détectives associés dans une très désagréable posture ? Et s'ils finissaient accusés de meurtre, d'un double meurtre ?...

***

Pocklington - The mile - 28 janvier 1924.

Trois coups assénés à la porte sortirent Walsh de sa somnolence.

- Joey, c'est les flics. gueula sa femme.

Walsh se leva d'un bond de sa banquette défoncée et courut à l'arrière de la maison.

- Retiens les comme tu peux. Puis, dès que la voie est libre, tu files avec les objets volés cachés dans le hangar. On se retrouve où tu sais. ordonna-t-il avant de sortir par la porte dérobée.

Pour toute réponse, elle opina du chef en lançant son torchon usagé par-dessus son épaule droite.

Depuis son rétroviseur, Walsh aperçut les policiers courir à leurs voitures pour le courser. Il connaissait ces sentiers par cœur et il était persuadé qu'il les sèmerait rapidement.

Mais après quelques kilomètres il devait se rendre à l'évidence, il était talonné et ces maudits poulets étaient attachés comme des moules à leur piquet. Il appuya encore et encore sur la pédale d'accélérateur.

Le virage ! Bon dieu le virage ! Il donna un grand coup de volant à droite mais c'était trop tard. Il sentit la voiture décoller de la chaussée pour retomber lourdement dans le talus. Puis il y eu le bruit assourdissant. Le choc avec la surface du plan d'eau. Les ondulations du liquide qui se dessinaient sur les fenêtres et les parebrises. Il coulait désespérément. Et cette foutue poignée qui lui résistait.

Sortir ! Sortir !... L'eau avait envahi l'habitacle. Il suffoquait en avalant cette eau saumâtre.

Il faisait sombre et froid. Ses poumons se remplissaient de ce liquide. Sa vision se troublait. Il ne sentait bientôt plus sous ses doigts engourdis la poignée de la portière que quelques secondes encore auparavant il enserrait de toutes ses forces.

Poirot : Une Pause à Helmsley (2nde partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant