Chapitre 1 - 1

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I

*3 ans plus tard*

Kal chevauchait tranquillement dans la forêt verdoyante, sous les sifflements des oiseaux, les mains couvertes d'un épais sang noir qui commençait à durcir et à lui tirer la peau. Mais cette petite gène ne lui importait que peu. Une bourse garnie de mille pièces étaient accrochées à la selle de son cheval, tintant comme les cloches le soir de la douzième nouvelle lune. Cette somme, qui aurait pu faire rire un de ces aristocrates aussi vieux que pervers, n'était pas des moindres pour lui. Avec ça, il allait pouvoir se nourrir, se racheter des vêtements, un poignard, et même avec tout ça il pourrait encore en garder un peu sous le coude, en cas de besoin.
Après la tragédie survenue trois ans auparavant, il avait été recueilli par une autre Wirä, prénommée Lélia. Cette femme aux longs cheveux brun, d'une cinquantaine d'années, avait remué ciel et terre pour lui permettre d'obtenir le titre de Traqueur. Suite aux évènements déroulés précédemment, tous les Anciens de Drakäe furent tués. Lélia avait donc fait appel à une connaissance qui habitait dans un Royaume implanté sur le continent voisin. Lors de leur rencontre, Kal dut tracer un cercle de sang, au pied de la statue à l'effigie du Dragon Noir, pour ensuite se mettre à genoux en son centre et y prier durant de longues heures. Il eut tant à maintenir cette position, qu'il se vit contraint de conserver une démarche boitillante les jours qui suivirent. Il en avait d’ailleurs gardé un amer souvenir, que Lélia remettait souvent sur tapis, au grand malheur de Kal…

Toujours sur sa fidèle monture, le Chasseur songeait au parcours qu'il avait mené depuis le décès de ses proches. L'arrivée de Lélia dans sa vie lui avait permis d'obtenir un titre respectable, mais ne l'avait pas aidé le moins du monde en ce qui concernait ses démons. Ils demeuraient toujours là, intacts, gagnant sans cesse du  pouvoir sur les agissements de Kal. Ce dernier ignorait encore pour combien de temps il devait être maintenu sous tutelle, mais s'il se fiait à l'expérience qu'il avait acquise et à la maîtrise de ses lames, le jeune homme avait l'intime conviction que son apprentissage touchait à sa fin. Ce n'était plus qu'une question de temps. Pour la suite, Kal avait déjà plusieurs projets en tête, mais tous se reliaient à son unique objectif : traquer la Créature qui avait détruit sa vie. Pour commencer son périple, il voulait retourner aux Ruines du Temple qui était en quelque sorte le lieu où tout avait commencé, dans lequel il avait perdu sa famille, ses amis, et bien évidemment, celle que son cœur avait choisie. Il devait les venger ; se venger.
La tête levée vers le ciel bleu, dépourvu de nuage, il laissa ses pensées divaguer... Malgré les années, malgré les tentatives, il ne pouvait pas l'omettre. C'était elle ou personne. Puis, de manière plus générale, le jeune homme n'avait rien oublié. C'était même le contraire. Il ressassait chaque jour les mêmes questions, les mêmes images, les mêmes sensations… Cette foutue nuit d’été restait gravée en lui.
Ajouter à cela, l'interdiction imposée par son maître n'arrangeait en rien les choses. Étant donné qu’elle ne lui avait imposé qu'une unique limite à ne pas franchir, il n'avait qu'elle à penser.
"Ne retourne sous aucun prétexte sur les lieux de l'accident. Ce sera beaucoup trop douloureux, tu es encore trop faible."
Le jeune homme s’était toujours efforcé de respecter cette limite, même si cela lui était difficile. Il détestait la contrainte, chérissant sa liberté d’action, cette défense était pour lui comme une impasse l'empêchant d'accéder au chemin qui le mènerait aux réponses aux questions qui l'envahissaient, comme si on l’empêchait de comprendre qui il était vraiment.

Trop faible... trop faible... trop faible…

Ces mots ne faisaient que résonner dans son esprit. La “faiblesse”, les pires syllabes à ses oreilles. La pire insulte que l'on pouvait lui crier depuis qu'elle lui avait fait part de cette pensée. Cette obsession à devenir fort et puissant, motivait Kal à continuellement s'endurcir pour ne pas être ce faible, et pour être capable de retourner sur les lieux du drame de cette foutue nuit d'été, comme il l'appelait.

Nominé : Préambule du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant