Helmsley - Canons Garth lane - 14 janvier 1921
Pritchard releva le col de son manteau en sortant de l'hôtel. C'était le mois d'avril et même si la nature faisait son travail de renaissance, l'hiver refusait de céder la place et une fine pellicule blanche recouvrait le champ de l'autre côté du sentier.
Le londonien s'étira. Le matelas de sa chambre était dur. Et il devait maintenant prendre la route pour se rendre dans un bled voisin, chez Walsh, à l'abri des regards. Espérons que les nids de poule ne pullulaient pas sur ces routes sinueuses...
Il fit quelques longs kilomètres qui mirent sa carcasse à rude épreuve. Bientôt il ne vit plus une bâtisse à la ronde. Il n'y avait que champs à perte de vue.
Pourtant il avait bien suivi les indications de Walsh. S'était-il moqué de lui en l'envoyant si loin de toute civilisation ?
C'est seulement à ce moment-là que Pritchard se dit qu'il avait été bien idiot de partir ainsi sans donner quelques renseignements au tavernier. Walsh l'attirait peut-être dans un guet-apens pour le détrousser. Et lui, comme un bleu, n'avait prévenu personne de l'endroit où il se rendait.
- Stupide que tu es ! pensa-t-il alors qu'il approchait d'un petit ensemble de bâtiments dans un bien piteux état.
Selon son analyse, il était arrivé à destination. C'est là que Walsh lui avait donné rendez-vous.
Il se gara dans la cour. On était dans la campagne profonde. Cela ne faisait aucun doute. Un aveugle et un sourd s'en seraient aperçus sans difficulté car en plus de la plaine désertique et du silence monacal, cela puait la bouse de vache à plein nez... A moins que ce ne soit le crottin de cheval... Pritchard en bon citadin qu'il était ne faisait aucune différence. D'ailleurs y avait-il une différence d'odeur entre les excréments des animaux selon leurs espèces ?...
Pritchard secoua la tête. Voilà que la nervosité qui l'envahissait lui faisait s'interroger sur des choses aussi triviales que les déjections des animaux de ferme.
-Reprends-toi ! s'enjoignit-il avant de descendre de voiture.
Son aplomb disparut aussi vite qu'il était apparu quand il entendit un gros "Floc" et sentit le sol mou et glissant sous la semelle de sa chaussure droite.
- Et merde !...
Il grimaça en scrutant sa Crockett & Jones couverte de boue. Ses derbies valaient la peau du derrière. Il les avait faits venir à peine deux jours avant son départ de Northampton, le berceau de la cordonnerie.
- Fait ch... !
Il stoppa en plein juron lorsqu'il se rendit compte que deux petits yeux le fixaient depuis la barrière de l'espace dédié aux cochons.
La gamine avait une bonne quinzaine d'années selon lui... voire à peine majeure... Les gamines n'intéressaient guère Pritchard... Et encore moins celles qui paraissaient totalement empotées et négligées.
Un aboiement agressif le sortit de ses songes. Il coula son regard jusqu'à la porte du seul bâtiment qui disposait d'un étage. La première chose qu'il vit fut les crocs de la bestiole qui s'agitait frénétiquement. Elle était massive et effrayante. Pritchard comprit vite qu'il ne devait son salut qu'à la poigne ferme et déterminée de Joey Walsh autour de l'épais collier de cuir qui enserrait le cou du chien.
Un frisson parcourut le dos du visiteur. Il scruta l'horizon. Le décor était lugubre. Mais que faisait-là au milieu de nulle part ? Encore à moitié assis dans sa voiture au milieu d'une cour dégueulasse entre une gamine amorphe, un type patibulaire et un cerbère enragé.
VOUS LISEZ
Poirot : Une Pause à Helmsley (2nde partie)
FanfictionHISTOIRE TERMINEE Amelia a quitté précipitamment Whitehaven Mansions après s'être faite éconduite par Poirot... Quelques semaines plus tard, le détective apprend le décès de Lord Raoding, son grand ami et oncle d'Amelia. Poirot, accompagné de Hasti...